Intervention de Michel Delpuech

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 16h25
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Michel Delpuech, préfet de police, préfet de la zone de défense de Paris du 19 avril 2017 au 21 mars 2019 :

Monsieur Larrivé, vous avez bien rappelé le cadre juridique. Le ministère de l'Intérieur m'avait régulièrement associé à la préparation de la loi SILT, la loi de sortie de l'état d'urgence. Aux termes de cet article L. 114‑1, il est désormais possible de consulter les fichiers pour des fonctionnaires en activité, dès lors que leur comportement n'est plus idoine, en plus du criblage opéré au moment du recrutement. Cela représente un progrès incontestable.

Lorsque le criblage laisse apparaître des signaux particulièrement inquiétants, la procédure fait intervenir une commission paritaire, laquelle représente, de mon point de vue, une garantie juridique. Sa composition a été précisée par un décret de février 2018. Alors qu'elle a été installée le 3 juillet 2018, à ce jour, elle n'a été saisie d'aucun dossier. Même si je suis désormais loin de l'opérationnel, je ne peux que souhaiter qu'elle fonctionne.

Si le dispositif en soi constitue, à mon sens, un progrès, se pose toutefois la question de l'articulation avec le droit disciplinaire, qui doit garder toute sa place et tout son rôle, notamment pour ce qui est des révocations. Dans le cadre de l'application de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, la radiation des cadres suppose une menace grave pour la sécurité publique. En cas d'impossibilité de mise en œuvre de la mutation ou lorsque le comportement du fonctionnaire est incompatible avec l'exercice de toute autre fonction, eu égard à la menace grave qu'il fait peser sur la sécurité publique, il est procédé à sa radiation des cadres. Cette exigence ne figure pas dans le droit de la fonction publique.

Les révocations dont je vous parlais sont intervenues sans qu'il y ait eu besoin de démontrer l'existence d'une menace grave pour la sécurité publique, des fautes incompatibles avec les exigences de la fonction publique ayant été prouvées. L'article 25 de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires, qui constitue le cadre juridique général de la fonction publique et a été modifié pour la dernière fois en avril 2016, dispose, s'agissant de tout fonctionnaire : « Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité. Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. À ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. »

Le code de déontologie de la police et de la gendarmerie, qui relève du niveau réglementaire, impose le même devoir de neutralité : « Le policier est tenu à l'obligation de neutralité. Il s'abstient, dans l'exercice de ses fonctions, de toute expression ou manifestation de ses convictions religieuses, politiques ou philosophiques. » On y trouve également une formule, qui mériterait à mes yeux d'être enrichie, selon laquelle les policiers et les gendarmes exercent leur fonction avec loyauté, au service des institutions républicaines. Sans doute ne serait‑il pas inutile d'aller au‑delà pour affirmer le devoir de loyauté à la devise et aux valeurs de la République.

Pour revenir à votre question, monsieur Larrivé, le cadre juridique de la loi du 30 octobre 2017 représente une incontestable avancée, grâce à la possibilité de criblage offerte en cours de carrière. Désormais, il faut que la commission fonctionne et que les dossiers lui soient transmis.

Il faut également bien définir le rôle des instances disciplinaires, auxquelles on aurait tort de renoncer. J'ai présidé, il y a une vingtaine d'années, pendant deux ans et demi, le conseil de discipline du secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP) de Paris : les soixante‑seize révocations étaient intervenues à l'unanimité. Dans de telles situations, les représentants des personnels savent prendre leurs responsabilités, parce qu'il y va de la défense de l'institution policière et qu'ils savent très bien faire la part entre certaines situations et les sujets les plus graves. Je pense et souhaite que le volet disciplinaire ne soit surtout pas perdu de vue.

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