Intervention de Stéphane Bredin

Réunion du mercredi 19 février 2020 à 16h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Stéphane Bredin, directeur de l'administration pénitentiaire :

On tient compte non seulement des mentions, mais aussi des antécédents qui ressortent au fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) et des éléments qui ne figurent plus au bulletin B2 mais dans un autre fichier de police. Cela représente des milliers de criblages, puisque le concours de surveillant offre 2 400 places et attire 30 000 candidats par an. Le jury met une note éliminatoire à tout candidat présentant un risque. On ne recrute donc plus de personnes ayant ce profil.

S'agissant de votre deuxième question, relative aux outils supplémentaires, le paradoxe n'est qu'apparent. La difficulté à laquelle mes services sont confrontés est l'insuffisance des signalements qui nous sont faits. Les dispositions votées par le législateur et le décret du 30 décembre dernier nous ont permis de disposer d'un service interne doté de véritables pouvoirs d'investigation – je pourrai vous présenter, dans un an, le bilan de son action. Si les profils des surveillants pénitentiaires de Trèbes et de Marseille nous inquiètent, ils ne sont pas prioritaires aux yeux des services partenaires qui en assuraient le suivi jusqu'à présent. Il est donc compréhensible que ce suivi n'ait pas été aussi approfondi que nous l'aurions souhaité. Il a fallu près d'un an et demi pour que nous obtenions les retours de l'enquête judiciaire concernant les deux surveillants de Toulouse suspectés à la suite de l'attentat de Trèbes. Elle n'a d'ailleurs rien donné : il a été établi que ces agents n'étaient en aucune façon liés aux événements et que leur nom était apparu à la suite d'un croisement de fichiers.

Nous avons à présent une capacité d'investigation et avons dégagé, à cette fin, des moyens humains en interne. Nous aurons connaissance, dans les semaines et les mois qui viennent, d'éléments complémentaires dans les dossiers les plus significatifs. Pour l'heure, nous avons peu de poids, juridiquement, parce que les signalements qui nous sont adressés sont très rarement corroborés par un ensemble de faits précis. Nous disposons très rarement de témoignages directs et pouvons encore moins souvent nous appuyer sur des faits récents. Nous en serions réduits à nous présenter devant le juge ou la commission instituée par l'article L. 114‑1 du code de la sécurité intérieure en produisant des éléments qui remontent à trois ou quatre ans, des signalements écrits mais non sourcés et non recoupés, sans témoignage direct. Le problème n'est pas le manque d'un outil juridique, mais le fait que le dossier ne tienne pas. Cela étant, il est possible que nous connaissions, au sein de l'administration, une situation très spécifique. Peut-être d'autres services ont-ils pu mettre au jour des éléments permettant d'engager une procédure disciplinaire ou de saisir la commission de l'article L. 114-1 du CSI. La préfecture de police présentera prochainement un dossier devant cette instance, ce qui nous permettra de voir comment elle élabore sa jurisprudence administrative.

Pour en venir à votre dernière question, il n'y a pas de criblage systématique des intervenants et des associations, pour une raison très simple : le service pénitentiaire fait appel à un nombre considérable d'entre eux. La préfecture réalise une enquête sur chaque intervenant en détention, qui ne s'apparente pas, toutefois, à un rétrocriblage : elle ne saisit pas l'état-major permanent (EMAP) pour opérer un criblage de tous les fichiers des services de renseignement. Nous ciblons les contrôles sur les associations qui interviennent directement au contact des profils sensibles – par exemple, dans un quartier d'évaluation de la radicalisation, de prise en charge de la radicalisation ou au quartier d'isolement de Fleury-Mérogis ou de la maison centrale de Condé-sur-Sarthe.

Par ailleurs, les détenus que nous surveillons particulièrement – pour des faits de terrorisme ou pour cause de radicalisation – ne peuvent entrer directement en contact avec les associations sans la présence indirecte du service pénitentiaire d'insertion et de probation ou, dans les établissements les plus sécurisés, la surveillance de nos personnels.

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