Intervention de David Clavière

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 14h40
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

David Clavière, préfet, directeur du cabinet du préfet de police :

Pour répondre à madame Le Pen, j'ai dû mal me faire comprendre, mais je crois avoir dit qu'on parle bien d'enquêtes, et d'enquêtes approfondies, y compris dans le cas que je vous ai indiqué. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton. Ce sont de véritables enquêtes. Certaines, un petit nombre, ont pu être clôturées. D'autres, non, parce que justement on approfondit, on va au fond des choses. Elles sont encore en cours. C'est le premier point et je veux que là-dessus il n'y ait pas d'ambiguïté.

Le deuxième point, monsieur le président, porte sur les moyens d'améliorer les choses. J'ai parlé de la formation, et je rejoins ce que disait madame la députée tout à l'heure : il faut que les process de détection soient déclinés au plus fin. Qu'on vérifie que chacun a bien en tête ce que j'appelle le faisceau d'indices. C'est la formation, et ce sont les piqûres de rappel dont la hiérarchie doit être garante. Deuxièmement, je crois que le préfet Lallement vous en a parlé, nous avons une difficulté à nourrir les enquêtes disciplinaires. Logiquement, s'applique le principe du contradictoire qui, devant les juges administratifs, amène la partie adverse à connaître l'ensemble du dossier. Or les services de renseignement, la plupart du temps, ne le souhaitent pas, parce que les surveillances peuvent éventuellement continuer au-delà de la décision du tribunal administratif. Il y a là un sujet de réflexion, très clairement. Je ne suis pas juriste. C'est sans doute difficile à régler sur le plan juridique mais cela peut se tenter, à mon avis. De la même manière que pour les interceptions de sécurité, il y a un contentieux particulier dit asymétrique, où le juge a les informations et pas la partie adverse, pourquoi ne pas essayer de réfléchir à cela ?

J'ai entendu le préfet Delpuech parler de la formalisation de l'adhésion aux valeurs de la République, ce qui pourrait venir renforcer, d'une certaine manière, la possibilité que l'on a « d'accrocher » quelqu'un sur ce sujet. Je vais vous faire part, là aussi, d'une expérience que j'ai vécue avec quelqu'un qui a été écarté définitivement. Au cours du conseil de discipline, les choses étaient difficiles parce qu'il était bien conseillé. Je lui ai posé cette question : « Entre vos valeurs religieuses et les valeurs de la République, si vous deviez choisir à un moment parce qu'un ordre éventuellement vous gênait ? » Il n'a pas répondu, ou plutôt il m'a dit « bon, il n'y a aucune raison que ça soit différent. » J'ai insisté et il a répondu « eh bien, si cela advient, je quitterai la police nationale. » Cela veut tout dire.

Autrement dit, pour revenir à votre question, je pense en effet que, de la même manière que les magistrats et que les inspecteurs de l'environnement, par exemple, prêtent serment, on pourrait prévoir une procédure et un texte particulier pour les policiers. Évidemment, après, c'est la jurisprudence qui définira ce que sont les valeurs de la République, et ce qui est incompatible, mais pourquoi pas ? Peut-être faut-il toutefois attendre de voir ce que vont donner les saisines de la commission de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, puisqu'elle ne s'est encore jamais prononcée. Il sera intéressant de voir comment, et selon quels critères, elle apprécie la compatibilité ou l'incompatibilité entre les missions exercées et le comportement des intéressés.

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