. Aucune structure, au fonctionnement aussi optimal soit-il, n'est totalement immunisée. Nous ne sommes jamais à l'abri d'un risque ou d'une faute, même si je crois pouvoir affirmer, pour la période que je connais et dont j'assume la pleine responsabilité, que le risque que vous qualifiez d'entrisme et d'apparition de situations au sein même de l'institution avait été pris en compte. Il avait donné lieu à des instructions claires et à un système de remontées organisé, à des prises de responsabilité dans les états-majors de chacune des directions, puis au niveau adéquat de prise de décision. Ce dispositif était évalué par un organisme extérieur, l'inspection générale de la police nationale, qui traitait les dossiers signalés – j'y reviendrai en réponse à votre deuxième question. Enfin, il conduisait à des sanctions, qui ont été prises dans chacun des cas. Je considère que ce dispositif avait été sérieusement mis en place et fonctionnait correctement. Malheureusement, et nous l'avons vu, cela n'offre pas une garantie à 100 %.
Pourrait-on trouver des modalités qui apportent une sécurité supplémentaire ? Il s'agit de la préfecture de police, mais on pourrait fournir des chiffres pour d'autres grandes directions du ministère de l'Intérieur. Ceux qui sont chargés de la police sont très nombreux, puisque, par définition, répartis sur le territoire ; et comme le risque, vous le relevez vous-même, est de plus en plus multiforme, ceux qui traitent ces informations sont en assez grand nombre. Il faut donc des dispositifs fondés sur l'éducation des fonctionnaires et une bonne formation au départ – ce n'était pas le cas de Mickaël Harpon qui était présent depuis longtemps –, donc sur la capacité à détecter des comportements déviants de personnes présentes depuis un certain temps ou nouvellement entrées et à déterminer rapidement si elles ne répondent pas à l'éthique du métier de police, aux exigences très particulières du renseignement et à ses contraintes juridiques. Les procédures de détection doivent partir de l'environnement de proximité, d'un système de remontées hiérarchiques contrôlées par la hiérarchie, en interne.
Faut-il prévoir, en dehors du service lui-même, une forme de contrôle extérieur, une sorte d'audit pour réaliser de temps à autre des vérifications, voire, dans un environnement très sensible, ouvrir des armoires en cas de signalement ? Je ne le sais pas. Il est possible qu'à un moment donné, on juge utile, dans tel service sensible, d'aller un peu plus loin. Vous le savez, prévalait, à la DRPP, une obligation d'habilitation au secret défense impliquant des enquêtes extérieures assez poussées conduites par d'autres directions, selon le domicile des personnes. En outre, il existait une sorte de jury d'entrée. On n'accédait pas uniquement sur concours d'entrée dans la police, il fallait être admis dans cette direction particulière. Le biais que vous craignez n'était pas exclu, mais c'était aussi un moyen d'obtenir des garanties par un questionnement plus précis et un entretien. Parler avec des personnes dans le cadre d'une audition permet d'aller plus loin, ce qui était le cas.
Enfin, je le répète, l'IGPN jouait un rôle et de conseil et de formation. Tous les dossiers lui étaient transmis. Faut-il envisager qu'une petite structure interne à la préfecture de police procède de temps en temps à des vérifications, à l'instar de l'inspection des finances qui vérifie parfois certaines pratiques dans les institutions chargées de gérer des fonds publics ? Je n'ai pas d'opinion personnelle sur ce point. Je n'en ressentais pas le besoin quand j'étais en place – mais je n'avais pas connu cette crise dramatique – car je sentais les équipes très mobilisées par la prévention de la radicalisation. C'était leur vie. Ils y croyaient. À mes yeux, ils ne pouvaient pas laisser passer des faits qu'ils auraient identifiés. En ce sens, ce drame est particulièrement douloureux pour toutes les équipes.