La séance est ouverte à 17 heures 35.
Présidence de M. Éric Ciotti, président
Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux en accueillant Mme Françoise Bilancini, directrice du renseignement de la préfecture de police.
Madame la directrice, permettez-nous tout d'abord de vous adresser l'expression de notre soutien dans un moment qui est, pour vous et pour l'ensemble des agents de la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), une épreuve terrifiante. Vous nous avez dit, lorsque M. le Rapporteur et moi vous avons accueillie, que vous étiez en deuil. Nous mesurons bien la violence du traumatisme que vous avez subi et nous tenons à vous témoigner notre soutien et notre reconnaissance pour votre action au service de la sécurité des Français.
À la différence de l'audition de M. le préfet de police, la vôtre se déroulera à huis clos, sans la présence de la presse, et ne sera pas diffusée sur les canaux internes de l'Assemblée nationale, afin que vous puissiez vous exprimer librement.
Avant de vous laisser la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, madame la directrice, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Françoise Bilancini prête serment.)
Il est de tradition, lorsqu'un service ou une organisation est en cause, de commencer par présenter ce service ou cette organisation, ses structures et ses missions. Eu égard aux circonstances, je fais le choix de rompre avec cette tradition et de vous parler d'emblée des femmes et des hommes qui travaillent dans ce service, la DRPP, touché en son cœur par une attaque inédite, « bleu sur bleu », comme on dit dans notre jargon, qui est la hantise de tous les services de renseignement.
Vous parlez de ces femmes et de ces hommes, c'est évoquer la douleur, la blessure profonde qui mettra du temps à cicatriser. Pour certains, le 3 octobre, c'est déjà loin ; pour nous, c'est le présent, et pour longtemps. Chacun de nous, fonctionnaire de tout grade, technicien, contractuel, gardera en lui des éléments indélébiles de cette journée.
Des images : une scène de crime d'une violence indicible, des cercueils dans la cour du 19-août, des portraits souriants de nos disparus, accrochés dans nos locaux.
Des sons : des appels au secours, des coups de feu, la voix blanche de notre opératrice d'état-major nous annonçant le drame, les pleurs, les sanglots des familles, des enfants, des collègues.
Le goût amer des larmes refoulées, l'odeur du sang versé dans les bureaux, les fleurs, l'encens, le désinfectant.
Des étreintes, aussi, rassurantes, consolatrices, avec les épouses, les enfants, les sœurs, les amis, les collaborateurs. Et le froid du marbre gris où, pour toujours, le nom de nos quatre collègues a été gravé.
Et puis, ne nous le cachons pas, nous aurons également toujours en nous le visage de l'auteur, qui était aussi des nôtres.
Tout cela est désormais en nous, avec nous. Pourtant, dès le lendemain, les femmes, les hommes sont revenus ; hésitants, ils ont repris possession des lieux. Résilience, certes, mais aussi détermination à poursuivre leur mission au service de la République, chacun à sa place, toujours debout, présent, encore et encore, pour lutter sans relâche contre toutes les formes de menace.
Je le dis devant vous, du fond du cœur : je suis fière d'être leur chef, et nous leur devons le respect.
Après avoir évoqué ces éléments personnels, humains, je souhaite à présent revenir brièvement sur l'originalité de la DRPP au sein de la communauté française du renseignement. La compétence de la direction du renseignement de la préfecture de police couvre Paris et les trois départements de la petite couronne ainsi que les deux plateformes aéroportuaires – ce que je vous dis est couvert par le secret de la défense, mais je tiens tout de même à vous apporter cet éclairage. Pourquoi ce service est-il original ? En 2008, après la création de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) – une partie des Renseignements généraux (RG) fusionnant avec cette direction, une autre partie étant affectée à la direction centrale de la sécurité publique –, la préfecture de police a créé une direction du renseignement dont le mode de fonctionnement est demeuré particulier, car très lié à la menace parisienne.
Ce service, dont je suis à présent la directrice, présente l'avantage d'être entièrement intégré dans la structure pyramidale de la préfecture de police, au même titre que les autres directions actives de la préfecture de police et d'avoir, en outre, un fonctionnement intégré qui lui confère en quelque sorte une double attribution : l'une est proche de celle du service central de renseignement territorial (SCRT), l'autre ressemble à celle de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), même si la DRPP ne couvre pas l'ensemble du spectre des compétences de ces deux services nationaux.
Au plan du management, et c'est très important, j'ai une autorité directe sur les services territoriaux de l'agglomération parisienne, des trois départements de la petite couronne et des aéroports. Ces services dépendent directement de moi, et non pas du préfet du département ou du directeur territorial de la sécurité de proximité (DTSP), en l'occurrence, à Paris, du directeur territorial de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DTSPAP). En ma qualité de directrice d'un service actif, j'ai un pouvoir en matière de management, de recrutement, donc de choix de mes effectifs – je ne dépends pas d'une autre direction.
En matière de renseignement territorial (RT), notre mission concerne ce que j'appellerai, pour le dire vite – je pourrai entrer dans le détail si cela vous intéresse –, le renseignement d'ordre public : nous prenons en compte et analysons, au plan social et sociétal, la menace que représente l'ensemble des mouvements sociaux et sociétaux dont les revendications viennent s'exprimer à Paris. Or, on l'a constaté pendant de nombreux week-ends au cours de cette année, la contestation sociale se manifeste principalement, dans sa dureté et sa récurrence, dans la ville capitale, ce qui est normal puisqu'elle est le siège de nos institutions.
J'ouvre une parenthèse. En tant qu'elle est intégrée dans l'ensemble que forment les directions actives de la préfecture de police, notre direction ne traite pas certaines matières. Tel est le cas, par exemple, des violences urbaines, qui relèvent du service de la préfecture qui a les capteurs les plus appropriés dans ce domaine, c'est-à-dire la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP). Ainsi, mon service ne reprend pas les éléments d'un autre service pour les analyser. C'est, du reste, un reproche qui nous était adressé à l'époque des renseignements généraux, car les statistiques de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), d'un côté, les notes d'analyse des RG, de l'autre, n'étaient pas toujours tout à fait « raccord ».
Quant à la sécurité intérieure (SI), elle relève, grosso modo, de deux pôles. Le premier, qu'on a voulu très proche du terrain de l'agglomération parisienne, est au plus près de la menace endogène, en particulier en matière de lutte contre le terrorisme. Dans ce domaine, nous couvrons le spectre large : il existe un véritable continuum de renseignement, depuis notre travail sur le communautarisme jusqu'aux faits de prévention du terrorisme, en passant par la radicalisation. Nous couvrons ainsi à la fois le bas du spectre, comme le SCRT, et le haut du spectre, comme la DGSI – je pourrai, si vous le souhaitez, vous détailler la manière dont tout cela s'articule.
Ensuite, parce que Paris est la ville capitale, qu'elle est la ville des ingérences, des ambassades et des représentants des oppositions dans de nombreux pays, un second pôle est consacré aux agitations liées à la politique internationale. Nous ne nous occupons pas de contre-espionnage, comme la DGSI, mais nous avons des capteurs ouverts sur le travail, l'ordre public des oppositions, l'activité des ambassades et de certains de leurs personnels dans la capitale, les institutions… Nous sommes en quelque sorte des primo-capteurs : nous récoltons des éléments que nous transmettons à la DGSI.
Par ailleurs, nous effectuons un travail considérable, lié à notre compétence en matière d'ordre public, sur les mouvements politiques à risque ; je pense notamment aux mouvances de l'ultragauche et de l'ultradroite. En la matière, nous exerçons une compétence particulière dès lors que les groupes en question sont essentiellement parisiens.
Voilà, brossé à grands traits, le portrait de ma direction. Pour accomplir ces différentes missions, je travaille avec environ 780 fonctionnaires, de tout grade et de tout corps, des agents administratifs mais aussi des contractuels, que j'ai souhaité recruter depuis que je suis arrivée, en 2017, afin qu'ils nous aident à développer nos capacités d'analyse, le tout au service, évidemment, du préfet de police et du ministère de l'Intérieur.
Merci, madame la directrice. Je souhaiterais que nous abordions à présent la genèse des faits qui, hélas, intéressent notre commission et que vous avez directement connus. Nous mesurons votre émotion et, malgré la distance, nous la partageons. Certains d'entre nous étaient présents lors de l'hommage rendu aux victimes dans la cour de la préfecture de police. Pour ma part, je garderai toujours en mémoire l'image de ces quatre enfants, qui illustre la violence de cet assassinat.
Tout à l'heure, M. le préfet de police nous a indiqué que les procédures de signalement s'étaient considérablement accélérées depuis le 3 octobre dernier, en précisant que trente-trois signalements avaient été effectués depuis cette date, lesquels ont conduit à désarmer sept policiers et à transmettre trois dossiers de demande de suspension au directeur général de la police nationale (DGPN). Cette accélération traduit une volonté de resserrer les mailles du filet. Est-ce à dire, a contrario, qu'auparavant, les procédures de signalement, de façon générale, n'étaient pas assez resserrées ?
À ce propos, je souhaiterais que nous remontions d'emblée à 2015. Tout à l'heure, M. le préfet de police nous a communiqué officiellement, avec quelques difficultés, votre note dont, au demeurant, nous avions déjà pris connaissance dans la presse. L'un des objets de notre commission d'enquête est d'évaluer les raisons pour lesquelles des signalements – vous évoquez à cet égard, dans votre note, des faits datant de 2015 – n'ont pas conduit au départ de la DRPP de Mickaël Harpon.
Je souhaiterais donc que vous évoquiez les procédures de signalement, avant et après le 3 octobre. Surtout – vous pouvez en parler d'autant plus librement que vous n'étiez pas encore à la tête de la DRPP à l'époque –, je souhaiterais que vous nous donniez votre analyse de cette faille. Pourquoi des faits qui pourraient apparaître à M. Tout-le-Monde comme révélateurs d'une dangerosité n'ont-ils pas été perçus comme tels à l'intérieur d'un service dont la mission est pourtant de les détecter partout dans le pays ?
J'ai expliqué, dans une note que j'ai adressée au ministre de l'Intérieur sous couvert du préfet de police, ce que j'avais appris, après les faits et le déclenchement de l'enquête judiciaire, au cours de conversations avec mes effectifs. De par mon mode de management, je suis assez proche d'eux. J'ai donc essayé, tout d'abord, de les faire parler, parce qu'ils vivaient cet événement de façon assez intime. Je rappelle que tout s'est passé, pour ainsi dire, dans le même bureau : certains d'entre eux sont partis déjeuner, à midi et, lorsqu'ils sont revenus, à treize heures, leurs collègues étaient décédés. Ils étaient en proie à une sorte d'hébétude.
Ce que je comprends, dans un premier temps, c'est, comme je l'ai écrit, que la conversion de Mickaël Harpon a suscité les interrogations de ses collègues. Je parle ici de personnes qui se situent en dessous du chef de section. Il faut imaginer cette section informatique, qui est toute petite…
Excusez-moi, mais il est important que nous comprenions bien : pouvez-vous nous indiquer quels sont les échelons hiérarchiques qui vous séparaient de Mickaël Harpon ?
Je vais éviter d'entrer dans le détail, pour ne pas révéler mon organigramme.
En 2015, l'organisation n'était pas tout à fait la même qu'aujourd'hui. À cette époque, la section informatique relevait d'une sous-direction chargée grosso modo des supports, c'est-à-dire à la fois de l'informatique, de la gestion des ressources humaines, de la logistique, des finances… Depuis que j'ai pris mes fonctions, nous avons professionnalisé un peu tout cela. Surtout, nous sommes en train d'installer un système informatique, un réseau et un serveur classifiés…
Pardonnez-moi, mais ce point mérite que nous nous y attardions quelques instants. Mickaël Harpon était membre de la section informatique, laquelle est dirigée…
Par un commandant, un officier.
Oui, c'est le même. Cette section informatique est composée, non pas de techniciens, mais de policiers ou d'agents administratifs qui apprécient l'informatique. Il s'agit d'un service de proximité, et non du service informatique de la préfecture de police.
Il existe, au sein de la préfecture de police, une direction chargée de la logistique et de l'informatique.
Exactement.
C'est bien cela.
Pas du tout. Elle est chargée de la maintenance informatique des ordinateurs de la DRPP. Les achats, les réseaux relèvent, quant à eux, de la direction opérationnelle des services techniques et logistiques (DOSTL) mais, pour des raisons de commodité, chacune des directions dispose de son propre petit service informatique, chargé du dépannage quotidien, lorsqu'un clavier ou une souris tombe en panne, par exemple.
Pour reprendre la question de M. Fauvergue, il ne s'agit donc pas d'un service opérationnel qui use de techniques de renseignement ?
Absolument pas.
Forcément, puisqu'il en assurait la maintenance. Mais il ne s'occupait pas d'opérationnel. Il n'était pas ICC (Investigateur en cybercriminalité) et ne procédait pas aux opérations que permettent les techniques de renseignement.
Je précise que le commandant, chef de la section informatique, avait un adjoint, qui est décédé. Tous deux dirigeaient donc cette petite section, au sein de laquelle certains collègues se sont interrogés lorsque Mickaël Harpon s'est marié avec une musulmane. Ils s'en sont donc ouverts à d'autres collègues de la direction, chargés quant à eux du traitement de la radicalisation dans la zone de compétence de la préfecture de police, et leur ont demandé, en gros, si le fait qu'il s'était converti était grave. Ces échanges ont eu lieu au cours de discussions informelles – c'est en tout cas ce que je comprends lors des entretiens informels que j'ai moi-même eus avec les fonctionnaires.
Ce n'est qu'après ce questionnement sur son mariage avec une musulmane et sa conversion qu'intervient – bien entendu, après l'attentat de Charlie Hebdo – une altercation qui l'oppose à l'une des personnes qui s'étaient précisément interrogées sur son mariage.
De 2014. Les personnels chargés de la radicalisation contactés par les collègues de Mickaël Harpon en parlent ensuite avec le commandant chef de la section…
Non, avant.
… et lui demandent s'il souhaite que ce problème soit inscrit, ce à quoi il leur répond : « Non, on va gérer cela en interne. On n'a pas de problème avec Mickaël. » Je suppose, puisque le commandant et le major travaillaient en lien très étroit, qu'ils en ont discuté ensemble.
Au cours de la conversation que j'ai eue avec les fonctionnaires de ma direction, j'apprends également qu'en 2015, Mickaël Harpon avait émis un commentaire, disons inapproprié, après l'attentat de Charlie Hebdo.
Il a dit : « C'est bien fait ! » En l'état actuel de mes connaissances, j'ignore si l'accrochage qui a opposé Harpon et l'un de ses collègues à cette occasion a été ou non porté à la connaissance du commandant. Je pense que cela doit être dans la procédure judiciaire.
Non, il dit qu'il ne se souvient pas qu'on lui ait dit cela.
Il est mentionné au cours de la conversation que j'ai eue avec les collègues de Mickaël Harpon, après les faits, et juste après leur audition judiciaire – vous imaginez bien que je ne suis pas intervenue auprès de fonctionnaires impliqués dans une enquête en tant que témoins pour leur poser des questions éventuellement de nature à orienter leurs déclarations ; on aurait pu m'en faire le reproche par la suite. Donc, en gros, je les laisse parler.
Il s'agit d'un groupe de sept ou huit fonctionnaires – mais peut-être n'étaient-ils pas tous présents dans le bureau, le soir où nous avons eu cette conversation.
Apparemment, non. Je comprends que l'un d'entre eux a eu une altercation avec Mickaël Harpon, altercation dont le chef de section me dit ne pas avoir été au courant dans un premier temps. Je sais, en revanche, que celui-ci a été à nouveau auditionné par la PJ sur ce fait-là, mais j'ignore ce qu'il a dit.
Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que les fonctionnaires qui se sont interrogés – du fait de cette remarque sur Charlie, du mariage, de la conversion – affirment avoir fait remonter ces faits à la hiérarchie, c'est-à-dire au commandant chef de la section, lequel ne m'a pas dit qu'il en avait référé à un supérieur hiérarchique.
Oui, il m'a même dit, à un moment, qu'il ne s'en souvenait pas. En tout cas, il n'avait pas le souvenir d'en avoir rendu compte. Voilà.
C'est un peu différent : s'il dit ne pas se souvenir s'il en a ou non rendu compte, c'est qu'on le lui avait indiqué.
On lui a indiqué qu'il y avait un questionnement par rapport à la conversion.
Oui. Le point sur lequel ils ne sont pas d'accord, c'est l'histoire de Charlie Hebdo. Est-ce clair ? Ce sont des propos qu'on m'a rapportés : je n'étais pas là, en 2015. Néanmoins, je comprends qu'il y a eu un certain émoi au sein de la section.
Pensez-vous possible que, dans un service que je considère comme un service d'élite, un fait de ce type ne soit pas immédiatement porté à la connaissance de la hiérarchie ?
Je pense que cela peut arriver, sur le temps de la réflexion. Après, c'est une question de rapports humains, de confiance dans la hiérarchie. Et puis, comme l'a évoqué le préfet de police, peut-être a-t-on une certaine réserve lorsqu'il s'agit de dénoncer quelque chose qui n'est pas clair, qui n'est pas établi. Je ne porte pas de jugement.
En revanche, si, en 2017, on m'avait dit qu'untel s'était converti, pratiquait de manière assez assidue et, en plus, avait émis sur les événements de Charlie Hebdo des commentaires qui confinent à l'apologie, il ne serait pas resté dans mon service.
C'est un problème de remontée de l'information. J'ignore ce dont était au courant la hiérarchie de l'époque – non pas la hiérarchie intermédiaire, mais celle de la section.
Puisque vous évoquez la hiérarchie intermédiaire, quel est l'échelon qui se situe au-dessus du commandant chef de section ?
À l'époque, c'était le sous-directeur des supports, au-dessus duquel se trouvaient le chef d'état-major, puis le directeur du renseignement, et la hiérarchie de la préfecture de police.
En tout cas, il est clair, pour moi, que ce n'est pas remonté au niveau du sous-directeur.
Non, et la structure a changé également.
Parmi les autres premiers signaux, on a dit que Mickaël Harpon n'embrassait pas les femmes.
Non – Harpon, je le voyais, il assurait la maintenance de mon ordinateur : c'était l'une des petites mains de l'informatique. Les témoignages dont j'ai connaissance diffèrent : certains disent qu'il embrassait certaines collègues – il a toujours été très courtois, du reste. Sur ce point, l'enquête judiciaire sera plus précise que moi. En tout cas, il ressort des entretiens informels que j'ai eus avec les personnels que ce n'est pas très net : il n'embrassait pas la secrétaire de leur petit groupe, par exemple, mais il embrassait des filles d'autres services. Selon moi, ce n'est pas, dans le faisceau d'indices, un fait stable.
En revanche, le « C'est bien fait ! », après Charlie Hebdo, est incontestable.
Non.
Manifestement, cette phrase a provoqué un dialogue au sein de la section. Mais – je n'excuse, ni ne pardonne –, celle-ci faisait l'objet, je l'imagine, d'une gestion de proximité, en « bon père de famille ». On a donc sans doute fait une remarque à Mickaël Harpon, il s'est excusé, et puis les choses sont rentrées dans l'ordre.
Je m'étonne qu'un événement tel que celui-ci, dont vous avez dit qu'il avait provoqué l'émoi au sein de la DRPP, qui est une direction de petite taille – environ 800 personnes –, n'ait pas été connu et partagé au point de remonter jusqu'au directeur de l'époque ou à un échelon intermédiaire. Vous paraît-il crédible que cette situation ne soit à aucun moment remontée – je sais que vous n'étiez pas en poste à l'époque – jusqu'au sommet hiérarchique de votre direction ?
Je suis incapable de répondre à votre question. Je ne sais pas.
Oui, cela me paraît crédible.
Si cela vous paraît crédible, c'est sans doute qu'il existait une faille majeure dans l'organisation. Le préfet de police nous a dit – en saluant votre action, du reste – que vous aviez entrepris une réforme importante. Ce faisant, il soulignait, a contrario, que jusqu'alors, le fonctionnement de la direction n'était pas parfait. Est-ce également votre sentiment ?
Je ne vais pas critiquer des absents – ce n'est pas ma façon de faire. En revanche, je sais comment et pour quoi j'ai été recrutée. Selon la lettre de mission du préfet Cadot, j'ai pour tâche de professionnaliser et de moderniser la DRPP, et c'est ce à quoi je m'emploie.
Comprenez-moi bien, je ne cherche pas d'excuses, mais je crois que l'information n'est pas remontée plus haut que le chef de section. Sans doute les collègues, après avoir pris conseil auprès d'autres personnes, en ont-ils discuté entre eux et ont-ils décidé de gérer les choses à leur niveau. Ce qui me fait dire cela, c'est qu'ils ne craignaient pas de côtoyer ce collègue et de travailler avec lui.
C'est assez contradictoire, madame. S'ils en ont parlé avec les personnes en charge de la radicalisation, c'est qu'ils avaient des craintes.
Oui, mais lorsque je leur ai demandé pourquoi ils n'étaient pas allés plus loin, ils ne m'ont pas répondu. Et je constate – ce sont des faits – que tous ont fait venir dans cette section des personnes qui leur étaient proches : qui un fils, qui une cousine, qui un collègue avec lequel il avait beaucoup d'affinités. Je ne juge pas ; j'apporte cette précision pour vous expliquer le mode de fonctionnement du groupe.
Madame la directrice, je veux tout d'abord vous assurer de ma compassion et de mon soutien dans l'épreuve que votre direction a subie au cours des dernières semaines.
Vos propos provoquent, vous pouvez le constater, un certain émoi chez mes collègues. Comment un service chargé du renseignement peut-il connaître de tels dysfonctionnements dans la remontée du renseignement en interne ? Les collègues de Mickaël Harpon sont allés consulter les personnes chargées de la radicalisation pour recueillir leur avis ou leurs conseils, et non dans le cadre d'une procédure claire. On constate ainsi que, sans la volonté affirmée de produire un signalement, c'est-à-dire dans le cadre d'une procédure écrite, le renseignement ne remonte pas.
Je souhaiterais donc savoir si un changement est intervenu à cet égard : existe-t-il désormais une procédure claire, lisible, avec des référents en matière de radicalisation, identifiés comme tels par leurs collègues ? Par ailleurs, un simple signalement oral est-il suffisant pour que le renseignement soit traité correctement ? Enfin, avez-vous entamé des procédures de révocation ? La fameuse commission paritaire s'est-elle réunie ?
Il existe plusieurs moyens de signaler une radicalisation, et ces modes de signalement ne sont pas interdits aux fonctionnaires de police. Un policier qui se trouve dans cette situation peut faire un signalement sur la plateforme du Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) – qui peut même lui garantir un certain anonymat –, auprès de sa hiérarchie – pas forcément par écrit, du reste – ou auprès de ceux de ses collègues qui sont chargés de la radicalisation, lesquels, eu égard à la profession de la personne concernée, en rendront compte à leur propre hiérarchie.
Précisément, cette multiplicité de moyens ne crée-t-elle pas une confusion ? Lorsque je l'ai interrogé dans le cadre de ma mission d'information sur la radicalisation dans les services publics, le préfet Delpuech nous avait indiqué qu'une quinzaine d'agents de la préfecture de police étaient soupçonnés ou suivis pour radicalisation. Selon le préfet Lallement, après que des consignes claires ont été données et une circulaire publiée, leur nombre est passé de quinze à quarante-huit. Par conséquent, lorsque l'on précise les signaux qui doivent être identifiés, auprès de qui et comment le signalement doit être fait, celui-ci remonte. Existe-t-elle actuellement une procédure clairement identifiée ?
Les procédures sont les mêmes qu'à l'époque où vous avez entendu le préfet Delpuech. Pour prendre l'exemple que je connais le mieux, celui de la préfecture de police, nous sommes les destinataires directs de signalements transmis par les directions. La direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) et la DSPAP, par exemple, nous ont signalé de nombreux personnels. Mais il s'agit de signalements : une fois que nous les avons reçus, nous y travaillons pour déterminer s'il s'agit ou non d'un cas avéré de radicalisation. J'ajoute que nous pouvons également détecter des policiers radicalisés lorsque ceux-ci sont en connexion avec des objectifs sur lesquels nous travaillons déjà – il s'agit là de la frange haute.
Quoi qu'il en soit, il a toujours été possible d'effectuer un signalement par la voie hiérarchique. Les directions n'ont pas, en leur sein, un référent radicalisation à qui l'on adresse son signalement. Il existe, au sein de la DSPAP, une cellule qui nous fait remonter les signaux faibles, mais ceux-ci sont de tous ordres et concernent également l'extérieur : il peut s'agir d'une personne qui crie « Allahou akbar ! » dans la rue. S'agissant de la radicalisation des policiers, tous les collègues savent, quelle que soit leur direction, qu'un service est chargé de cette question – le nôtre, en l'espèce – et qu'ils peuvent recourir à la procédure du CNAPR, qui existe depuis 2015 et qui est donc bien connue et établie. Le préfet de police l'a dit, et j'étais présente lorsqu'il a reçu les syndicats, leurs représentants ont tout de suite insisté pour que les signalements soient anonymes.
Le CNAPR permet l'anonymat. Au demeurant, que ce soit sur les cas qui ont été signalés récemment ou sur ceux qui l'avaient été auparavant, des fonctionnaires ont fait des rapports écrits. Cela dit, l'anonymat peut être préservé. On pourrait créer, auprès de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), en plus de celle qui existe déjà, une plateforme destinée aux policiers qui leur permettrait d'exprimer anonymement leurs inquiétudes concernant un collègue. Mais il faut qu'il existe un faisceau d'indices et que nous travaillions sur ces signalements. On ne peut pas, sur une simple déclaration, affirmer qu'untel est radicalisé.
Je tiens tout d'abord à vous exprimer toute ma compassion pour ce que votre service a subi.
Quelque chose me préoccupe depuis le début de cette douloureuse affaire ; j'ai d'ailleurs interrogé le préfet à ce sujet tout à l'heure. J'ai pu m'entretenir régulièrement d'un des deux imams de la mosquée de Gonesse avec les services de renseignement territoriaux, qui le suivent depuis 2015. Je connais donc sa personnalité, je sais de quoi il est capable. Je pensais naïvement qu'au sein d'un service de renseignement, quand on apprenait qu'un agent s'était converti, ce qui est son droit, on vérifiait quelle mosquée il fréquentait et quel imam y officiait, pour s'assurer qu'il n'y avait pas de risque de radicalisation. Le préfet nous a répondu que si un agent se convertissait, c'était là son choix. Mais existe-t-il une procédure spécifique, et si oui, a-t-elle été appliquée dans le cas de Mickaël Harpon ? On aurait alors pu constater qu'il fréquentait matin et soir la mosquée de Gonesse, comme l'a confirmé l'imam fiché S qui y prêchait, un élément qui aurait dû appeler l'attention du service. N'est-il pas surprenant qu'une telle vérification n'ait pas été faite ?
Vous posez plusieurs questions. Pour ma part, je n'ai aucun élément sur l'imam de Gonesse que vous mentionnez. Tout ce que je peux vous dire, c'est ce que je ferais si j'apprenais qu'un fonctionnaire se convertit, car la conversion est un premier signe.
Si un fonctionnaire change d'attitude, par exemple en cessant d'embrasser ses collègues femmes, en se mettant en retrait de certaines opérations, en tenant un discours prosélyte ou en faisant certains commentaires, on va alors travailler sur le cas comme pour n'importe quel autre objectif.
On ne peut pas engager ce travail en raison de la seule conversion, car il faut aussi respecter la liberté de conscience de chacun.
Cette simple vérification aurait permis de constater que l'agent fréquentait une mosquée salafiste. Il s'agissait tout de même d'un fonctionnaire des services de renseignement !
L'objet de notre commission est de mettre en lumière les faits, et non pas de faire des commentaires. Madame la directrice, avez-vous, votre prédécesseur ou vous-même, eu connaissance d'un signalement en provenance du renseignement territorial du Val-d'Oise quant aux fréquentations de M. Harpon et à sa présence à la mosquée de Gonesse ? Il en est fait état dans Le Canard Enchaîné de la semaine dernière : le renseignement territorial aurait pris contact avec la DGSI et la DRPP. Je ne sais quel crédit accorder à cette information ; est-elle vraie ? En avez-vous eu connaissance ? C'est un élément très préoccupant.
Je n'ai pas été informée de ce qui est relaté dans la presse.
Ce qui s'est passé à la préfecture de police a touché tous les Français, qui considèrent probablement cet événement comme l'attentat le plus grave depuis celui du Bataclan en raison de ce qu'il révèle. Parce que cette audition est à huis clos, je m'exprimerai en termes directs. En tant que députés, nous avons des contacts réguliers avec des policiers. Ces derniers nous font part d'une peur que vous avez très certainement perçue : celle d'être mal jugés par leur hiérarchie, d'être jugés islamophobes ou xénophobes. À vous entendre évoquer les faits, je constate qu'une pression idéologique pèse sur plusieurs responsables de la préfecture de police. Vous dites que le mariage de Mickaël Harpon avec une musulmane posait des problèmes à certains ; je pense plutôt que c'est sa conversion qui gênait, ce qui est tout à fait différent. Vous avez évoqué des propos inappropriés confinant à l'apologie du terrorisme. Quand toute la rédaction d'un journal est assassinée et qu'on dit « c'est bien fait », c'est purement et simplement de l'apologie du terrorisme. Notre impression est que, dans cette affaire, on prend des gants. N'y avait-il pas une peur de la hiérarchie et, peut-être, une peur de l'individu en question, chaque policier ayant à l'esprit l'attentat de Magnanville ? Vous l'avez indiqué : un signalement a été fait oralement, mais aucun policier n'a accepté de donner son nom. Or l'agent était responsable de la maintenance des ordinateurs des fonctionnaires chargés de la lutte contre l'islam radical.
De la maintenance de tous les ordinateurs !
C'est-à-dire y compris de ceux des membres du service de lutte contre l'islam radical. Ses collègues pouvaient donc craindre que leurs coordonnées personnelles ne soient transmises à des individus enclins à s'attaquer à eux.
Tous ces éléments doivent être mis en lumière : pourquoi n'avez-vous pas ouvert d'enquête administrative ? À cette question, le préfet a répondu que c'était en raison de l'enquête judiciaire en cours. J'ai été longtemps avocate : l'enquête judiciaire n'a pas pour objet de déterminer les causes des dysfonctionnements d'une administration ; elle vise à établir les faits, à identifier le ou les coupables et, en l'occurrence, leurs liens avec un éventuel réseau. Elle ne permettra pas de comprendre pourquoi les signalements n'ont été suivis d'aucune action de la part de la hiérarchie, ni pourquoi le SCRT ou le SRT du Val-d'Oise n'ont pas informé la DRPP de la radicalisation d'un de ses membres. Pour éviter que de telles défaillances ne mènent de nouveau à un drame, il est donc indispensable qu'une enquête administrative soit menée ; pourquoi ne l'avez-vous pas réclamée ?
J'aimerais enfin que vous me confirmiez que vous n'avez à aucun moment été informée de la radicalisation de M. Harpon, et que vous êtes à l'origine des propos tenus publiquement par le ministre de l'Intérieur sur l'absence de tels éléments dans le dossier de cet agent.
J'ai inscrit dans le rapport ce que je savais et ce que j'avais appris.
Avant les faits, je ne savais rien. Et je n'étais pas à ce poste en 2015. Je suis arrivée à la direction du renseignement de la préfecture de Paris en avril 2017 et, depuis cette date, personne ne m'avait parlé de M. Harpon.
Vous m'interrogez sur une éventuelle enquête administrative. Deux inspections sont en cours sur le fonctionnement des services et, à l'issue de la procédure judiciaire, des enquêtes administratives seront lancées sur les fonctionnaires s'il apparaît qu'il y a eu faute disciplinaire.
Le préfet de police a en effet omis de rappeler que deux missions avaient été confiées par le Premier ministre à l'inspection des services de renseignement (ISR).
Ces deux missions sont en cours.
Si vous voulez m'entendre dire comment j'aurais réagi, moi, Françoise Bilancini, en avril 2017 ou en janvier 2019, à de telles informations au sujet d'un agent, c'est-à-dire à une conversion, à des propos déplacés au sujet de l'attentat contre Charlie Hebdo et à une pratique religieuse potentiellement salafiste…
J'aurais illico déclenché un travail opérationnel sur l'individu pour que les informations soient corroborées et croisées. Si les faits s'étaient avérés, j'aurais demandé un retrait d'habilitation, puisqu'il se serait agi de mon propre service, puis engagé une procédure disciplinaire, tout simplement. Si j'avais su, j'aurais fait. Sans savoir, je ne peux pas agir. Je tiens à dire que personne au sein de mon service, aucun encadrant n'a fait preuve de lâcheté. Des retraits d'habilitation m'ont même été reprochés par les syndicats. Ils n'avaient pas pour motif la radicalisation ; ils concernaient des fonctionnaires qui fragilisaient un service de renseignement. J'ai été impitoyable à cet égard, et cela m'a valu d'être la cible de tracts syndicaux. On ne peut donc pas me faire ce reproche. Pour autant, les membres du service n'ont pas peur de moi, car ils sont venus me parler après le drame.
Je ne peux pas vous expliquer pourquoi en 2015 les propos de M. Harpon n'ont pas été transmis à la hiérarchie, mais en l'absence de remontée, il ne pouvait y avoir de réaction.
Je ne voudrais pas être désagréable, mais vous donnez le sentiment qu'il s'agirait d'un événement ayant eu lieu dans un établissement scolaire entre deux élèves.
On a le sentiment d'avoir affaire à des amateurs : aucune procédure précise ne semble avoir été appliquée, tout a été géré en interne. Cette commission s'interroge sur la nécessité de professionnaliser les procédures compte tenu de l'organisation des réseaux islamistes et de leur importance en Île-de-France. Les agents qui font des signalements doivent être protégés ; ils ne doivent pas se voir reprocher après coup que les procédures engagées n'aient finalement mené à rien. Il me semble en effet que notre objectif n'est pas tant de trouver les responsables que de suggérer des procédures permettant d'éviter que de tels drames se reproduisent.
Parmi les trente-trois signalements transmis au préfet depuis le 3 octobre, certains émanent-ils de votre direction ?
Non. Des procédures avaient toutefois été mises en place à la préfecture de police.
Des signalements ont-ils été faits au sein de votre direction depuis votre prise de fonction en 2017 ?
Oui, bien sûr.
Au sein de ma direction, non, mais dans le ressort de la préfecture de police, oui. Certains agents ont d'ailleurs été radiés, et je continue de travailler sur ces cas très graves devenus des objectifs et pour lesquels nous n'avons pas baissé la garde.
Certes, mais tout au moins, ces individus sont suivis, madame la députée.
Nous partageons votre émotion, madame la directrice.
Ce que vous décrivez de la réalité d'alors, et dont vous n'êtes pas comptable, traduit tout de même un cloisonnement dans l'organisation de ce service qui est assez inquiétant.
Vous avez affirmé n'avoir pas eu connaissance de la personnalité de l'imam prêchant à la mosquée fréquentée par M. Harpon. Certes, la Seine-Saint-Denis n'est pas Paris, mais il s'agit de départements limitrophes. Voilà qui pose la question du lien entre vos services et les renseignements territoriaux. Il est étonnant que ce faisceau de signaux faibles, pas si faibles d'ailleurs, n'ait pas entraîné plus de réactions.
Je le répète : les éléments relatifs à la fréquentation par M. Harpon de la mosquée de Gonesse ne sont pas remontés à mon service.
À Paris, le préfet de police est aussi préfet de la zone de défense et de sécurité qui recouvre toute l'Île-de-France. En 2017, le prédécesseur de M. Lallement avait souhaité créer, à côté des groupes d'évaluation départementaux (GED), qui sont les services chargés de la radicalisation dans tous les départements, une réunion « terro » pour avoir une vision zonale. Cette réunion, qui existe toujours, rassemble devant le préfet de police les acteurs de la lutte antiterroriste et de la lutte contre la radicalisation : la DSPAP pour la préfecture de police, la direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris (DRPJ Paris), ainsi qu'un représentant du SCRT et un représentant de la DGSI. Cet espace restreint de discussion sur le thème du renseignement permet à ces deux services d'évoquer des cas de radicalisation, de prévention du terrorisme qui concernent des départements riverains de l'agglomération parisienne.
Oui, bien sûr. La DRPP est le bras armé du préfet. Chacun expose ses cas. En tant que directrice du service de renseignement de la préfecture de police, je pilote le GED des aéroports. Les salariés sur lesquels nous travaillons habitent dans différents départements de la région. Nous détenons des informations sur leur activisme au sein de l'aéroport, mais nous avons besoin de connaître ce qu'ils font sur leur lieu de résidence. C'est là tout l'intérêt de cette réunion. Voilà pour ce qui concerne les relations quotidiennes avec la DGSI et le SCRT au sein de l'agglomération et de la zone.
La relation entre les services est également permanente sur le plan opérationnel. Depuis la circulaire du ministre de l'Intérieur du 14 décembre 2018, qui a consolidé le rôle de chef de file opérationnel de la DGSI en matière de lutte antiterroriste, les représentants de tous les services de renseignement, du premier et du deuxième cercle de la « communauté » ont des échanges opérationnels sur tous leurs cas au sein de l'état-major créé par la DGSI. Cette nouvelle organisation permet de croiser les renseignements et d'échanger des informations dans un cadre professionnel, protégé et limité. Il n'y a donc pas d'angle mort.
Comment qualifieriez-vous la relation entre votre direction et la DGSI, dont chacun sait ici qu'elle fut assez mauvaise ? J'ai présidé la commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes créée après l'attentat perpétré contre Charlie Hebdo. Nos travaux ont pointé un dysfonctionnement quant au suivi d'un des deux frères Kouachi qui était le résultat de la relation difficile entre la DGSI et la DRPP. Votre prédécesseur nous avait indiqué que les procédures avaient été considérablement améliorées, et que le point de départ était une quasi-étanchéité entre les deux directions. Où en est-on aujourd'hui ? Je rappelle que vous occupiez auparavant un poste à la DGSI.
La réponse est dans la question… L'amélioration des relations entre la DRPP et la DGSI était inscrite dans ma lettre de mission. Il y a aujourd'hui une fluidité totale dans toutes les matières que j'ai évoquées dans ma présentation. La pratique est désormais consacrée par la circulaire qui a confié le pilotage de la lutte antiterroriste (LAT) à la DGSI ; cette direction est destinataire de tout ce que je produis.
Madame la directrice, l'audition se déroulant à huis clos, vous parlez avec beaucoup de sincérité, sans langue de bois. Vous dites ce que vous avez au fond du cœur. Néanmoins, je suis inquiet de l'amateurisme que j'entrevois. Comment se peut-il qu'un individu qui, en 2015, dit à propos d'un attentat au cours duquel des policiers ont été tués que c'est bien fait, se retrouve en 2019 au service de renseignement de la préfecture de police de Paris ? Je me trouvais au côté de Manuel Valls quelques minutes après le drame boulevard Richard Lenoir ; c'était absolument terrifiant. 263 personnes sont mortes tuées par l'islamisme radical : c'est la triste réalité. On dit qu'il ne faut pas stigmatiser les musulmans, et il est vrai que dans leur écrasante majorité, ce ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont des musulmans. Si on ne change pas nos procédures de A à Z, je suis très inquiet de ce qui nous attend.
Comment travaillez-vous ? Qui s'occupe des écoutes ? Combien de gens chez vous parlent l'arabe ? Y en a-t-il suffisamment ? Ces gens sont-ils fiables ? C'est le b-a ba de tout renseignement. Comment décidez-vous de mettre quelqu'un sur écoute ? Quelles sont les procédures pour mettre quelqu'un sur écoute ? On peut peut-être aller au fond des choses. Et il me tarde d'auditionner l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) pour savoir comment elle fonctionne, car nonobstant l'émotion et la colère qui nous étreignent quand on pense aux familles, aux enfants meurtris à jamais, non seulement après la tuerie de la préfecture mais aussi après la disparition des 263 tués, c'est aussi pour ça que nous sommes là.
Pour ma part, j'ai eu le triste privilège, qui a marqué ma vie, de me retrouver dans un avion après les attentats de Toulouse et de l'Hyper Casher, et je vis menacé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je le dis aujourd'hui, même si je n'aime pas parler de mon cas personnel, parce que j'ai l'impression que nous ne sommes pas prêts. Et c'est compréhensible, car nous étions en paix il y a quelque temps encore. Mais les temps changent, et la triste réalité est là : au sein de la préfecture de police, un fonctionnaire de police a massacré des Français, ses collègues. C'est arrivé, même si ce n'est pas de votre faute. Il est manifeste qu'il y a donc non pas des failles, mais des crevasses.
J'ai posé ma question, monsieur le président. Je souhaite savoir comment la DRPP fonctionne s'agissant des écoutes, combien de personnes y parlent l'arabe, suivant quelle procédure il est décidé de mettre des gens sur écoute. J'ai entendu tout à l'heure que les fonctionnaires faisaient entrer leur frère, leur sœur ou leur père dans le service, ce qui n'a pas manqué de m'inquiéter.
Je respecte les procédures prévues par la loi, et notamment par celle du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui a créé la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
J'utilise tous les moyens qui sont mis à ma disposition dans un cadre légal. Vous avez parlé des gens qui écoutent et de ceux qui parlent : je suis bien obligée d'engager des parlants de différente nationalité, sur lesquels nous menons des enquêtes d'habilitation particulièrement pointilleuses.
Cela me pose d'ailleurs un problème connu de tous les services de renseignement : les compétences rares, notamment détenues par les linguistes maîtrisant des dialectes ou des langues particulières, sont souvent incompatibles avec l'habilitation. Nous sommes donc très embêtés à ce sujet.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, monsieur le député. Si je comprends votre émotion, j'utilise tout ce qui est en mon pouvoir ainsi que toutes les techniques que la loi m'autorise à utiliser, y compris, éventuellement, à l'encontre d'un fonctionnaire de police, y compris à l'intérieur de mon service.
S'agissant de votre service, mobilisez-vous vous-même ces techniques ou est-ce du ressort de la DGSI ?
Non, c'est moi qui les mobilise s'agissant des fonctionnaires placés sous mon autorité. En ce qui concerne par exemple les enquêtes d'habilitation, je dispose effectivement du pouvoir de les diligenter – cela m'a été accordé, à l'issue d'une réunion interministérielle, au moyen d'un protocole – dans le ressort de la préfecture de police.
Nous avons été formés, dans cette perspective, par la DGSI : nous sommes par conséquent, depuis 2017, au carré sur ces enquêtes.
Une procédure de contrôle interne dont la DGSI a le monopole ne s'applique-t-elle pas depuis quelques mois ?
Non, mais la DGSI détient le monopole du répertoire des policiers radicalisés.
Nous pourrions également remplir une telle mission, car nous pouvons mobiliser toutes les techniques de renseignement, sans quoi nous ne pourrions plus travailler.
Non, mais s'agissant des policiers les règles vont certainement évoluer : il est en effet probable que nous tendions vers un service instructeur unique.
Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, je vais continuer de travailler sur certains cas de figure – qui ne se sont pas encore présentés – de fonctionnaires de police en poste au sein d'autres directions. Depuis les faits, certains ont été révoqués, et je continue d'assurer le suivi d'autres fonctionnaires, à des niveaux assez importants.
Il vous est arrivé, madame la directrice, chère Françoise, ce qui peut arriver de pire au chef d'un service opérationnel : perdre des effectifs au combat. Nous vous devons pour cette raison le plus grand respect.
Vous êtes aujourd'hui auditionnée, peu de temps après les faits, par notre commission d'enquête. J'ai été à votre place, je m'en souviens, après le Bataclan, et je sais que l'exercice n'est pas facile.
Avant d'être affectée à la tête du service que vous dirigez, vous étiez en poste à la DGSI. Est-ce que, en son sein, le renseignement qui a été donné au niveau le plus bas serait remonté ?
Il m'est impossible de vous répondre car je ne peux m'exprimer sur un service tiers : c'est la règle entre services de renseignement.
Le secret-défense ne s'applique pas ici : le management est-il plus efficace si la publicité et la fluidité de l'information – je ne parle pas ici d'informations personnelles – permettent à celle-ci de remonter plus rapidement ?
Je pense que cette remontée n'est rapide dans aucun service de renseignement.
Essayez-vous de mettre en place au sein de votre service les rétro-criblages qui sont menés à la DGSI ? S'ils avaient existé avant le drame, auraient-ils permis de l'éviter ?
Je ne sais pas quel était l'état des connaissances en 2015, car rien ne figure dans le dossier.
Cependant, comme je l'ai indiqué, si j'avais disposé d'un élément supplémentaire de nature alarmante concernant l'individu en question, il m'aurait peut-être permis de libérer la parole et de conduire les fonctionnaires concernés à me confier sur le moment ce qu'ils m'ont dit après. J'aurais alors, oui, procédé à un rétro-criblage.
Qu'entend-on par rétro-criblage : porte-t-il sur l'enquête d'habilitation ou sur la procédure de recrutement ? Si j'avais été en possession d'un tel élément, je n'aurais en effet procédé qu'à un rétro-criblage de l'habilitation.
À son issue, le fonctionnaire en question ne serait donc sans doute pas resté dans ce service.
Oui, encore aurait-il fallu que l'information ait été remontée.
Cela signifie que si les faits s'étaient déroulés au sein d'un service de la DGSI à Paris, et non au sein de la DRPP, nous l'aurions peut-être évité. N'êtes-vous pas actuellement au sein de votre service en train de rétro-cribler l'ensemble des fonctionnaires qui y sont en poste ? Ce rétro-criblage ne doit-il pas désormais intervenir régulièrement ?
Non : nous ne lançons le processus que s'agissant de fonctionnaires pour lesquels existe un doute dans un domaine particulier, ou au moment du renouvellement de l'habilitation.
Certaines habilitations arrivant à expiration, nous reprenons tous les dossiers concernés. En 2015, la procédure utilisée pour les habilitations dont nous parlons se résumait à un simple criblage, c'est-à-dire qu'étaient consultés tous les fichiers possibles et imaginables. À son issue, on donnait à l'habilitation des personnels en question un avis favorable, restrictif ou défavorable.
La procédure de l'instruction générale interministérielle n° 1300, c'est-à-dire les règles applicables aux enquêtes d'habilitation, ne dit pas que le criblage est insuffisant. Quand je suis arrivée en 2017, j'ai néanmoins décidé que les primo-arrivants dans mon service seraient également soumis à un entretien.
Cela signifie qu'à l'issue des criblages et de la consultation de tous les fichiers auxquels nous avons accès, le fonctionnaire ou le contractuel arrivant dans le service fait l'objet d'une enquête physique.
Il remplit sa notice, on procède au criblage et ensuite il passe un entretien : les éléments qu'il a indiqués dans sa notice peuvent nous servir à le placer le cas échéant devant ses contradictions. Telle est la procédure en vigueur actuellement.
Nous reprenons actuellement les dossiers des fonctionnaires concernés, puisque nous devons faire face à des échéances, compte tenu du fait que certaines habilitations doivent être renouvelées.
Si Harpon était toujours vivant, il aurait en 2020 fait l'objet d'une telle reprise, et peut-être effectivement qu'on aurait alors davantage creusé ces différents aspects.
Je vous remercie pour vos réponses qui permettent vraiment de nous éclairer. Le président a rappelé que Le Canard enchaîné de la semaine dernière indiquait que les services territoriaux de renseignement avaient envoyé à d'autres services de renseignement certains signalements.
Or vous nous dîtes que vous n'en disposez pas. J'ai simplement du mal à croire que, compte tenu de vos fonctions, vous ne vous soyez pas rapprochée de ces services territoriaux de renseignement : l'avez-vous fait, et si oui à quel moment ?
Le problème est que tout cela est dit au moment où l'enquête est lancée, après que les faits ont été commis, et que tous ces éléments sont actuellement développés dans l'enquête judiciaire.
Je n'ai pas eu connaissance avant l'affaire de notes concernant ces signalements.
Je fais partie de ces chefs qui lisent les papiers sortant de leur service ainsi que ceux qui, rédigés par des collègues, y entrent. Par ailleurs, Le Canard enchaîné n'a pas publié que des informations exactes.
Je vais être franche : j'ai évité de lire les journaux, de regarder la télévision et d'écouter la radio juste après les faits, car cela aurait été trop cruel.
Je tiens à vous indiquer, madame Bilancini, que j'ai eu des remontées de la part vos services qui se sont félicités tant de votre arrivée que de la mise en place de procédures.
Je suis tout de même estomaqué : lors des différentes auditions que j'ai conduites au cours des travaux de la mission d'information sur les services publics face à la radicalisation, qu'ai-je entendu de la bouche des représentants des professions de souveraineté ?
Ils nous ont affirmé qu'après l'attentat de Charlie Hebdo et après ceux de novembre 2015, plus rien ne serait comme avant, qu'ils ne mettraient plus la poussière sous le tapis et que les signalements seraient désormais automatiques.
J'ai même à cette occasion été informé de cas dans lesquels les signalements étaient justifiés, comme celui d'un policier radicalisé dans un commissariat que l'on s'est contenté de désarmer et d'affecter dans un poste plus administratif.
Or les faits qui nous occupent ont eu lieu dans le saint des saints du renseignement et nous parlons de gestion « en bon père de famille » !
La lettre de mission du préfet Michel Cadot précisait pourtant qu'il souhaitait une professionnalisation du renseignement à la préfecture de police, ce qui signifie que l'amateurisme devait vraiment y régner à tous les étages : ce n'est pas vous qui l'affirmez, madame, mais moi.
J'en suis estomaqué, compte tenu des travaux de la mission d'information que je viens d'évoquer.
Je reviens sur votre audition du 11 décembre 2018, au cours de laquelle vous avez, de concert avec le préfet, déclaré qu'il existait véritablement un angle mort juridique s'agissant de la révocation des fonctionnaires de police en cas de radicalisation.
Vous aviez, à cette occasion, indiqué que l'on utilisait souvent, dans ces cas, des motifs connexes, notamment disciplinaires, afin de les révoquer.
Cet angle mort a même permis à un tribunal administratif d'imposer à la préfecture de police de réintégrer un agent qui avait été révoqué pour radicalisation, ce que vous avez confirmé. De quel outil vous faudrait-il par conséquent disposer pour permettre de révoquer plus facilement les agents radicalisés ?
Je voudrais revenir, pour comprendre les faits, comme nous essayons tous de le faire – j'ai bien conscience que vous êtes animée de la même volonté –, sur le rôle joué par le fameux commandant chef de section.
Dans la note du 5 octobre que vous avez envoyée au ministre de l'Intérieur sous couvert de M. le préfet de police, vous avez écrit que le commandant X « […] précise avoir fait savoir verbalement au sous-directeur de l'époque, le commissaire divisionnaire Y, à une date se situant entre 2014 et 2015, probablement après le mariage de M. Harpon, que ce dernier n'embrassait plus la secrétaire de la section […]. »
Les suites données à la fourniture de cette information ne sont cependant pas connues. Si j'ai bien conscience qu'une enquête judiciaire est en cours, comment peut-on – peut-être est-ce une disposition d'esprit dans laquelle vous vous trouvez vous-même, sur un plan tant personnel que professionnel – ne pas vouloir aller au bout de l'interrogation la concernant ?
Comment comprendre que ce commandant soit resté aussi passif face à toute une série de faits ou de signaux très faibles dont il n'a informé sa hiérarchie que verbalement ? Ce point ne peut-il pas être éclairci ?
Il m'est difficile d'éclaircir des situations auxquelles je n'ai pas pris part. Effectivement, de tels faits demeurent quasiment inexplicables.
Je vous ai dit tout à l'heure qu'ils avaient fait venir leurs proches afin de faire comprendre quel était l'état d'esprit dans cette section. Le collègue en question était handicapé. Or les hommes sont les hommes : je n'exclus donc pas qu'il ait pu, compte tenu de sa situation particulière, inspirer à ses collègues un peu de pitié.
Le commandant en question affirme en avoir parlé au sous-directeur : or je ne sais pas si cette conversation a vraiment eu lieu. Comment les faits rapportés ont-ils été gérés à l'époque ? Je suis également incapable de vous le dire.
Il est certain que si l'organisation que j'ai mise en place ne garantit pas que nous ne passions pas demain à côté de quelque chose, car nous ne sommes pas infaillibles, je sais au moins que la sonnette sera tirée.
Je ne peux pas me défausser en disant : avant c'était moche, et maintenant, c'est bien. L'équipe en question travaillait sous ma supervision : nous mangions à l'occasion les gâteaux préparés par la femme du fonctionnaire en question.
Ce qui m'a désolée dans cette affaire, c'est que je suis proche des membres de cette section et de ce qu'elle est devenue. Il s'agit en effet d'un groupe qui fait désormais partie d'une entité plus importante qui est en train de développer pour notre maison un très gros projet informatique.
Je suis par conséquent très présente à leurs côtés : en termes de management, je les ai associés à des ingénieurs ainsi qu'à des techniciens qui ont été recrutés. Je ne voulais en effet pas qu'après des années d'un boulot informatique qu'ils ont fait à leur niveau, ils se sentent rejetés ou exclus au motif qu'ils n'étaient que des flics faisant de l'informatique.
Je leur ai annoncé que nous allions travailler avec des personnes différentes, et ils ont été très enthousiastes à l'idée de collaborer à ce projet. Nous prenions le café et nous parlions ; Harpon en faisait partie.
Je leur ai demandé pourquoi ils ne m'avaient rien dit quand je leur rendais visite. Je n'ai pas obtenu de réponse à cette question.
Je pense sincèrement qu'ils n'ont jamais songé une seconde qu'il pourrait basculer dans la violence. Ils le fréquentaient presque tous les jours, et tout le monde le voyait dans le couloir : il n'y avait selon eux pas de violence en lui.
Ils ont finalement admis que sa pratique religieuse était rigoureuse, mais peut-être pas radicale. S'ils avaient imaginé ce passage à la violence, en tant que père ou mère de famille, ils n'auraient pas conseillé à leurs proches de rejoindre la section.
Je suis évidemment brisée par cette histoire. Il faut cependant se placer dans le contexte de cet inexplicable, qui est finalement très humain.
Je reviens sur ce que vous venez de dire, car une question me taraude : si l'on peut entendre que ses collèges n'aient pas imaginé une seconde qu'il pouvait passer à l'acte, pour autant son comportement ne posait-il pas problème au regard de la mission qui lui était confiée ?
Le signalement dont il avait fait l'objet à l'intérieur de la maison aurait dû alerter non sur le danger potentiel qu'il pouvait représenter pour ses collègues mais sur celui qu'il pouvait représenter pour le pays en tant qu'agent du renseignement ayant accès à des fichiers informatiques ainsi qu'à un certain nombre d'informations. Il communiquait en effet avec l'extérieur.
Il faut établir que c'était le cas : pour ma part je l'ignore.
Ses collègues avaient pris en compte cet aspect et ils surveillaient son travail.
Je vous remercie, madame la directrice, pour la spontanéité ainsi que pour la sincérité de vos réponses, qui nous ont permis de prendre la mesure du traumatisme que vous avez subi mais également celle de votre détermination et de votre compétence.
Je vous exprime une nouvelle fois, comme je l'ai fait en préambule, notre reconnaissance et notre soutien dans cette épreuve. Nous savons combien votre mission est difficile.
Comme je l'ai indiqué en ouvrant l'audition du préfet de police, nous savons que, quelle que soit l'organisation que l'on choisisse, le risque zéro n'existe pas, ce qui ne nous exonère pas d'essayer de tendre vers le risque le plus faible possible : c'est la seule volonté qui nous anime dans le cadre des travaux de cette commission d'enquête.
Je vous remercie encore, sincèrement, pour la qualité de cette audition.
La séance est levée à 19 heures 05.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Florent Boudié, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Meyer Habib, M. Guillaume Larrivé, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, Mme Alexandra Louis, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. - M. David Habib, M. Jean-Michel Mis, Mme George Pau-Langevin, M. Guy Teissier