J'entends ce que vous dites, monsieur le préfet, au sujet des signaux faibles et des signaux forts. Est-ce que vous considérez que le fait qu'un membre d'un service de renseignement se convertisse à l'islam constitue un signal faible ou un signal fort ? Depuis le début de nos auditions, je ne comprends pas qu'un service de renseignement, apprenant qu'un de ses agents s'est converti à l'islam, n'aille pas voir quel imam il fréquente. Cela me perturbe beaucoup. C'est encore plus vrai lorsque, de surcroît, l'individu en question rencontre des difficultés personnelles, comme c'était le cas de Mickaël Harpon, visiblement : il peut constituer une proie facile pour nos adversaires, y compris d'autres services de renseignement, susceptibles de le retourner. Pourquoi donc ne s'intéresse-t-on pas aux personnes qu'il rencontre ? Pourquoi ne regarde-t-on pas quelle mosquée, quel imam il fréquente ? En l'espèce, si on l'avait fait, on aurait découvert qu'il fréquentait un imam fiché S. Le signal serait peut-être devenu encore plus fort.
De la même manière, un imam suivi, dont les services de renseignement disent qu'il est dangereux, qu'il peut manipuler des gens, et dont ils demandent l'expulsion – laquelle a d'ailleurs été refusée, pour des motifs que nous n'avons toujours pas compris –, c'est aussi un signal fort. Peut-être faut-il aller vérifier à qui parle cet imam, auprès de qui il prêche. Si on l'avait fait sérieusement, on se serait aperçu qu'il fréquentait, entre autres, un membre du service de renseignement de la préfecture de police.
Je considère pour ma part que, dans les deux cas, il s'agissait de signaux forts : quand un membre d'un service de renseignement se convertit à l'islam, il faut aller voir quel imam il fréquente ; quand un imam radicalisé n'est pas expulsé alors qu'on souhaite le faire, et qu'il continue à prêcher, on doit aller voir auprès de qui. Or, visiblement, les systèmes d'alerte n'ont pas fonctionné. En tout cas, c'est mon sentiment. J'aimerais connaître le vôtre sur ces deux aspects.