Intervention de René Bailly

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 17h20
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

René Bailly, ancien directeur du renseignement de la préfecture de police :

Non. J'ai seulement suivi les dernières minutes de l'audition du préfet Cadot, dans la salle où j'attendais.

Je connaissais très bien l'une des victimes, M. Damien Ernest. C'est lui qui s'occupait des problèmes de mon ordinateur et qui gérait mon téléphone. L'une de ses filles ayant rencontré un problème de santé très grave, j'étais parvenu, par le biais de connaissances dans le milieu hospitalier parisien, à ce qu'elle soit adressée à un spécialiste. Cela m'émeut d'en parler ; sans que je fasse montre d'une curiosité excessive, il venait régulièrement me tenir au courant de l'évolution de l'état de santé de sa fille, dont il était très heureux.

J'ai eu affaire à quelques reprises à Mickaël Harpon, qui ne s'est jamais trouvé seul dans mon bureau. Il venait, toujours accompagné de son chef de section, s'occuper de mon dispositif informatique.

Je l'ai lu dans la presse, je l'ai entendu à la radio : il y aurait eu un signalement en 2015 sur les propos que vous venez de rappeler. J'ignore le contexte, je ne sais pas si ces mots ont été prononcés dans le cadre d'une altercation entre fonctionnaires, si cette personne a dit cela par dérision ; je ne dispose d'aucun élément là-dessus.

Ce que je crois intimement, c'est que ce signalement qui, je le dis très solennellement, ne m'a été communiqué à aucun moment, que ce soit par écrit ou oralement, et que j'ai découvert après les faits, est resté en quelque sorte à huis clos, comme cette audition. Il n'est pas sorti du bureau.

Précisément, il est intéressant d'expliquer comment les bureaux sont organisés à la DRPP. Si, à mon arrivée en 2009, j'ai trouvé les personnels du renseignement territorial, de la sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme très professionnels, j'ai constaté que l'installation des services n'était pas cohérente. Cela n'a peut-être pas été dit lors des auditions précédentes. Les services étaient complètement dispersés sur trois étages, le service de lutte antiterroriste se trouvant, par exemple, à proximité du renseignement territorial. Mon premier objectif, qui n'a pas été entièrement rempli et je vous dirai pourquoi, fut donc de réinstaller les groupes de fonctionnaires au sein de la direction. Ce n'est pas un grand exploit que de l'avoir fait, et tout le monde y a participé d'ailleurs de très bon gré. La sécurité intérieure et le renseignement territorial sont allés occuper chacun un étage, ce qui a créé un peu d'étanchéité entre les fonctionnaires sur le plan matériel. Sur le plan stratégique, les sous-directeurs, dont les bureaux se trouvaient dans le voisinage immédiat de la direction, où ils n'avaient rien à faire, ont été installés au sein de leur service, à proximité de leurs effectifs. J'ai pensé que c'était important pour la communication.

L'unité informatique, retenez-le, avait été installée peu avant mon départ, en 2016 ou en 2017, face au bureau du sous-directeur des ressources et des moyens. Il suffisait aux six ou sept agents de l'unité de traverser un couloir large de 2,50 mètres pour frapper à sa porte. Avant ce déménagement, ils se trouvaient dans un local très exigu qui donnait sur la place de la Cité. Cela me préoccupait car le serveur se trouvait au milieu et je craignais qu'il tombe en panne l'été, faute de système de refroidissement. Ce déménagement a permis de les installer dans un open space où se trouvaient le chef de section, son adjoint, M. Ernest, et Mickaël Harpon. Comme cela a été dit, constaté et déploré, il y avait une ambiance, je ne dirais pas familiale, mais de proximité : les personnes se côtoyaient, se voyaient tous les jours, partageaient et connaissaient beaucoup de choses sur la vie privée de chacun.

J'ignore toujours à qui ce signalement a été communiqué, à quel niveau il s'est arrêté, mais je présume que cette proximité explique qu'il ait pu être gardé en interne, au sein de ce bureau. C'est une proximité historique ; on ne dévoile pas tout ce que l'on apprend, on ne signale pas, assurément, ce type de comportement. Car l'on se doute bien que dénoncer ces propos conduirait inévitablement, et assez rapidement, à l'éviction de l'intéressé du service. Donc, on se protège, on s'auto-protège. Je ne dispose pas d'éléments particuliers pour l'affirmer, mais le recul, la connaissance et l'expérience des contacts avec eux me le font croire.

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