Intervention de Olivier de Mazières

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 15h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Olivier de Mazières, préfet de police des Bouches-du-Rhône :

Spontanément, j'aurais envie de vous répondre que c'est de la technologique que peuvent naître des avancées, quand bien même il s'agit d'un vœu pieu. Un croisement élargi des fichiers de renseignement mais également de tous les fichiers comportant des informations sur l'identité, l'état civil ou l'activité – je pense notamment aux données de Pôle emploi –, nous permettrait, d'une part, de recueillir très rapidement des renseignements sur des individus susceptibles de nous inquiéter, et, d'autre part, de détecter des failles pouvant être des moyens de pression, par exemple en cas de fraude aux prestations sociales, aux allocations familiales ou aux diverses aides parentales. Pour le dire autrement, une approche plus décomplexée en matière de croisement de fichiers et, d'une manière plus générale, un recours accru aux « nouvelles technologies » qui ne sont plus nouvelles depuis longtemps, nous permettraient d'être un plus efficaces. En effet, les moyens techniques destinés notamment aux écoutes, sont accordés en province avec parcimonie, et le renseignement territorial manque souvent de moyens d'écoute, car il est parfois difficile d'obtenir l'autorisation de Paris de pouvoir « brancher » certains individus. Il n'est pas jusqu'à la police judiciaire qui tire parfois la langue pour obtenir des balises ou des drones, sans parler des IMSI catchers.

Au-delà de ces sujets techniques, qui sont fondamentaux, on peut aussi envisager des améliorations juridiques. Je veux insister ici sur le fait qu'il est essentiel de faciliter le suivi et les sanctions judiciaires, à tout le moins éviter des annulations de sanctions administratives par la justice, grâce à un échange d'informations plus poussé et plus systématique, afin que le juge se prononce en toute connaissance de cause.

Quant aux effectifs, ce n'est pas pour moi un sujet majeur. Le nettoyage et la mise à jour du FSPRT, l'introduction d'une cotation des risques, la répartition assez harmonieuse, en tout cas dans les Bouches-du-Rhône, entre ce qui relève du suivi social et ce qui relève du suivi policier – lesquels se conjuguent parfois –, le travail des cellules d'accompagnement des familles qui ciblent en priorité les signaux faibles, c'est-à-dire des jeunes qui commencent à se radicaliser surtout par provocation et qui sont encore récupérables, pourvu qu'on mène avec eux, dans le cadre associatif et social, un travail pertinent, nous permettent déjà de balayer large. On peut évidemment toujours rêver d'avoir toujours plus d'effectifs pour exercer une surveillance sans relâche, mais les individus de niveau 1, c'est-à-dire les plus inquiétants, sont relativement peu nombreux et suivis, me semble-t-il, de manière relativement efficace, même si on ne peut jamais jurer que personne ne passera au travers des mailles du filet.

Cela m'amène à évoquer la taqiya, c'est-à-dire la dissimulation. Jusqu'à ces derniers mois, j'étais le premier à penser qu'il s'agissait uniquement d'un concept avec lesquels les universitaires se faisaient plaisir et que, dans la réalité, les individus radicalisés avaient plutôt tendance à l'afficher, ou du moins qu'ils étaient faciles à détecter.

Je modèrerais mon jugement aujourd'hui, car les remontées du terrain tendent à montrer que les indicateurs de la radicalisation ont été parfaitement intégrés par les plus jeunes, lycéens ou étudiants, qui savent adapter leur comportement en conséquence pour échapper à notre vigilance. Cette pratique de la dissimulation chez les plus jeunes doit retenir toute notre attention.

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