Au-delà des termes utilisés, le concept One Health n'apporte pas, en lui-même, de grandes nouveautés. À mon sens, ce sont avant tout les mentalités qui doivent changer. Pour rappel, la Covid-19 provient de réservoirs animaux. Or la gestion d'une maladie animale n'est pas sans rapport avec son transfert chez l'Homme. La prévention, sur ce plan, passe notamment par la médecine vétérinaire et la prévention au sein des élevages.
Malheureusement, dans les faits, les différents acteurs travaillent tous de manière isolée. À titre d'illustration, les laboratoires de référence dédiés à la santé animale et à la sécurité des aliments sont à l'ANSES. S'agissant des maladies humaines, comme la rage par exemple, l'Institut Pasteur joue le rôle de laboratoire de référence.
Chaque année, les laboratoires de référence dédiés aux maladies humaines et les laboratoires de référence dédiés à la santé animale et à la sécurité des aliments se réunissent. S'ils saisissent cette opportunité pour dialoguer, il n'en demeure pas moins qu'ils appartiennent à des communautés isolées. Il est donc primordial de rapprocher ces dernières. Dans la crise sanitaire actuelle, les laboratoires vétérinaires ont su se mobiliser pour produire des réactifs, ce qui ne tombait pas sous le sens jusqu'à présent. En effet, les laboratoires pharmaceutiques en santé humaine utilisent des référentiels différents, même si les compétences sont les mêmes.
Le concept One Health doit avant tout être porteur de changements à cet égard. L'agence européenne dédiée aux crises sanitaires (European Center for Disease Prevention and Control ECDC) a pour objectif de renforcer la dimension One Health, dans la gestion des crises. Il est primordial de veiller à ce qu'il y ait une articulation entre les agences d'expertise et d'évaluation des risques, en charge du traitement des crises, et les centres de recherche, articulation permettant de surmonter la séparation des communautés.
Par ailleurs, l'ANSES s'appuie sur 1 400 personnes et une trentaine de comités d'experts spécialisés (qualité de l'air, santé animale, etc.). Elle est soumise aux attentes extrêmement fortes de ses ministères de tutelle et de la société civile, en ce sens qu'elle a vocation à éclairer les politiques publiques et à protéger la population. Elle est organisée pour traiter des sujets très divers. Bien évidemment, cette démarche présente quelques limites, ses ressources financières, humaines et intellectuelles n'étant pas illimitées.
L'ANSES est l'une des quinze grandes agences mondiales qui produisent des expertises de référence. La priorisation des sujets constitue un exercice complexe. Si les nouvelles demandes sont nombreuses, aucune demande, en parallèle, ne s'éteint jamais. À titre d'exemple, l'ANSES a mené des travaux sur les LED et la lumière bleue : il n'en demeure pas moins que cette problématique demeure. Aussi les expertises doivent-elles être actualisées régulièrement.
La démarche de priorisation de l'ANSES repose d'abord sur la fixation de son programme de travail. Ce dernier est soumis à l'approbation du conseil d'administration chaque année. Dans ce cadre, des conseils d'orientation thématiques sont réunis : toutes les parties prenantes – ONG, associations, interprofessions – y participent. Ces instances sont l'occasion de faire le bilan de l'année écoulée, d'exposer les priorités identifiées et de recueillir les attentes des parties prenantes. Le programme de travail est arrêté sur cette base, en vue de sa présentation, en novembre, aux parties prenantes et aux ministères de tutelle, et avant son vote en conseil d'administration.
En pratique, la programmation n'est jamais totalement respectée. Chaque année, elle ne prévoyait pas de 20 % à 30 % des saisines de l'ANSES. À titre d'exemple, l'incendie du site Lubrizol a suscité pas moins de dix saisines, auxquelles il a fallu répondre en urgence. Dans la crise Covid-19, l'ANSES a rendu plus de dix avis en urgence, portant, par exemple, sur le traitement des eaux usées, les masques ou la transmission par les animaux domestiques.
En complément, l'agence doit régulièrement composer avec de nouvelles missions. Citons, à titre d'exemple, l'élaboration des tableaux de maladie professionnelle, la surveillance des produits du tabac et du vapotage ou les biotechnologies.