Intervention de Caroline Abadie

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 14h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Abadie, rapporteure :

En préambule, je tiens à remercier M. le président, avec qui j'ai eu plaisir à travailler dans un réel esprit de concorde. Merci pour cette collaboration riche et sincère. Nous avons eu tous deux le souhait d'aborder les questions carcérales avec pragmatisme et ambition. Nous avons traité ces thématiques sans tabou – je n'ai posé aucune limite au choix des personnes à auditionner – mais aussi sans idées préconçues. Nous avons, au contraire, cherché à ancrer notre travail dans le réel.

Notre champ d'investigation était très vaste, en effet, ce qui nous a conduits à mener un long cycle d'auditions que nous avons organisé en séquences thématiques. Nous avons entendu plus de 130 personnes. Compte tenu des délais qui nous étaient impartis, ce chiffre est impressionnant. Nous avons en outre effectué des déplacements à la Santé, aux Baumettes, à Château-Thierry et à Fresnes. À ces occasions, nous avons rencontré plusieurs dizaines de professionnels exerçant en prison.

Le travail mené s'inscrit dans une forme de continuité ; en effet, plusieurs travaux parlementaires ont déjà été conduits sur les sujets pénitentiaires. En particulier, deux rapports d'enquête parlementaires, l'un de notre assemblée, l'autre du Sénat, ont été publiés en 2000. Les députés s'étaient alors fixé, comme nous l'avons fait, un champ d'investigation très large, tandis que les sénateurs s'étaient concentrés sur les conditions de détention, notamment dans les maisons d'arrêt, et le contrôle du système carcéral. Ces travaux avaient mis en lumière plusieurs manquements de la politique pénitentiaire et du système carcéral qui ont constitué un point de repère à partir duquel j'ai choisi de développer ma réflexion. Nous nous sommes demandé ce qui avait changé dans nos prisons depuis vingt ans, et nous avons constaté de nombreuses évolutions. Cela démontre l'utilité de ce type de travaux.

Avant d'en venir au fond du rapport et à la présentation de quelques-unes de mes propositions, je voudrais rappeler les principales évolutions qui sont intervenues au cours des vingt dernières années.

On constate, d'abord, un changement dans les pratiques et les règles pénitentiaires : depuis vingt ans, le droit des personnes détenues a été aligné, dans beaucoup de domaines, sur le droit commun, qu'il s'agisse par exemple du droit de vote, du contrat de travail ou de l'accès au système hospitalier. A été progressivement intégré dans les règles pénitentiaires le fait que la prison n'entraîne que la privation de la liberté d'aller et venir, et qu'elle ne doit pas déposséder le détenu de ses autres droits.

On observe, ensuite, un changement dans le contrôle des prisons. C'est peut-être l'une des évolutions les plus marquantes : en vingt ans, le contrôle des établissements pénitentiaires s'est considérablement accru, comme l'attestent le droit de visite explicite des parlementaires depuis 2000, l'institution du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en 2007 et du Défenseur des droits en 2008, l'obligation de visite de certains magistrats depuis 2009 et le droit de visite des bâtonniers sur leur ressort depuis 2021. Parallèlement, le contrôle du juge administratif s'est développé, par exemple s'agissant des questions disciplinaires. Tout récemment, nous avons aussi créé une voie de recours spécifique pour saisir le juge judiciaire de conditions de détention jugées indignes. Ces évolutions tendent à garantir les droits des personnes incarcérées et la dignité de leurs conditions de détention.

Enfin, et même si cet aspect des choses est peut-être celui qui doit être le plus renforcé, nous avons constaté un changement d'état d'esprit. La façon de comprendre et de prendre en charge la délinquance a évolué. Nous portons un regard plus social, nous cherchons davantage que par le passé à traiter la racine des problèmes, nous mettons plus l'accent sur la réinsertion et la désistance. Les chiffres illustrent cette évolution. En 1999, le législateur a créé les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), dont les effectifs ont augmenté de 160 % au cours des quinze dernières années. C'est par une volonté politique réelle, et commune aux gouvernements successifs, que nous avons réussi à avancer en la matière. Il n'en demeure pas moins que nous pouvons encore faire mieux dans ce domaine – vous le comprendrez rapidement en lisant mes propositions.

J'en viens au contenu du rapport. J'ai organisé ma réflexion autour de trois grands axes. Dans le premier, intitulé « Des hommes : personnels pénitentiaires et personnes détenues », nous montrons que la prison est avant tout un lieu humain, un lieu de vie quotidienne, dans lequel évoluent des agents pénitentiaires et des personnes détenues.

La deuxième partie est intitulée « Des murs : des conditions de travail et de détention qui se confondent ». Lorsqu'on parle de prison, on pense murs d'enceinte, barbelés, barreaux, cellules. Or, à l'intérieur, les conditions de travail des agents et les conditions de détention des prévenus et des condamnés se confondent très intimement. La prison, ce n'est pas un lieu, ce sont des lieux. C'est un ensemble immobilier étendu, recouvrant différents types d'établissements qui correspondent à des réalités architecturales complexes et à des normes spécifiques définies par la politique pénitentiaire mais aussi par la politique pénale.

Dans la troisième partie, intitulée « La prison : une ville dans la ville », nous montrons que, contrairement à une idée reçue, les prisons ne sont pas intégralement coupées de la société. Elles entretiennent des liens avec cette dernière et avec les territoires ; elles accueillent de nombreuses activités. Cette approche permet de concevoir la prison comme une étape vers la réinsertion.

Vous l'avez constaté, ce rapport est volumineux. Et pour cause : il y avait de nombreux sujets à traiter. Il est vrai, monsieur le président, que, dans la mesure où nous avons traité autant de questions, un grand nombre d'idées et de bonnes pratiques nous a été communiqué au cours des auditions et des visites. J'en ai fait une sélection, en essayant, à chaque fois, de les regrouper autour de grands axes de progrès. Je n'en présenterai ici que quelques-unes.

Suivant votre idée, monsieur le président, à laquelle vous teniez particulièrement – et qui m'a semblé tout à fait opportune –, j'ai commencé par évoquer les personnels pénitentiaires. Nous avons souhaité, par là même, saluer l'investissement et le dévouement de ces personnes, dont le travail est souvent difficile et méconnu alors qu'elles exécutent une mission indispensable au fonctionnement de notre société et au maintien du lien social.

Cette administration a longtemps été confrontée à un déficit de personnels – c'est le directeur de l'administration pénitentiaire lui-même qui en a fait le constat devant notre commission. Tous les rapports, depuis 1875, soulignent ce problème. Malgré les efforts accomplis, avec par exemple la création d'une prime de fidélisation, ce sont des métiers qui manquent toujours d'attractivité. C'est pourquoi je propose d'aller plus loin. D'une part, il convient de prendre en compte les difficultés de logement, en particulier dans les zones urbaines tendues et en début de carrière. D'autre part, il faudrait envisager le passage de l'ensemble des personnels de surveillance en catégorie B, ce qui présenterait également l'avantage d'offrir des passerelles vers d'autres carrières.

Nous devons aussi mieux prendre en compte la réalité des conditions de travail et la surpopulation carcérale. À cette fin, il faut réviser les organigrammes des établissements, qui sont déterminés en fonction des effectifs théoriques. Je propose que l'on prenne en compte les effectifs réels. De fait, la surpopulation persiste depuis des décennies – un rapport de 1875 le signalait déjà. Malgré la baisse du nombre de détenus constatée pendant la première partie de la crise sanitaire, son niveau est à nouveau trop élevé : au 1er novembre 2021, on comptait 13 188 détenus en surnombre, soit 19 % de la population carcérale.

La raison de cette situation est que nous incarcérons toujours plus. En vingt ans, le nombre de personnes détenues a augmenté de 31 %, passant de 48 000 en 2001 à 70 000 en 2021. Cette progression en valeur absolue se traduit aussi en valeur relative : il y avait 103,6 personnes détenues pour 100 000 habitants en 2021, contre 78,5 en 2001. Or, dans le même temps, on n'a observé aucune explosion de la délinquance. Je ne crois pas que l'on puisse dire que la justice ait été laxiste – ce serait plutôt le contraire.

Depuis vingt ans, pour répondre à ces enjeux, de nombreuses mesures ont été prises, tant en matière de politique pénitentiaire immobilière qu'en matière de politique pénale.

Concernant le parc immobilier, tout d'abord, le nombre de places de prison n'a cessé d'augmenter, passant de 48 593 en 2001 à 60 494 fin 2021. Nous continuons de faire d'importants efforts dans ce domaine, en particulier dans le cadre du plan 15 000 places. Ce dernier, qui a été inscrit dans la loi de programmation et de réforme pour la justice, doit se dérouler en deux phases : 7 000 places sont prévues pour 2022, puis 8 000 places d'ici à 2027. Au total, la construction de 18 000 nouvelles places a été programmée, tandis que 3 000 fermetures interviendront, portant ainsi à 15 000 les créations nettes.

Je sais que c'est un sujet très important pour nos collègues Les Républicains, qui ont demandé la création de cette commission d'enquête. Je vais donc exposer précisément les chiffres.

Fin 2021, sept opérations ont été livrées, pour un total net de 2 049 places de détention créées, ce qui correspond approximativement à la construction de 3 600 places et à la fermeture de 1 600 places dans les établissements qui ne sont plus en état d'accueillir des personnes détenues. Pour l'année 2022, dix-huit opérations sont d'ores et déjà au stade des travaux, ce qui devrait se traduire par la livraison de 3 700 places, dont 2 541 créations nettes. À la fin de cette année, 4 590 places sur les 7 000 prévues dans cette première phase seront livrées.

Les retards sont principalement dus à la crise sanitaire. Ce bilan n'est donc pas totalement critiquable, d'autant que les travaux prévus pour les 2 400 places restantes sont déjà en cours ; pour la majorité d'entre elles, la livraison est prévue en 2023 et, pour quelques-unes, en 2024.

Concernant la seconde phase, quatre opérations sont au stade de l'étude de conception, pour 1 260 places ; cinq ont franchi le cap des concertations, pour 2 750 places ; cinq autres font l'objet de consultations, pour 3 200 places ; les trois dernières consultations seront lancées en 2022, pour 1 800 places. Le second volet est donc lancé. Les opérations sont identifiées, sur des sites précis, les concertations et les études locales ont été engagées. Nous pouvons être plus qu'optimistes quant au respect de l'ambition affichée pour 2027. Et, parallèlement, de nombreuses rénovations sont entreprises.

Il a fallu surmonter un grand nombre de réticences au niveau local. Nous proposons d'ailleurs un volet d'actions pour qu'il soit plus facile, à l'avenir, de convaincre les collectivités territoriales d'accueillir des établissements pénitentiaires.

Précisons enfin que jamais le budget de l'administration pénitentiaire n'a été aussi élevé. Les crédits de paiement sont passés de 3,5 milliards d'euros en 2018 à 4,3 milliards pour 2022, soit une augmentation de près de 20 %.

La politique pénale est aussi intimement liée à la surpopulation carcérale. C'est un sujet central dont notre commission d'enquête s'est saisie. L'administration pénitentiaire arrive à la fin de la chaîne pénale, après que la justice a décidé des peines privatives de liberté, en milieu ouvert ou fermé.

Pour réduire la surpopulation carcérale, il faut repenser la peine au-delà du seul modèle de l'emprisonnement. Nous avons pris de nombreuses mesures en ce sens, en particulier en matière d'aménagements de peine et de solutions alternatives à l'incarcération. Les résultats sont encourageants. À titre d'exemple, on prononce de plus en plus d'aménagements ab initio. La peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) est de plus en plus utilisée par les magistrats : alors que 423 DDSE avaient été prononcées au 1er septembre 2020, on en a recensé 1 295 un an plus tard. Les peines de travail d'intérêt général (TIG) sont également en cours de revalorisation. Nous avons d'ailleurs entendu beaucoup d'acteurs saluer la création de l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP) et le travail qu'elle réalise.

Nous devons continuer dans cette direction et prêter une attention particulière à certaines procédures pénales qui semblent conduire à un prononcé plus important de mesures privatives de liberté. Je propose notamment d'évaluer les conséquences en matière de détention des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

J'ai également étudié le sujet de la détention provisoire, car le problème de la surpopulation se pose de façon aiguë dans les maisons d'arrêt. Sans entrer dans le détail, il me semble que nous devons poursuivre le développement du recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), qui est sous-utilisée.

Les politiques immobilière et pénale sont cruciales pour mettre fin à la surpopulation et garantir l'encellulement individuel – principe qui n'a jamais été respecté depuis son inscription dans notre droit dès 1875.

Nous nous sommes longuement interrogés à ce propos. L'encellulement individuel est-il une obligation pesant sur la personne détenue, qui doit s'isoler pour s'amender, conformément à l'état d'esprit du législateur de 1875 ? Est-ce une règle de sécurité visant à éviter la « contagion délinquantielle » au contact des autres détenus ? Est-ce un droit de la personne détenue, lui garantissant des conditions de détention dignes, comme on le dit souvent aujourd'hui ?

Nous devons appréhender l'encellulement individuel en croisant ces trois conceptions et en y ajoutant un quatrième élément : le droit actuel admet des dérogations à ce principe. Celui-ci ne doit donc pas être vu comme un absolu. Dans certains cas, l'enfermement individuel peut ne pas être adéquat ; il est susceptible de compromettre la réinsertion. Nous en avons fait le constat lors de nos déplacements : toutes les personnes détenues ne souhaitent pas être placées dans une cellule individuelle. En cas de fragilité psychologique, par exemple, voire de risque suicidaire, la solitude en cellule représente même un véritable danger.

Nous devons donc dépasser une vision absolue du principe de l'encellulement individuel, mais cela suppose que les cellules occupées par deux détenus soient aménagées à cette fin. Ce qui me paraît indigne, en effet, c'est l'occupation double ou triple d'une cellule individuelle.

Dépasser la vision absolue de l'encellulement individuel nous conduit logiquement à ne plus faire de ce principe l'alpha et l'oméga de la politique pénitentiaire. La réflexion sur ce point doit servir de base à l'éventuelle révision du moratoire en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2022. Les réformes pénales et immobilières mises en œuvre depuis cinq ans, couplées – comme je le propose – à l'usage plus étendu de l'ARSE, ou encore au développement de la régulation carcérale, devraient nous permettre de respecter la date butoir du 31 décembre 2022. Toutefois, cela reste une hypothèse. Puisque ce type d'enfermement n'est pas toujours adapté, peut-être devons-nous revoir notre objectif dans ce domaine ?

Après avoir abordé ces enjeux qui relèvent de la « quantité » et des capacités d'accueil des établissements, j'en viens à la qualité de la prise en charge des personnes détenues.

Celles-ci cumulent souvent difficultés sociales – précarité, éloignement des systèmes sociaux, mal-logement –, problèmes de santé mentale et physique – prévalence de certaines maladies, problèmes bucco-dentaires, problèmes psychiatriques –, et de nombreuses addictions. Selon les données disponibles, 78 % des détenus fument, 31 % sont dépendants à l'alcool, 33 % consomment régulièrement des drogues illicites. L'administration pénitentiaire doit prendre en charge toutes ces situations, à un stade où les autres politiques publiques ont échoué.

Dans ce domaine, nous devons encore beaucoup progresser. Nous ne saurions nous satisfaire de la situation sanitaire des détenus. Pour cela, il faut d'abord mieux connaître l'état général de santé des détenus en France, en conduisant une véritable enquête épidémiologique. Il faut également assurer un meilleur suivi de l'état de santé au cours de la détention. L'hôpital est entré récemment dans les prisons. C'est une grande avancée, mais il faudrait aussi, à l'avenir, faciliter la pratique médicale en détention et la rendre plus attractive pour les professionnels de santé. En effet, la désertification médicale s'observe aussi dans le cadre pénitentiaire. L'application d'une politique de réduction des risques en prison, à l'image de ce qui se fait à l'extérieur, est attendue depuis 2016 ; elle revêt une importance particulière compte tenu du niveau élevé des addictions. L'une de mes propositions porte sur cette question.

À l'entrée en détention, plus de la moitié des détenus sont sans emploi et dépourvus de diplôme ; près de 90 % d'entre eux n'ont pas plus que le certificat d'aptitude professionnelle (CAP). À cet égard, le temps d'emprisonnement doit être utile.

Il faut permettre le travail en détention. Or, ce dernier a fortement diminué depuis vingt ans. La proportion de détenus qui travaillent est passée de près de 50 % en 2000 à environ 30 % en 2020, le creux de la vague ayant été atteint en 2016. La création du contrat de travail pénitentiaire et celle de l'ATIGIP ont redynamisé le travail en détention. Nous devons continuer dans cette direction et adopter une approche pragmatique, par exemple en utilisant les mêmes outils qu'à l'extérieur – tels que les bilans de compétence et les forums de recrutement –, en tissant davantage de liens entre la vie économique et la prison, ou encore en structurant mieux les réseaux d'acteurs agissant en ce domaine.

J'en viens à l'enseignement et à la formation professionnelle. Depuis le transfert de la compétence aux régions en la matière, en 2014, la diminution des formations est considérable : entre 2010 et 2020, le taux de personnes détenues accédant à une formation professionnelle est passé de 40 % à moins de 13 %. Dans le même temps, le volume d'heures de formation consacré en moyenne annuelle à chaque stagiaire est passé de 177 à 120 heures. On observe également de fortes disparités entre les régions. La formation professionnelle est, indéniablement, une des clés de la réinsertion et donc de la lutte contre la récidive. Il est inacceptable que la situation se soit ainsi dégradée ; je propose plusieurs pistes pour y remédier. L'ATIGIP en sera un partenaire clé.

L'utilité du temps en détention passe aussi par d'autres activités, notamment d'ordre sportif, culturel ou cultuel. Celles-ci permettent de lutter contre l'oisiveté, ce qui est déjà un bien en soi. Si, par le passé, elles constituaient avant tout des occupations, elles sont désormais reconnues pour leur intérêt. Chacune d'entre elles contribue de manière spécifique à la réinsertion. En cela, elles sont complémentaires du travail, de l'enseignement et de la formation. Nous avons rencontré de nombreuses associations qui développent des activités innovantes. Leur implication doit être saluée, car elles jouent un rôle essentiel.

Dans ce domaine aussi, des progrès peuvent être réalisés. Nous devons fixer dans la loi un objectif de temps « hors cellule », par exemple de huit heures par jour et, dans cette perspective, poursuivre le développement et la diversification des activités, leur accorder un budget suffisant, nouer de nouveaux partenariats, notamment avec les fédérations sportives, ou encore mettre en place un agrément « visiteur de confiance » pour faciliter l'accès des intervenants réguliers à l'établissement. En plus des associations, cette proposition pourrait également concerner les aumôniers ou encore les entreprises, car leur accès aux établissements pénitentiaires est une difficulté dont tout le monde nous a fait part.

Enfin, pour être utile et efficace, la prise en charge des détenus doit davantage s'adapter à leur profil et à leurs spécificités. C'est ce que l'administration pénitentiaire a très bien su faire, aussi bien avec les mineurs qu'avec les détenus radicalisés – des publics, très différents l'un de l'autre, qui renvoient à des enjeux spécifiques et font l'objet de longs développements dans le rapport ainsi que de plusieurs propositions. Dans les deux cas, le travail de l'administration peut être salué.

Nous pouvons aller plus loin dans la spécificité de la prise en charge. Celle-ci peut se construire en fonction du profil des détenus, par exemple pour mieux répondre aux problèmes d'addiction, mais également en fonction de la nature de l'infraction : on pourrait par exemple assurer un meilleur suivi des auteurs de violences intrafamiliales.

Le développement de structures intermédiaires, davantage tournées vers la réinsertion, est aussi une piste intéressante. Le plan pénitentiaire prévoit à cet égard la création de 2 070 places dans seize structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Cela va dans le bon sens. Nous devrions également poursuivre le développement d'autres structures spécifiques, comme celles tournées vers l'insertion par l'activité économique en détention.

J'évoquerai, en guise de conclusion, un point qui me tient particulièrement à cœur. Dans son rapport d'enquête, en 2000, le Sénat soulignait l'enjeu de l'ouverture des prisons sur la société. « La prison ne peut changer que si elle est placée sous le regard des citoyens », y était-il écrit. Vingt ans après, d'importants progrès ont été accomplis : la prison a ouvert ses portes à des intervenants extérieurs toujours plus nombreux, le droit des détenus s'est rapproché du droit commun dans de nombreux domaines, le développement de la mission de réinsertion de l'administration pénitentiaire a conduit à concevoir la peine de manière plus inclusive.

Ces progrès doivent bien sûr être salués, mais l'ouverture du monde carcéral vers l'extérieur doit encore se poursuivre. La prison ne peut continuer d'être vue comme un lieu d'exil, éloigné du travail, des villes, des citoyens, alors qu'elle est une institution de la République, partie prenante de la communauté nationale. Plusieurs de mes propositions vont dans le sens d'un resserrement des liens entre prison et société. Par exemple, la mobilisation d'anciens détenus au parcours de désistance exemplaire pourrait permettre de développer de nouvelles actions de lutte contre la récidive. Pour changer l'image et la place de la prison dans la société, un effort de communication pourrait également être engagé, par exemple sur les réseaux sociaux, dans le territoire où est installée la prison, en direction du public, des jeunes, etc.

Je voudrais souligner et saluer le climat apaisé et l'état d'esprit transpartisan dans lesquels se sont déroulés nos auditions comme nos déplacements. J'espère que nous continuerons ainsi pour l'examen du rapport.

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