Intervention de Bernard Squarcini

Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 17h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Bernard Squarcini, ancien directeur central du renseignement intérieur :

Absolument. À chaque diagnostic doit correspondre un remède. Il y a des généralistes et des spécialistes, et il faut savoir jouer entre les deux. Si le renseignement territorial reçoit ou découvre une information générale de qualité, celle-ci peut devenir un renseignement opérationnel de qualité après avoir été transmise à la DGSI et traitée par elle. Ensuite, le cas peut être judiciarisé, avec les interpellations et, à la fin, la sanction qui s'impose.

J'en veux pour preuve la manière dont le groupe Action directe a été démantelé. À l'UCLAT, alors dirigée par François Le Mouël – un grand policier de la PJ –, tout le monde était en alerte à cause des assassinats commis par ce groupe, lequel les revendiquait. C'était le jeu du chat et de la souris. Un travail de renseignement était mené, mais l'information décisive fut récoltée par la base de Vitry-aux-Loges. Les gendarmes, venus boire un verre chez des habitants – ils faisaient partie intégrante de la population, cela fait partie de leur travail –, entendent parler de gens un peu bizarres, vivant dans une ferme, dont les voitures avaient des plaques d'immatriculation belges. Le renseignement arrive à la cellule spécialisée, au sein des renseignements généraux, et Serge Savoie, l'un des spécialistes en charge du dossier, se dit qu'il va aller faire un tour là-bas. En effet, il faut vérifier tous les tuyaux – et Dieu sait s'il y en a dans des cas comme celui-là. C'est la même chose, d'ailleurs, au moment des attentats, ou encore de la traque d'Yvan Colonna… Serge Savoie y va donc, avec sa pipe. Au bout d'un moment, il se rend compte qu'il y a là une dame, qui allait se révéler être Nathalie Ménigon, qui achète des graines pour hamster. Connaissant très bien le mode de vie du groupe, il se dit : « Bingo ! C'est gagné. » Après cela, le RAID est intervenu – vous vous souvenez tous des images : il y avait de la neige – et a arrêté tout le monde.

Tout cela pour dire que lorsque vous obtenez la bonne information et que vous la transmettez au bon moment, c'est comme pour une équipe de rugby : vous marquez l'essai. Dieu sait si le maillage territorial est dense : nous avons les maires et secrétaires généraux de mairie, la gendarmerie nationale, la sécurité publique et le renseignement territorial. Cela fonctionne bien, mais cela suppose de la fluidité et de la confiance, car tout le monde ne peut pas faire la même chose.

Quand j'assistais à des réunions avec des services étrangers, en Europe ou aux États-Unis, par exemple, je venais accompagné de mes spécialistes de la direction technique, qui avaient recueilli des renseignements venant de la surveillance, notamment des réseaux sociaux, réalisée par les RT, la PP ou d'autres services. Nous sommes là pour poser les bonnes questions, mais encore faut-il que le renseignement soit centralisé.

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