Intervention de François Pupponi

Réunion du jeudi 5 mars 2020 à 11h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Monsieur le ministre, je n'ai aucun doute quant à votre engagement. Je pense d'ailleurs – et je le dis avec beaucoup de sincérité – que vous êtes l'un des ministres qui en ont fait le plus sur ce sujet. Il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus à mes yeux.

J'ai posé systématiquement la même question à tous les responsables de services de renseignement que nous avons auditionnés : que faites-vous si vous apprenez qu'un de vos agents s'est converti à l'islam ? La DGSE et la DGSI ont toutes deux répondu qu'elles écartaient cet agent du service et menaient une enquête. Elles ne prennent pas de risque. La DGSE nous a même dit qu'elle avait agi de la même façon lorsque l'un des membres de ses services s'était marié avec une femme d'un pays étranger avec lequel nous n'avons pas forcément de bonnes relations.

Or quand j'ai posé cette question à la DRPP, la réaction a été très différente. Elle tendait à minorer l'importance d'une telle conversion. Mais nous parlons bien de services de renseignement !

Attention, il est évident que le fait de se convertir n'est pas un problème en soi pour un fonctionnaire. Mais nous parlons ici d'agents travaillant au cœur d'un service de renseignement – où, selon certains responsables, on ne doit pas prendre de risque, l'individu concerné pouvant se faire « retourner » par un service de renseignement étranger ou par nos adversaires.

Nous avons donc bien vu qu'il existait une différence d'appréciation des signaux faibles et des signaux forts et une différence d'attitude entre la DRPP et les autres services de renseignement.

Sincèrement – et nous en parlions encore le 4 mars lorsque nous avons fait le point du travail de notre commission d'enquête –, les hauts responsables de ce service nous ont paru complètement déstabilisés. J'ai trouvé notamment la directrice du service touchée au plus profond d'elle-même. Et je ne suis pas sûr d'ailleurs que la laisser en poste lui rende service – je le dis en aparté, avec beaucoup de respect. Pour l'avoir vue et avoir discuté avec elle, je pense que cette femme est en souffrance car elle est confrontée à une situation inimaginable.

Je crois donc que la DRPP a eu une façon un peu différente de voir les choses. Dans un service de renseignement aussi éminent, je pense qu'il n'aurait pas fallu prendre de risque.

La deuxième question que j'ai posée à tous était la suivante : vous apprenez que cet individu s'est converti, allez-vous au moins voir où il pratique sa religion ? Réponse de la DGSI : bien entendu, nous allons voir ce qu'il se passe, et nous menons une enquête pour découvrir les raisons de sa conversion – s'il s'agit d'une conversion personnelle, c'est son choix ; s'il s'est converti après avoir été approché par des réseaux salafistes, nous faisons attention.

Si un minimum de recherches avait été conduit une fois connue la conversion de Mickaël Harpon, on aurait découvert qu'il écoutait prêcher matin et soir un imam fiché S ! Pour un agent d'un service de renseignement, ce n'est pas anodin !

Les dysfonctionnements tiennent aussi à tout cela.

Se pose tout d'abord le problème de la conversion que l'on met de côté, alors qu'il s'agit de la conversion d'un agent d'un service de renseignement.

Et si l'on ajoute à cela que Mickaël Harpon était justement, en raison de son handicap, dans une situation de fragilité, l'on comprend qu'il pouvait faire partie des agents susceptibles d'être « retournés » facilement.

Je comprends le trouble, le traumatisme. Ce qui s'est passé est catastrophique. Mais j'ai eu le sentiment que les hauts fonctionnaires de la préfecture de police et du ministère de l'Intérieur n'en ont pas forcément bien pris la mesure… Ils nous ont tous expliqué qu'ils ont bien fait, bien tout compris, depuis lors. Sûrement ! Mais il sera peut-être nécessaire de prendre un peu de recul – et ce sera votre responsabilité, monsieur le ministre – sans forcément demander leur avis à ceux qui sont en poste. Car ils expliqueront sans doute que tout va bien et que cela ne se reproduira jamais plus.

C'est pourquoi la réforme de la DRPP sera, à mon sens, fondamentale. J'ai bien compris en les auditionnant que les hauts responsables n'en voulaient pas. Mais je ne suis pas certain que le fait de sortir d'un tel événement en disant que l'on continue comme avant, que l'on a compris et que l'on a changé constitue réellement une bonne solution. Mais c'est un avis purement personnel.

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