Intervention de Stéphane Bredin

Réunion du mercredi 19 février 2020 à 16h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Stéphane Bredin, directeur de l'administration pénitentiaire :

Je ne pense pas que l'arsenal juridique soit incomplet. En réalité, les dossiers qui nous ont été signalés et dont nous avons connaissance n'ont jamais justifié que nous allions au-delà des mesures conservatoires que j'évoquais précédemment. Jamais un de ces surveillants n'a, sur son lieu de travail, fait des déclarations ou commis des gestes à ce point inquiétants que l'on puisse directement engager une procédure disciplinaire ou appliquer l'article L. 114-1 du CSI.

Par ailleurs, nous avons été échaudés par le fait que plusieurs tentatives contentieuses n'ont pas abouti. Pour reprendre un exemple médiatique, nous disposons, au sujet de l'aumônier musulman de la prison de Borgo, de renseignements transmis par un service partenaire, sur la base desquels nous lui avons retiré son agrément. À ce propos, il faut souligner que l'intervention en détention des intervenants peut être aussi sensible, à peu de chose près, que celle de nos personnels. S'agissant de cet aumônier, nous avons déjà subi trois échecs au contentieux, d'abord devant le tribunal administratif (TA) de Bastia, puis devant la cour administrative d'appel de Marseille, et à nouveau, puisque nous avons repris une décision après en avoir modifié la motivation, devant le même tribunal de Bastia ; je pense que nous perdrons encore prochainement devant la cour administrative d'appel de Bastia. Je donne cet exemple parce qu'il est à mon avis la meilleure réponse à votre question : le problème ne vient pas d'une insuffisance de moyens juridiques. En l'occurrence, nous disposons de suffisamment d'éléments pour faire peur à l'opinion publique – un aumônier qui a tenu certains propos lors d'une réunion publique à Ajaccio en 2016 et a refusé de serrer la main à des femmes présentes ce jour-là… Toutefois, le juge administratif tient compte du fait que ces éléments sont anciens et figurent uniquement dans une note blanche ; en outre, le dossier est mince, puisque je vous ai presque tout dit de ce que l'on pouvait retenir contre l'individu en question. Ces informations n'ont donc pas suffi à fonder une décision de retrait d'agrément – pourtant réitérée –, d'autant que celle-ci mettait en jeu une liberté fondamentale : le libre exercice du culte en détention. La balance du juge administratif penche du côté de ce principe ; au contentieux, il nous faut présenter des dossiers suffisamment solides pour emporter sa conviction.

C'est une difficulté à laquelle nous nous heurtons assez peu avec les détenus terroristes, qui vont très rarement au contentieux. En revanche, la plupart des décisions que nous avons prises ces dernières années concernant les personnels et les intervenants ont été contestées devant le juge. Par exemple, l'un des quatre surveillants de Marseille a réussi l'été dernier le concours interne de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation ; sur la base des éléments dont je disposais, je lui ai refusé le bénéfice du concours. Nous verrons ce que décide le TA de Marseille, mais l'intéressé présentera sans doute des moyens sérieux. Nous devrons défendre devant le TA le refus du bénéfice du concours à un agent que nous n'avons pas mis à pied – parce que les éléments de son dossier sont eux aussi anciens, n'ont pas été corroborés par des faits nouveaux depuis plus de quatre ans et justifient certes un maintien au FSPRT, mais à un niveau de suivi épisodique. Il est difficile de refuser à quelqu'un le bénéfice d'un concours sur la base d'éléments qui n'ont pas même justifié une mise à pied – sans parler d'une exclusion ou d'une révocation. Je ne suis donc pas convaincu de la nécessité d'inventer des voies de droit nouvelles. Nous sommes régulièrement confrontés à une difficulté pratique – qui concerne même les dix-sept dossiers inscrits au FSPRT : nous ne pouvons pas exciper de faits récents, graves et indubitables et, par conséquent, ne pouvons faire aboutir nos procédures administratives.

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