Madame la directrice, l'audition se déroulant à huis clos, vous parlez avec beaucoup de sincérité, sans langue de bois. Vous dites ce que vous avez au fond du cœur. Néanmoins, je suis inquiet de l'amateurisme que j'entrevois. Comment se peut-il qu'un individu qui, en 2015, dit à propos d'un attentat au cours duquel des policiers ont été tués que c'est bien fait, se retrouve en 2019 au service de renseignement de la préfecture de police de Paris ? Je me trouvais au côté de Manuel Valls quelques minutes après le drame boulevard Richard Lenoir ; c'était absolument terrifiant. 263 personnes sont mortes tuées par l'islamisme radical : c'est la triste réalité. On dit qu'il ne faut pas stigmatiser les musulmans, et il est vrai que dans leur écrasante majorité, ce ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont des musulmans. Si on ne change pas nos procédures de A à Z, je suis très inquiet de ce qui nous attend.
Comment travaillez-vous ? Qui s'occupe des écoutes ? Combien de gens chez vous parlent l'arabe ? Y en a-t-il suffisamment ? Ces gens sont-ils fiables ? C'est le b-a ba de tout renseignement. Comment décidez-vous de mettre quelqu'un sur écoute ? Quelles sont les procédures pour mettre quelqu'un sur écoute ? On peut peut-être aller au fond des choses. Et il me tarde d'auditionner l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) pour savoir comment elle fonctionne, car nonobstant l'émotion et la colère qui nous étreignent quand on pense aux familles, aux enfants meurtris à jamais, non seulement après la tuerie de la préfecture mais aussi après la disparition des 263 tués, c'est aussi pour ça que nous sommes là.
Pour ma part, j'ai eu le triste privilège, qui a marqué ma vie, de me retrouver dans un avion après les attentats de Toulouse et de l'Hyper Casher, et je vis menacé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je le dis aujourd'hui, même si je n'aime pas parler de mon cas personnel, parce que j'ai l'impression que nous ne sommes pas prêts. Et c'est compréhensible, car nous étions en paix il y a quelque temps encore. Mais les temps changent, et la triste réalité est là : au sein de la préfecture de police, un fonctionnaire de police a massacré des Français, ses collègues. C'est arrivé, même si ce n'est pas de votre faute. Il est manifeste qu'il y a donc non pas des failles, mais des crevasses.