Intervention de René Bailly

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 17h20
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

René Bailly, ancien directeur du renseignement de la préfecture de police :

Je vous remercie de m'interroger sur ce point, car la question a également été posée au préfet Cadot, et je ne partage pas complètement son point de vue. Je sais pourquoi j'ai été nommé à la DRPP en 2009, et je n'ai pas compris pourquoi la réforme du renseignement opérée l'année précédente n'était alors pas arrivée sur l'île de la Cité. Les ponts étaient sans doute bien contrôlés…

Mes propos m'engageront peut-être plus que je ne le souhaiterais, mais je sais dans quel cadre je m'exprime devant vous aujourd'hui. Revenons à la fusion entre la direction de la surveillance du territoire (DST) et la DCRG, que j'ai vécue de l'intérieur, puisque j'étais alors en poste aux RG sous l'autorité du directeur central Joël Bouchité. Nous étions dans le même bâtiment que le personnel de la DST, dirigée à l'époque par Bernard Squarcini.

Ce que j'ai bien compris, c'est que la fusion de 2008 n'en était pas une ; c'était plutôt une fusion-acquisition. À mon grand regret, on s'est « débarrassé » du renseignement territorial, sans doute considéré, à tort, comme moins noble que la sécurité intérieure. Les manifestations des gilets jaunes ont en effet montré l'importance du renseignement de proximité, essentiel à la surveillance des mouvements contestataires susceptibles de mettre en péril la sûreté de l'État ou d'entraîner les bouleversements que certains espèrent.

Les personnels des ex-RG ont été mal accueillis au sein de la DCSP où a été intégrée la nouvelle sous-direction de l'information générale (SDIG). Il m'a semblé à l'époque, j'en suis un peu moins convaincu aujourd'hui, que ce n'était pas le rôle de la sécurité publique de produire du renseignement. Bien que qualifiés en leur temps de généraux, les RG avaient une vocation précise, une mission spécifique qui aurait justifié l'existence d'un service propre ; ils n'auraient pas dû être absorbés par la sécurité publique, dont les investigations ont pour champ principal la lutte contre la délinquance.

Ce rattachement est probablement désormais bien assimilé, et je ne doute pas que les fonctionnaires qui y sont affectés ont trouvé leur compte et y sont heureux. Je peux néanmoins vous dire qu'au moment de la réforme, les personnels concernés ont beaucoup souffert de ce manque de considération : ils ont été pour ainsi dire évincés du renseignement intérieur et l'ont très mal vécu. Les fonctionnaires des RG qui ont eu la chance d'être affectés à la DCRI ont eux aussi essuyé une pointe de dédain de la part de leurs collègues issus de la DST. On pouvait aisément identifier l'origine des uns et des autres au numéro de série figurant sur les badges, et j'ai parfois constaté en prenant l'ascenseur qu'on ne s'adressait pas la parole entre anciens de la DST et ex-RG. Je suppose que, depuis la fusion, le temps a fait son œuvre et que l'atmosphère s'est réchauffée, mais ces comportements ont laissé des traces et sécrété de l'amertume.

La réforme a donc été mal digérée et, pour ma part, je n'ai pas compris pourquoi elle n'était pas arrivée à la DRPP.

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