Intervention de David Clavière

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 14h40
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

David Clavière, préfet, directeur du cabinet du préfet de police :

Concernant les signalements, j'ai une nette préférence, je l'ai dit, pour les signalements écrits. En particulier depuis la note du préfet de police : si jamais des agents étaient inhibés, cette note est claire, elle est précise, sur l'obligation qui est faite à chaque fonctionnaire – dès lors qu'il a le sentiment qu'un collègue, un supérieur, quelqu'un dans son équipe, quelqu'un qu'il connaît, présente des signes de radicalisation – de procéder à un signalement. Alors, pourquoi pas l'anonymat ? Mais il faut que ce soit de l'anonymat documenté parce qu'on sait bien que les règlements de comptes existent dans n'importe quelle communauté humaine, je l'ai constaté lorsque j'étais DRH et que j'ai participé à beaucoup de conseils de discipline. Il faut y faire attention. Tout ce qui va dans le sens d'une meilleure appréhension du risque doit être fait, mais pas n'importe comment.

Sur les critères de la radicalisation, la note du préfet de police est très claire. Je cite : « Plusieurs signes et indices peuvent justifier de déclencher une procédure de signalement, comme des changements physiques, vestimentaires et alimentaires, le refus de serrer la main du personnel féminin, un rejet brutal des habitudes quotidiennes, un repli sur soi, le rejet de l'autorité, de la vie en collectivité. » Il me semble intéressant de procéder par faisceaux d'indices. La radicalisation, c'est un processus. Donc l'appréhender une fois pour toutes en quelques mots, je n'y crois pas. En revanche, je crois à une grille de lecture. D'ailleurs, l'UCLAT, l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste, a élaboré une telle grille. Il existe des référentiels ; on ne part pas de rien mais de ce faisceau d'indices.

Lorsque j'étais DRH, j'ai développé des formations, j'ai fait venir un certain nombre de spécialistes de la radicalisation, tel Gilles Kepel, qui n'est pas connu pour avoir une appréhension « complaisante» du sujet. J'ai fait venir dans ce que j'appelais les Matinales, sorte de séminaires destinés aux cadres de la préfecture de police, Gilles Clavreul, ancien délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, ou Laurent Bouvet, qui ne sont pas non plus connus pour avoir une conception « molle » de la laïcité. Ils sont intervenus pendant trois ou quatre heures, devant des cadres de la préfecture de police, sur ce qu'était la radicalisation, ses symptômes, et d'ailleurs pas seulement dans des organismes publics, mais aussi dans le privé. Il y a eu aussi Denis Maillard, qui a écrit sur le sujet. L'IGPN a assuré des formations sur la base de cette grille de lecture sur la radicalisation. Désormais l'ensemble des nouveaux arrivants à la préfecture de police suivent un module dit de laïcité et de formation sur la radicalisation… Tous ces éléments vont dans le sens d'une meilleure connaissance du sujet.

Sur le désarmement, je crois avoir répondu : on pratique une réaction graduée, mais n'ayez pas de doute quant au fait que, quand on a un vrai doute sur quelqu'un, on le désarme si c'est un policier. Mais il y avait aussi des signalements pour lesquels des vérifications devaient être faites, parce que les éléments que nous avions ne permettaient pas d'aller jusque-là. Enlever une arme à un policier, c'est une décision importante. Mais ce n'est pas ce qui nous arrête, c'est très clair : s'il y a un risque, on désarme.

Vous avez posé la question des sept minutes aux préfets de police successifs. Je ferais plutôt miens les propos de Michel Delpuech sur le sujet. À l'endroit où cela s'est passé, il n'y a pas un grand nombre de policiers. Cela peut paraître long, mais Mickaël Harpon a été neutralisé par quelqu'un qui assurait la défense périmétrique de la préfecture de police et qui a joué pleinement son rôle. Bien sûr qu'il y a des policiers armés dans les couloirs. Mais chacun travaille dans son bureau : il n'y a pas tout de suite quelqu'un qui est là et qui peut neutraliser l'assaillant. Mais je ne suis pas un spécialiste du sujet.

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