J'étais le 4 mars avec mon homologue allemand Horst Seehofer. Nous savons que le risque terroriste en Allemagne présente un profil différent. De même, en Israël, le risque terroriste a un profil différent. Je n'y reviens pas.
Ne nous focalisons donc pas sur ce sujet.
Vous évoquez, peut-être avec un peu de brutalité, une forme d'hybridation presque automatique – si je suis bien vos propos, mais je sais votre capacité à être démonstratif – qui ferait que nous passerions très vite de l'islam à l'islam politique, à la radicalisation violente et au terrorisme. Je pense que l'affirmer serait une erreur.
Il n'empêche que l'hybridation en soi existe. Vous avez échangé, vous l'avez rappelé, avec Laurent Nuñez sur le triptyque entre l'islam, la radicalisation et le niveau de radicalisation pouvant conduire au terrorisme. Ce risque existe.
Mais beaucoup de radicalisations violentes se sont aussi faites sans passer par l'écosystème séparatiste. De toute façon, cela ne suffirait pas en soi. Mais c'est un niveau de vigilance.
Ne laissons pas penser que l'islam conduit au terrorisme. Ce serait faux, et tenir un tel discours serait en outre dangereux pour l'équilibre et la paix sociale dans notre pays.
Ce n'est pas le sens de votre propos, mais ne laissons pas penser qu'il pourrait exister un tel mécanisme.
L'islam politique n'est pas compatible avec la République, dites-vous. Il faut définir l'islam politique. Mais je suis d'accord avec vous lorsque l'on considère qu'au nom d'un islam politique la charia serait supérieure aux lois de la République. Et je n'ai aucun problème sur ce sujet.
Vous avez suivi mes différentes expressions. J'ai même en tête le titre d'un papier paru dans Le Monde il y a quelques mois, qui me citait : « Mon adversaire, c'est l'islamisme » . Je nomme donc et je qualifie les choses. Mais je veille à bien considérer qu'il n'existe pas d'hybridation automatique entre le choix ou la culture de l'islam et le terrorisme. C'est un terreau qui peut amener au terrorisme. Telle est la logique de l'hybridation qui a été présentée par certains auteurs, notamment Hugo Micheron dans de récents travaux, ou Gilles Kepel dans des publications plus anciennes.
Les travaux de ces auteurs montrent également que ce phénomène n'est pas nouveau. Les travaux d'Hugo Micheron établissent que ce terreau fertile s'est construit entre 2005 et 2012, et que nous avons, selon les camps politiques – j'étais à l'époque au parti socialiste – trop souvent fermé les yeux sur ce sujet.
Il faut mener ce débat. Et je crois que nous le faisons. Le Président de la République a posé un cadre il y a quelques jours à Mulhouse ; il s'exprimera à nouveau.
Pour ce qui me concerne, j'ouvre aussi ce débat.
Il n'existe donc pas d'automaticité de l'hybridation, mais le risque existe. Et cela doit nous amener à des niveaux de contrôle supplémentaires pour l'ensemble des métiers sensibles. Et ils existent ! Ainsi, la montée en puissance du service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) garantit que les plateformes aéroportuaires, les centrales nucléaires, les transports – au-delà donc des métiers sensibles comme ceux de la police et du renseignement – font l'objet d'un criblage. Nous pourrons y revenir ou je pourrai documenter la conclusion de vos travaux.
Il est indispensable que l'on prenne en compte tous ces métiers, qui sont potentiellement des métiers à risque par l'usage que l'on pourrait faire d'un train, par exemple. Mais il ne s'agit pas non plus de dire que l'on doit faire l'objet d'un contrôle attentif parce que l'on est pratiquant de l'islam. Ce n'est pas un signe de radicalisation que d'être musulman.