Intervention de Michel Delpuech

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 16h25
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Michel Delpuech, préfet de police, préfet de la zone de défense de Paris du 19 avril 2017 au 21 mars 2019 :

Madame Avia, j'espère que les choses se sont améliorées et que nous avons progressé. La radicalisation est un sujet majeur, en ce qu'il touche à la cohésion républicaine. Pour moi, c'est une entreprise idéologique qui veut substituer d'autres normes à la norme républicaine. C'est sur ce terrain qu'il faut trouver des réponses. Elle n'est pas qu'un problème de laïcité. Pour la cohésion républicaine, tout ne sera jamais assez. La priorité des priorités était de veiller à la détection des signaux de radicalisation, dans nos services certes, mais avant tout à l'extérieur. J'avais cité une quinzaine de cas, lors de mon audition par la mission en décembre 2018.

En Île‑de‑France, quand j'étais préfet de police, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) comptait environ 4 000 personnes. J'avais, en tant que préfet de zone, consacré une réunion zonale à ce sujet, en présence des trois recteurs d'Île‑de‑France, du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) et de la direction générale de l'AP‑HP. J'ai tenu des réunions avec les élus parisiens, notamment les maires d'arrondissement, sur cette thématique. Je crois m'être beaucoup engagé sur ces sujets. Je l'avais également fait à Bordeaux, à Lyon ou à Amiens, où la situation n'était pas si simple que cela. C'est un sujet qui me tient à cœur, parce qu'il touche au cœur de la République. Tout ce que nous pouvons faire est bienvenu. C'est l'affirmation des valeurs républicaines, et cela seulement, qui permet d'apporter la réponse et de nous souder, au lieu de nous diviser, comme le souhaitent certains. Nous devons rester humbles et modestes, chacun apportant sa pierre. Celui qui a le sentiment d'avoir tout réglé là où il est passé, j'aurais toujours tendance à ne pas le croire.

Monsieur Vuilletet, je vous rappelle le système parisien. La police d'agglomération a été instaurée en 2009, en donnant au préfet de police la responsabilité, pour faire simple, de la sécurité publique et de l'ordre public à Paris et dans la petite couronne. Je n'ai pas forcément toujours été d'accord avec cette approche. Pour moi, la bonne approche est zonale. Le rôle du préfet de police doit être renforcé, comme institution à l'échelle de l'Île‑de‑France. Le territoire est en réalité très continu entre la petite couronne et les départements voisins. Une approche plus large, renforçant le pouvoir de coordination, aurait sans doute été plus pertinente. Les choses peuvent encore évoluer.

La fonction de préfet de zone du préfet de police doit être effective. Un préfet de zone a trois grandes attributions : la gestion des crises – épisodes neigeux ou inondations, par exemple ; la gestion des moyens de la police et un peu de la gendarmerie ; la coordination des politiques de sécurité intérieure – je m'appuyais à cette fin avec mon équipe sur les directions actives de la préfecture de police. Pour le renseignement, c'était la DRPP qui était mon outil zonal. Comme je le disais tout à l'heure, chacun doit jouer son rôle. Si l'on considère que, parce que la DRPP est sous l'autorité du préfet de police, on ne doit pas lui faire passer d'informations, et inversement, c'est la négation de ce que nous sommes. Je tenais chaque semaine une réunion avec un représentant de la DGSI et un représentant du renseignement territorial. Où sont allées les informations sur Mickaël Harpon ? Je ne les ai jamais eues, en deux ans.

J'étais préfet à Lyon, lorsque Hervé Cornara a été assassiné, dans des conditions affreuses, par l'un de ses salariés – M. Cazeneuve revient d'ailleurs sur ce drame dans le livre qu'il vient de publier. L'auteur de l'assassinat avait été suivi par le service du renseignement territorial, en Côte‑d'Or ou dans le Doubs, me semble-t-il. L'intéressé avait déménagé en banlieue lyonnaise, sans qu'aucun service nous prévienne. Ce n'était pas un problème lié à la préfecture de police, mais inhérent au renseignement territorial. C'est à ce moment que le ministre de l'Intérieur de l'époque a fait créer le FSPRT, afin de disposer d'un espace rassemblant l'ensemble des données. C'est le b.a.‑ba du service de renseignement de faire passer l'information à la hiérarchie ; or personne ne m'avait prévenu. J'insiste bien : c'est par la hiérarchie qu'il faut passer, et pas se contenter de téléphoner aux collègues – par le haut !

Monsieur Diard, il ne vaut mieux pas que je commence à vous détailler les méandres administratifs de l'application de la loi SILT, sans quoi nous en aurons jusqu'à demain matin.

Monsieur Fauvergue, la DRPP est bien un service de renseignement. Ce que j'ai mis en œuvre, la convention que j'ai signée avec Patrick Calvar, le mandat de Françoise Bilancini : c'est cela que j'appelais tout à l'heure « mettre aux normes », tout en restant dans le second cercle. L'unité du service de renseignement est une nécessité, surtout pour les sujets que nous traitons, parce qu'il faut voir et très loin et très près : très loin, en s'aidant des services de niveau central, qui sont en lien avec les services partenaires étrangers ; très près, c'est dans le quartier, en bas de l'immeuble, à l'école, avec les services territoriaux. Mieux on assure un tel continuum, plus on renforce l'efficacité de nos services de renseignement.

Je vous remercie, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, de l'attention que vous avez accordée à mes modestes propos.

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