Il m'est difficile d'éclaircir des situations auxquelles je n'ai pas pris part. Effectivement, de tels faits demeurent quasiment inexplicables.
Je vous ai dit tout à l'heure qu'ils avaient fait venir leurs proches afin de faire comprendre quel était l'état d'esprit dans cette section. Le collègue en question était handicapé. Or les hommes sont les hommes : je n'exclus donc pas qu'il ait pu, compte tenu de sa situation particulière, inspirer à ses collègues un peu de pitié.
Le commandant en question affirme en avoir parlé au sous-directeur : or je ne sais pas si cette conversation a vraiment eu lieu. Comment les faits rapportés ont-ils été gérés à l'époque ? Je suis également incapable de vous le dire.
Il est certain que si l'organisation que j'ai mise en place ne garantit pas que nous ne passions pas demain à côté de quelque chose, car nous ne sommes pas infaillibles, je sais au moins que la sonnette sera tirée.
Je ne peux pas me défausser en disant : avant c'était moche, et maintenant, c'est bien. L'équipe en question travaillait sous ma supervision : nous mangions à l'occasion les gâteaux préparés par la femme du fonctionnaire en question.
Ce qui m'a désolée dans cette affaire, c'est que je suis proche des membres de cette section et de ce qu'elle est devenue. Il s'agit en effet d'un groupe qui fait désormais partie d'une entité plus importante qui est en train de développer pour notre maison un très gros projet informatique.
Je suis par conséquent très présente à leurs côtés : en termes de management, je les ai associés à des ingénieurs ainsi qu'à des techniciens qui ont été recrutés. Je ne voulais en effet pas qu'après des années d'un boulot informatique qu'ils ont fait à leur niveau, ils se sentent rejetés ou exclus au motif qu'ils n'étaient que des flics faisant de l'informatique.
Je leur ai annoncé que nous allions travailler avec des personnes différentes, et ils ont été très enthousiastes à l'idée de collaborer à ce projet. Nous prenions le café et nous parlions ; Harpon en faisait partie.
Je leur ai demandé pourquoi ils ne m'avaient rien dit quand je leur rendais visite. Je n'ai pas obtenu de réponse à cette question.
Je pense sincèrement qu'ils n'ont jamais songé une seconde qu'il pourrait basculer dans la violence. Ils le fréquentaient presque tous les jours, et tout le monde le voyait dans le couloir : il n'y avait selon eux pas de violence en lui.
Ils ont finalement admis que sa pratique religieuse était rigoureuse, mais peut-être pas radicale. S'ils avaient imaginé ce passage à la violence, en tant que père ou mère de famille, ils n'auraient pas conseillé à leurs proches de rejoindre la section.
Je suis évidemment brisée par cette histoire. Il faut cependant se placer dans le contexte de cet inexplicable, qui est finalement très humain.