Intervention de Sacha Houlié

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 14h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSacha Houlié :

S'agissant du personnel, nous avons démontré qu'il est possible d'être innovant en dépit de contraintes fortes. Le métier est peu attractif, nous le savons au moins depuis la publication en 2011 de l'ouvrage intitulé Dans la peau d'un maton. Le recrutement, la rémunération des heures supplémentaires, le travail de nuit et la violence sont des questions anciennes ; des réponses ont commencé à y être apportées au cours du quinquennat à la suite des grèves de décembre 2018, mais c'est une entreprise de longue haleine dans laquelle personne ne détient de solutions miracles. La commission d'enquête le montre très bien.

La surpopulation carcérale n'est pas une découverte. La situation s'est améliorée de manière conjoncturelle, à la faveur de la crise sanitaire. Cela dit, si certaines personnes ont bénéficié d'une liberté inattendue, d'autres ont été maintenues en détention pour la simple raison qu'elles ne disposaient pas d'un lieu pour se confiner.

J'ai relevé une contradiction politique dans les propos de mes collègues : on ne peut pas s'émouvoir de la surpopulation carcérale et dans le même temps proclamer dans son programme électoral le refus de tout aménagement pour les peines inférieures à un an d'emprisonnement. À la différence du groupe Les Républicains, nous sommes favorables à des solutions alternatives à l'incarcération pour les courtes peines.

En ce qui concerne la rénovation des bâtiments, il s'agit de rendre compte objectivement de ce qui a été fait ou pas. Sur les 15 000 places supplémentaires promises, 7 000 ont été engagées – les marchés sont signés, les contrats en cours d'exécution – ou réalisées, qu'il s'agisse de centres de détention, de maisons d'arrêt ou de SAS. À partir des calendriers de livraison et des échéanciers, le législateur peut contrôler les autorisations d'engagement et surtout les crédits de paiement pour s'assurer de la tenue des promesses politiques qui ont été faites. En visitant le centre pénitentiaire Baumettes 2, nous avons constaté le démantèlement de Baumettes 1 et le lancement de Baumettes 3, qui sont la traduction très concrète des promesses de construction de places.

J'en viens aux détenus. Il ne s'agit pas de nier qu'il existe des personnes radicalisées en prison. Des rapports ont été consacrés à la question. L'un d'entre eux, en particulier, traitait des services publics, et certaines de ses propositions ont été reprises dans la loi confortant le respect des principes de la République, que les uns ont approuvé et les autres pas. Dans le débat sur la radicalisation, les lignes de fracture demeurent ; ne faisons pas semblant d'être surpris.

S'agissant de la prise en charge des détenus atteints de troubles psychologiques ou malades, des transsexuels, des personnes vieillissantes ou des addictions, le rapport n'élude aucun sujet et pointe les limites du système carcéral.

En revanche, grâce à la contractualisation avec la médecine de ville ou l'amélioration des relations avec le milieu hospitalier, des progrès ont été accomplis : à Poitiers, des dentistes sont venus exercer en prison ; des soins en psychiatrie sont dispensés par des unités de recherche très performantes.

Le travail en prison s'est développé de manière spectaculaire par le biais de la contractualisation avec les entreprises de même que la formation grâce à la délivrance de titres professionnels par les centres de formation des apprentis (CFA). Dans la prison de Vivonne, un détenu sur trois travaille, à Nantes également. Du fait de cette évolution, la prison ne ressemble plus à celle que nous avons connue il y a dix ou quinze ans. Les détenus qui travaillent trouvent un revenu, un cadre mais aussi un but, ils ne sont pas abandonnés. Nous avons réussi – et c'était une performance – à obtenir les palmes académiques pour des professeurs qui enseignaient en prison. Cela témoigne de la réalité de l'éducation dans les prisons où l'on peut trouver des classes de plus d'une quarantaine de détenus sur les 600 que compte l'établissement.

Dans tous ces domaines – santé, travail, formation –, la politique pénitentiaire est performante et mérite d'être poursuivie plutôt que de recevoir les critiques que j'ai entendues. Les progrès concernent les centres de détention, qui accueillent les plus longues peines, mais aussi les SAS, où des bibliothèques sont installées.

J'ai oublié de souligner que les collectivités ne sont pas toujours enthousiastes quand il s'agit d'accueillir un établissement pénitentiaire. Quelle que soit leur étiquette, plusieurs maires considèrent pourtant que l'implantation d'un tel établissement est probablement la meilleure décision qu'ils ont prise pour l'économie et les ressources de leur commune. Il faudrait le faire savoir à ceux qui sont réticents.

J'ai noté que certaines propositions d'une candidate à l'élection présidentielle étaient issues du rapport – la proposition no 16 notamment. Il est étrange de critiquer un rapport dont on s'inspire dans son programme électoral.

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