Intervention de Pierre de Bousquet

Réunion du mercredi 4 décembre 2019 à 16h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Pierre de Bousquet, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme :

Je partirai de la première idée que vous avez exprimée et de votre allusion à l'UCLAT. La coordination du renseignement, avant sa recréation par le président Macron, n'englobait pas celle de la lutte contre le terrorisme : les deux choses étaient séparées. C'est l'UCLAT qui coordonnait la lutte contre le terrorisme, avec un défaut de conception originel, puisque la coordination n'allait pas plus loin que la police et ne concernait même pas l'ensemble des services de police – car, à ma connaissance, la DGSI ne lui rendait aucun compte. L'UCLAT, de ce point de vue, était mal née pour être la coordonnatrice de la lutte anti-terroriste. En revanche, elle rendait un certain nombre de services en matière de dispositions administratives, par exemple pour déclencher des mesures de gel d'avoirs ou activer le recours à des fichiers comme celui des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Cela, l'UCLAT le faisait très bien. Dès lors qu'une structure de coordination du renseignement élargie à la lutte anti-terroriste a été créée, les choses se sont trouvées simplifiées. Par ailleurs, comme vous le savez, à partir du 1er janvier prochain, l'UCLAT sera rattachée à la direction générale de la sécurité intérieure. Cela permet à tout le moins de dissiper un peu la confusion.

Il est vrai qu'il existe plusieurs structures de coordination, mais chacune a un rôle différent selon le niveau auquel elle intervient, stratégique ou opérationnel. Ainsi, la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, qui se situe à un niveau stratégique et institutionnel, est la seule à jouer ce rôle. Comme je l'ai répété à plusieurs reprises, elle n'a pas de dimension opérationnelle. Je sens votre regret du concept de task force, qui avait été imaginé pendant la campagne présidentielle mais à laquelle il a rapidement été renoncé. J'ai lu que cette task force comprendrait 50 personnes, parfois même 100, 150 et même jusqu'à 170. Or il eût été extrêmement dangereux de construire une structure de lutte anti-terroriste opérationnelle auprès du Président de la République, dont ce n'est pas la fonction dans notre République. Le président Macron, en accord avec tous les acteurs, a donc bien évidemment, avec sagesse, laissé aux ministres la responsabilité des services qui sont placés sous leur autorité. La coordination dont je suis le responsable, qui tient son autorité de son rattachement au Président de la République et au Premier ministre – et aussi, peut-être, de la qualité du travail transversal qu'elle fournit – œuvre au niveau stratégique, voire un peu plus, force est de le reconnaître, du fait des orientations que nous donnons. Par ailleurs, je suis chargé de mettre en œuvre, s'agissant du renseignement et de la lutte anti-terroriste, les décisions du Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN), mais aussi, bien sûr, du Conseil national du renseignement (CNR).

La coordination opérationnelle, quant à elle, est assurée à deux niveaux. D'une part, à un niveau tactique assez large, elle dépend de la DGSI, qui coordonne l'ensemble des services, y compris, pour cet aspect, la DGSE. Il existe un état-major permanent à la DGSI. Tous les quinze jours, une rencontre a lieu entre tous les patrons de la lutte anti-terroriste du pays – la sous-direction anti-terroriste (SDAT), les sous-directions de la DGSE et de la DGSI –, qui étudient les cas précis, dans une perspective opérationnelle. D'autre part, il y a la cellule Allat, dont vous avez dû entendre parler. Il s'agit d'une cellule armée par tous les services de renseignement, qui opère vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, et dont le rôle est de faire du criblage : chaque fois qu'un nom apparaît dans le spectre d'un service, quel qu'il soit – par exemple les douanes ou la DGSE –, il est criblé par tous les autres pour voir s'il provoque un écho quelque part.

Par ailleurs, nous utilisons beaucoup de plateformes, comme cela se fait souvent à l'heure actuelle. Parmi les avancées d'ordre institutionnel enregistrées depuis deux ans et demi en matière de coordination, on peut citer l'élaboration, l'été dernier, d'une nouvelle stratégie nationale du renseignement. La refonte du plan national d'orientation du renseignement est en cours ; elle devrait aboutir durant le premier semestre de l'année prochaine. Un certain nombre de doctrines communes à tous les services ont été élaborées, notamment en matière de lutte anti-terroriste. D'autres évolutions sont nées sous notre impulsion, par exemple la transformation du bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP) en service à compétence nationale, ou encore la création d'un certain nombre de plateformes interservices, désormais opérationnelles. On peut encore citer la création d'une unité de suivi des personnes sortant de prison. Toutes ces initiatives de la coordination nationale du renseignement se traduisent par des articulations nouvelles. Peut-être le paysage est-il un peu confus, ou en tout cas pas encore très lisible pour nos concitoyens, mais tous les acteurs ont, me semble-t-il, une claire conscience de l'endroit où ils se situent, et ils savent à qui ils doivent rendre compte de leur action. Quoi qu'il en soit, nous essayons, jour après jour, de clarifier ce paysage, de le simplifier et de rendre les choses plus opérationnelles et plus efficaces.

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