Intervention de René Bailly

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 17h20
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

René Bailly, ancien directeur du renseignement de la préfecture de police :

Tout le monde était très sensibilisé à la menace dont la France faisait l'objet. C'était, au-delà de l'ordre public, notre préoccupation principale et nous en parlions plusieurs fois par jour. Tous les services étaient impliqués dans le dispositif, même la sous-direction de l'immigration clandestine et du travail illégal. En effet, celle-ci procédait à l'interpellation de nombreuses personnes, notamment des étrangers en situation irrégulière. Parmi les individus qui se trouvaient en garde à vue ou en rétention administrative, on pouvait légitimement espérer qu'il puisse se trouver des profils susceptibles de nous intéresser et de constituer des sources. Nous pouvions aller librement leur parler. Tous les agents étaient donc impliqués et pas une personne, je pense, pouvait s'estimer ne pas être sensibilisée à la lutte contre le terrorisme et au phénomène de la radicalisation.

Pour ce qui est de la radicalisation des agents, nous avons reçu entre quatre et six signalements de comportements suspects. Si je me souviens bien, ils visaient des fonctionnaires de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), peut-être des fonctionnaires de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC). Un cas, concernant un fonctionnaire de la gendarmerie nationale, avait particulièrement appelé notre attention. Ces signalements ont fait l'objet de notes, de communications écrites, de rapports adressés immédiatement aux directeurs actifs de ces services, sous couvert, bien évidemment, de l'autorité du préfet de police. Je n'ai pas eu de retour – je n'avais pas à en connaître – sur le sort ou les décisions qui ont été prises à l'égard de ces fonctionnaires.

S'agissant de la détection interne, je n'ai pas souvenir d'avoir eu de signalement, et certainement pas sur la personne dont les agissements ont conduit à la création de cette commission d'enquête. Cela fait deux ans et demi que j'ai quitté ce service, je n'ai pas souvenir d'éléments précis ou de fonctionnaires qui auraient pu attirer notre attention.

Il est arrivé que je demande à la DGSI, et à la DCRI, de réaliser des vérifications, voire des surveillances, sur des fonctionnaires de la DRPP qui pouvaient présenter des signes de déloyauté à l'égard du service ou de non-respect de la confidentialité, dans leurs activités sur Facebook, par exemple. Mais il ne s'agit pas là de radicalisation.

La DGSI avait attiré mon attention sur un ou deux cas de fonctionnaires qui lui paraissaient suspects. Ils appartenaient à une section de la sous-direction de la sécurité intérieure, spécialisée sur les communautés étrangères, et plus particulièrement sur les opposants à ces communautés. Ils entretenaient, dans le strict cadre professionnel, des relations avec des représentants d'ambassade. L'objet n'était pas de faire du contre-espionnage, mais de savoir, par exemple, de quels éléments l'ambassadeur de Turquie disposait, et quelles craintes il nourrissait sur une éventuelle attaque de l'ambassade lors d'une manifestation interdite du PKK dans la capitale. La DGSI m'avait informé qu'elle procédait à des vérifications pour s'assurer que ces fonctionnaires n'étaient pas déloyaux.

Mais je n'ai pas souvenir de cas précis de radicalisation. Je n'ai pas donné d'instruction particulière concernant les carences éventuelles d'agents de la direction que l'on aurait pu suspecter de nourrir des intentions malsaines à l'égard du service, ou à plus forte raison, de leurs collègues.

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