Intervention de René Bailly

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 17h20
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

René Bailly, ancien directeur du renseignement de la préfecture de police :

J'aurais pu en parler en préambule : je suis arrivé en 2009 pour des raisons bien précises. Je rappelle que j'étais directeur central adjoint à la DCRI depuis 2008, après avoir occupé les mêmes fonctions entre 2006 et 2008 à la DCRG. Je ne souhaitais pas particulièrement revenir à la préfecture de police, où j'avais passé dix-neuf ans et neuf mois, ce qui est un peu long, à la section antiterroriste des renseignements généraux (RGPP). Mais on m'a demandé, intimé même, malgré mes réticences initiales, de retourner à la préfecture de police, à la DRPP, pour une simple et bonne raison : il fallait que la circulation de l'information soit rétablie sur les ponts qui mènent à l'île de la Cité !

Cette circulation, à vrai dire, était inexistante : il n'y avait aucun échange d'informations. Il ne m'appartient pas de dire pourquoi. On m'a demandé une fois à quand remontait la coordination avec les services de renseignement. J'ai répondu : « au 3 juin 2009 ». Et si j'en ai un souvenir aussi précis, c'est que je suis arrivé à la DRPP le jour précédent.

J'avais des instructions très précises, tant de la part du ministre de l'Intérieur, de la DCRI, que du préfet de police d'alors, M. Michel Gaudin : il s'agissait de communiquer les informations. Du 3 juin 2009 jusqu'à mon départ, en avril 2017, la coordination avec le service central du renseignement n'a fait que s'amplifier.

Dès le départ, nous avons passé toutes les informations. Cela signifie que nous communiquions à la DCRI, devenue la DGSI, les notes d'information sur la sécurité intérieure que nous adressions chaque jour au préfet de police et au ministre de l'Intérieur ; nous en rédigions entre 1 500 et 2 000 par an. Cela me paraissait capital. Je rappelle qu'avant 2009, aucune note n'était transmise, ce qui ne semblait déranger personne. Mais s'il était survenu une vague d'attentats, il aurait fallu rendre des comptes, et cela aurait été très difficile !

Je communiquais tous les mois au directeur, M. Patrick Calvar, un listing complet de nos interceptions de sécurité. Ce n'est pas rien. Cela signifie que nous dévoilions tous les objectifs que nous traitions au plan opérationnel sur la plaque urbaine parisienne. Les services n'avaient qu'à mettre, passez-moi l'expression, un coup de Stabilo boss sur les lignes dont ils voulaient un double, et ils l'obtenaient systématiquement. Auparavant, lorsque j'étais moi-même à la DCRG, puis à la DCRI, je n'avais aucune connaissance des objectifs suivis par la DRPP.

La coopération était donc totale, rien n'était caché. Nous passions également à la DCRI puis à la DGSI toutes les notes de contact, c'est-à-dire les notes que l'on établit après avoir recueilli des informations auprès des sources. Cela me paraissait la moindre des choses puisque c'est cette direction qui finançait cette activité. J'en souffrais d'ailleurs lorsque j'étais directeur adjoint de la DCRI : on refusait de nous transmettre les notes de contact alors que j'envoyais, par porteur, le financement du traitement de ces sources !

Toutes les notes d'information, tous les objectifs traités, toutes les interceptions de sécurité, toutes les notes résultant du traitement des sources étaient communiqués. Nous faisions preuve d'une franchise totale à l'égard du service central du renseignement.

Dès mon arrivée, j'ai nommé un officier de coordination, qui est allé s'installer à la DCRI. Cela n'empêchait pas les fonctionnaires de cette direction d'interroger directement leurs homologues de la DRPP, et ils ne s'en privaient pas. Tout cela était relativement fluide, et ne nécessitait pas de contrôle de ma part.

La coopération s'est encore amplifiée avec l'installation d'un officier de liaison de la DCRI à la DRPP. Alors qu'il n'y a pas beaucoup de place – l'immobilier est un problème à la DRPP et j'aimerais évoquer avec vous la sécurité des locaux –, j'ai tenu à ce qu'il ne soit pas installé dans un placard, mais au secrétariat attenant au bureau du sous-directeur de la sécurité intérieure. Cela signifie que toutes les informations qui parvenaient au sous-directeur étaient à sa disposition.

À la demande de M. Patrick Calvar, j'ai également désigné un officier de liaison pour travailler au sein de la cellule interservices Allat installée à la DGSI, qui synthétisait le renseignement sur la menace terroriste.

Deux officiers de liaison de la sous-direction du renseignement territorial étaient également installés au SCRT, pour traiter toutes les informations concernant l'ordre public, les violences urbaines, y compris les cas ou les signalements de radicalisation potentielle.

Nous avons donc mis en place un dispositif que je considère comme pertinent ; je n'ai jamais douté de son efficacité.

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