Intervention de Bernard Squarcini

Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 17h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Bernard Squarcini, ancien directeur central du renseignement intérieur :

J'étais sous l'autorité du directeur général de la police nationale, ainsi que celle de la ministre de l'Intérieur de l'époque – autorité certes un peu plus lointaine, mais tout de même directe –, laquelle s'était fermement opposée à la réforme par voie de presse, dans les colonnes du Monde. Quand vous lisez ça, vous vous dites que vous partez avec un certain handicap, pour parler comme dans le sport : cela ne va pas être simple. Mais ce n'était qu'un des pans de l'une des cinquante réformes décidées dans les six premiers mois par le nouveau Président de la République ; il fallait commencer à mettre en place la partition, essayer de créer une nouvelle culture, y compris au sein des services que je connaissais bien, à savoir la DST et les renseignements généraux. La question de la PP a évidemment été tranchée lors de réunions entre le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, et le préfet de police, Michel Gaudin, assisté par Christian Lambert, son directeur de cabinet, et les discussions ont été assez vives. Loin d'être prête à lâcher une partie de ses attributions, la PP voulait récupérer les départements de la petite couronne. Autrement dit – et cela me permet de répondre par avance à votre seconde question –, l'état d'esprit de la préfecture de police était contraire au nôtre. Elle voulait absorber certains effectifs de la police nationale, à une époque où le personnel devenait une denrée rare, puisque, je vous le rappelle, nous étions en pleine révision générale des politiques publiques (RGPP). Des effectifs étaient mis à la disposition de la PP, mais ils devaient servir également dans les départements de la petite couronne en tant que de besoin : voilà comment la mobilité était envisagée. Or, moi, j'arrivais en disant qu'il me fallait tout le bloc terrorisme. J'étais un nain, c'est évident. Je n'étais pas dans l'état d'esprit de l'époque, même si mon projet s'est trouvé justifié par la suite avec l'évolution de la menace. Quand celle-ci était beaucoup plus simple à appréhender, à anticiper et à traiter, les choses pouvaient rester comme elles étaient, mais il faut désormais être capable de travailler sur des détails. Nous sommes donc sous la contrainte.

Pour en revenir à votre seconde question, par définition, une amélioration du fonctionnement reposera seulement sur des hommes et des femmes, pas sur des structures. J'ai toute confiance en Françoise Bilancini : elle a travaillé sous mes ordres au sein des renseignements généraux, et elle a commencé à bousculer la vieille PP, à modifier les régimes d'habilitation, mais vous ne changez pas cinquante années de fonctionnement en un an. Il y a toute une culture à dépoussiérer, à faire bouger. Surtout, comment peut-on réunir en temps réel, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des états-majors pour assurer la coordination et échanger sur des sujets très précis – surveillances physiques, opérations spéciales, écoutes téléphoniques, rendez-vous, partenariats étrangers, déplacements en province ? Si certains pensent pouvoir le faire, très bien, mais ce n'est pas une science exacte et, comme on a pu le constater lors de certains attentats, le moindre « loupé » a des conséquences très graves. Il y a une obligation de résultats ; ce n'est plus une obligation de moyens.

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