Sur votre première question, je n'ai pas d'avis très tranché. Je n'exclus pas que certains signalements de personnels régaliens soient passés par la plateforme du Numéro vert, mais je devrai le vérifier. Rappeler, dans les services, la nécessité de procéder à tout signalement par la voie hiérarchique me semble suffisant ; je crois assez peu à l'idée d'une plateforme spécifique aux services. Les signaux faibles ont toujours été définis ; le ministre de l'Intérieur a d'ailleurs été injustement critiqué parce qu'il avait osé rappeler un ou deux de ces signes, déterminés depuis qu'en 2014 a été mise en œuvre la politique de suivi de la radicalisation. Ces signaux faibles peuvent parfois choquer ou surprendre quand on les énonce individuellement, mais nous appliquons la théorie du faisceau d'indices. Ces signaux sont connus et, depuis 2014, rappelés régulièrement. Les personnes qui répondent quand on appelle le Numéro vert en ont la liste sous les yeux et les référents radicalisation de toutes les structures les connaissent – notamment ceux qui sont en poste à l'Éducation nationale, où ils jouent un rôle important. Tout cela n'existait pas et nous l'avons créé. Il faut replacer les choses dans le bon ordre en rappelant que la radicalisation n'est pas née quand ces dispositifs ont été créés mais qu'à un moment la volonté politique forte s'est manifestée de suivre le phénomène pour pouvoir l'enrayer si des individus basculent vers la radicalisation violente. Ces signes sont donc connus.
Cela étant, j'ai une légère, et rare, divergence avec le préfet de police à ce sujet car je sais qu'il y a toujours beaucoup plus de signalements dans les périodes post-attentats. Est-ce parce que sont alors portés à connaissance des comportements connus de très longue date ou est-ce parce que l'on est dans une période post-attentat ? Sans doute un peu les deux. En tout cas, le préfet de police vous l'a certainement dit et c'est vrai aussi dans la police nationale, nous constatons une hausse du nombre de signalements depuis le 3 octobre 2019, ce qui ne signifie pas que ce sont des cas de radicalisation avérés ; d'ailleurs, pour la plupart d'entre eux, les investigations conduisent à des levées de doute.
Je considère, je vous l'ai dit, que le vrai problème n'est pas la durée de l'habilitation. Ce qui est indispensable, ce sont les alertes permettant d'effectuer des enquêtes post-habilitation complètes, à charge et à décharge. Quand on a des soupçons, on mène des enquêtes exhaustives qui consistent évidemment à entendre la personne pour lui demander de s'expliquer ainsi que son entourage, et qui peuvent aller jusqu'au recours à des techniques plus intrusives et plus confidentielles. Ces enquêtes sont fondamentales et il ne faut bien sûr pas s'interdire de procéder à des retraits d'habilitation, comme cela s'est produit à la DGSI quand j'en étais le responsable, dans des proportions que je ne donnerai pas.