Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 5 mars 2020 à 11h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

Je ne suis donc pas favorable à une mise à l'écart automatique.

En revanche, le choix, non d'une conversion à l'islam, mais d'une conversion à une religion ou un lien plus fort avec un pays étranger constituent des signaux d'alerte et des indicateurs importants, qui doivent permettre immédiatement, en urgence, de déclencher une enquête – et ce à quelque niveau que ce soit.

Il faut ensuite que des gens formés, qui ne sont ni le ministre ni le secrétaire d'État, soient en capacité de faire le lien entre les différents signaux forts et les différents signaux faibles.

Je reviens sur la mosquée de Gonesse.

Il ne m'appartient pas de décider quelles sont les bonnes et les mauvaises mosquées. Mais, nous le savons, nos services de renseignement suivent ces sujets.

Je le dis : en dehors de l'emballement médiatique, la mosquée de Gonesse n'a jamais été considérée comme une mosquée salafiste. Que les choses soient claires ! Cette mosquée n'a jamais été identifiée comme telle et n'est toujours pas identifiée comme telle par nos services.

En son sein se trouve un homme, l'imam Ahmed Hilali. Je n'ai aucune envie de le défendre ! D'abord, je ne le connais pas, et ce que j'ai pu lire de lui ne me donne pas spontanément un sentiment de sympathie à son endroit. Mais je n'ai pas non plus envie de le condamner sur la base de ce que nous aurions pu lire dans la presse.

Cette personne n'est pas concernée par l'enquête. Elle a été entendue ; elle n'a pas été ni mise en cause, ni mise en examen.

Il n'existe donc pas de lien entre la radicalisation, qui sera peut-être avérée dans le cadre de l'enquête, de Mickaël Harpon et le fait qu'il aurait à un certain moment fréquenté cet imam.

Attention à ne pas penser que ce qui est dans la presse devient forcément une réalité !

Cette mosquée est connue, on y pratique l'islam… Tel est le niveau d'information que nous avons. Ensuite, elle est libre dans sa gestion. Il n'appartient pas au ministre de l'Intérieur de décider qui peut professer en son sein. Et le conseil d'administration de l'association a décidé de maintenir l'imam susmentionné en activité.

La question de la non-exécution de l'OQTF dont cet imam avait fait l'objet à un moment donné a été soulevée plus haut.

Je ne voudrais pas entrer dans tout le sujet, là aussi très personnel, de l'imam de Gonesse. Mais je sais que cette personne a été très longuement entendue devant une commission du titre de séjour composée notamment d'élus de la République et présidée par une sénatrice du Val-d'Oise appartenant au groupe Les Républicains, Mme Eustache-Brinio, connue pour être assez sévère sur ces sujets.

J'ai le compte rendu de l'entretien, durant lequel la présidente de la commission est entrée en détail dans l'ensemble de son parcours.

Vous le savez, cette commission ne se réunit pas pour tous les cas, mais lorsque les services de l'État ont un doute, et font alors appel à des femmes et des hommes d'expérience.

Or, le 14 juin 2019, il a été décidé par cette commission, par les responsables qui y siégeaient et qui ont la charge d'éclairer le préfet, d'accorder à cet imam un titre de séjour. J'ai sous les yeux la conclusion : « Après un long échange avec monsieur et son avocat, après avoir longuement questionné monsieur, avis favorable pour l'émission d'un titre d'un an – voir détails de l'audition. »

Là aussi, je refuse la chasse individuelle aux sorcières. Oui, cet individu a été mis en cause par les médias. Il a été entendu dans le cadre de l'enquête conduite sur l'attentat du 3 octobre. Et il a été mis hors de cause.

Il dispose aujourd'hui d'un titre de séjour qui a fait l'objet d'une décision d'une commission que le préfet a suivie. Attention à ne pas généraliser.

Même si cette information avait été étudiée par nos services, j'ai le sentiment que nous n'aurions pas considéré le fait que Mickaël Harpon aille dans cette mosquée comme un signe de radicalisation : ce n'est pas une mosquée identifiée comme abritant des discours et des appels à la haine contre la République.

Il est important d'avoir cela en tête. Certes, c'était un indice supplémentaire et le fait qu'il était converti aurait dû remonter, pour qu'il y ait un examen précis. Mais attention à ne pas faire de lien automatique. J'espère être clair. Je n'apporte aucun soutien à l'imam dont je viens de parler, ce n'est pas mon propos, mais nous ne pouvons considérer qu'il y aurait une automaticité dans l'exclusion d'un système.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.