Intervention de Pierre de Bousquet

Réunion du mercredi 4 décembre 2019 à 16h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Pierre de Bousquet, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme :

En revanche, une conversion à l'islam à laquelle s'ajoute une évolution de la posture, du discours, de la façon de s'habiller et des pratiques cultuelles constitue effectivement un signe. Un autre indice peut être la non-déclaration. À cet égard, dans les services de renseignement, lors des enquêtes précédant le recrutement et l'habilitation, on fait très attention aux déclarations. En effet, quand quelqu'un déclare un élément qui aurait pu, a priori, être perçu comme une faiblesse, celui-ci n'est plus considéré comme tel. À l'inverse, le fait que le même élément ne soit pas déclaré peut devenir un indice de dissimulation et donc un point de vulnérabilité. C'est cet ensemble de choses qu'il faut arriver à traiter et mesurer avec beaucoup de subtilité et de finesse. D'où l'effort considérable qui est fait actuellement, en particulier depuis le 4 octobre : dès le lendemain de l'attaque, tous les services ont regardé plus attentivement ce qui se passait chez eux. D'ailleurs, les services de renseignement ne sont pas les seuls : dans l'ensemble de la fonction publique française, au sens large – car cela vaut aussi pour les collectivités locales –, et même dans les entreprises, les gens se sont sentis concernés. C'est en ce sens que le Président de la République, sur le lieu même de l'attaque, dans la cour de la préfecture de police, a appelé à une « société de vigilance ». Il s'agit non pas d'une société de délation, évidemment, mais d'une société où chacun est invité à être un peu plus attentif et éventuellement, pour les fonctionnaires, à se former. Il existe, désormais, une démarche de formation presque systématique, d'abord dans les services de renseignement et dans les forces de sécurité, mais pas seulement, car les demandes émanent de partout : tous, aussi bien le directeur d'hôpital que le chef d'entreprise ou le chef de gare, disent qu'ils sont prêts à agir, mais qu'ils ne voudraient pas se tromper.

Pour répondre à votre question, madame la députée, la conversion à l'islam n'est donc évidemment pas, par construction, un signe de radicalisation, mais associée à d'autres éléments, elle peut constituer le signe d'une perturbation psychologique. Je ne suis pas en train de dire que le fait de se convertir à l'islam relève en soi de la perturbation mentale – du reste, cela peut être le cas pour n'importe quelle conversion vigoureuse à d'autres religions ou pratiques, et de toute façon il faut y regarder de près. Quoi qu'il en soit, une telle situation doit être déclarée, les services devraient poser systématiquement la question, ce qui n'est pas le cas. Je puis le dire car j'ai vérifié : certaines procédures comportent la question, d'autres non. Il est vrai qu'il y a une sorte de tabou, dans notre pays, s'agissant de la religion : on ne demande pas aux gens s'ils pratiquent une religion, pas davantage d'ailleurs qu'on ne s'enquiert s'ils sont francs-maçons ou s'ils adhèrent à tel ou tel parti politique, toutes choses sur lesquelles on peut pourtant s'interroger.

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