Intervention de François Pupponi

Réunion du mercredi 4 décembre 2019 à 14h35
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Plus nous progressons dans les auditions, plus je comprends ce qui s'est passé, et plus je suis inquiet. Tout le monde nous dit que le cas de Mickaël Harpon n'a pas été transmis à la hiérarchie : or c'est précisément le problème ! Comment a-t-il pu ne pas remonter ? Voilà un agent qui travaille dans un service de renseignement, confronté à un problème de comportement en raison de son handicap et qui est mal à l'aise. Je ne suis pas un spécialiste de la lutte antiterroriste, mais quand, dans un service de renseignement, il y a un tel maillon faible et potentiellement en difficulté, il devient de fait une cible privilégiée pour l'adversaire : on peut penser raisonnablement qu'il cherchera à l'approcher, à le retourner.

Nous avons donc, au cœur du service de renseignement, une personne en difficulté, qui souffre et dont ses collègues se moquent. En outre, il est antillais ; or les Antillais, que je connais bien, ont en raison notamment du poids de l'histoire, de l'esclavage, une sensibilité à fleur de peau, une susceptibilité particulière. Les services de renseignements doivent avoir connaissance de tout cela. Cet agent, dans la situation que nous venons de décrire, se convertit : comment est-il possible que personne ne s'avise d'aller voir quel imam il fréquente ? Il est pour moi incompréhensible qu'un agent des services de renseignement, en difficulté, se convertisse sans que personne ne vérifie qu'il n'est pas en train d'être retourné ! Si tel avait été le cas, on aurait constaté qu'il fréquentait un imam que les services du renseignement territorial décrivent comme dangereux, manipulateur et capable de retourner les esprits : nous avons eu accès aux rapports effectués par le Renseignement Territorial demandant l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) de cet imam. J'ai eu affaire avec cet individu, je sais de quoi il est capable. Et pourtant, cela ne « tilte » pas. Pourquoi ? Si aucune réponse n'est apportée à cette question, cela peut se reproduire à tout moment.

Ce qui m'intéresse, c'est de comprendre ce qui s'est passé, mais également d'éviter que cela ne recommence. Or là, cela n'a pas « tilté », et à deux reprises : d'abord, la DRPP ne comprend pas que l'un de ses agents est en situation de souffrance et ne réagit pas lorsqu'il se convertit ; ensuite, aucun lien n'est établi entre cet agent et un imam parallèlement identifié comme potentiellement dangereux par le SRT, mais qu'un service du ministère de l'Intérieur décide de ne pas expulser… Voilà un type signalé, condamné pour blanchiment de fraude fiscale, marocain, et sous le coup d'un arrêté d'expulsion : le moins que l'on puisse faire était de le surveiller ! Je me suis renseigné : les prêches qu'il effectuait le matin et le soir, en dehors du vendredi, rassemblaient entre quinze et vingt fidèles. Un service de renseignement ne serait pas capable d'en connaître l'identité ? Cela aurait permis de constater la présence d'un agent d'un service de renseignement. Pourquoi les services de renseignements ne l'ont-ils pas fait ? Pourquoi, lorsqu'un agent d'un service de renseignement se convertit, personne ne s'intéresse à ses fréquentations, comme nous l'ont confirmé le préfet de police et sa directrice du renseignement ? Pourquoi n'existe-t-il pas en la matière une procédure immédiate ? Cela me paraîtrait le b-a ba d'un processus de recherche ? Mais visiblement, ce n'est pas le cas…

La faille est double : premièrement, cet imam n'a pas été suffisamment suivi, alors que nous connaissions sa capacité à retourner les cerveaux ; deuxièmement, un agent d'un service de renseignement se convertit et personne ne songe à vérifier ses fréquentations. Nous devons mettre en place des processus permettant de nous assurer qu'un tel drame ne surviendra plus jamais. Pourquoi dans ces deux cas de figure, aucune action cohérente et coordonnée des services de renseignement n'a été menée afin de surveiller un agent qui se convertit et un imam que l'on dit dangereux, mais que l'on n'a pas voulu expulser ?

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