Intervention de Béatrice Buguet

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Béatrice Buguet, inspectrice générale des affaires sociales :

Les différents exemples que j'ai cités illustrent le fait que la décision ne se situe pas à un seul niveau. Pour autant, la volonté politique peut être motivée par différentes dimensions : la dimension éthique et l'attachement à la vie et la santé humaine, qui est quand même un point assez commun entre les différents gouvernants, quelle que soit leur orientation politique ; la dimension financière ; la dimension juridique et de responsabilité, que les gouvernants perçoivent sans doute de plus en plus. La préservation de la santé et l'absence éventuelle d'actions devant des facteurs de nocivité majeurs engagent des responsabilités. Un rapport rendu par différentes inspections générales sur les produits phytosanitaires a montré que la mise en cause de la responsabilité pour non-action était pertinente dans ce domaine.

En septembre 2018, le Président de la République s'est rendu en Martinique et a déclaré que « l'État prendra sa part de responsabilité et avancera dans le chemin de la réparation, au sujet du scandale environnemental lié au pesticide chlordécone, fruit d'un aveuglement collectif ». Or la chlordécone, qui est un pesticide organochloré, polluant organique persistant, est un perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique. Elle a été classée cancérogène possible dès 1979 par l'OMS. En France, une interdiction a été prononcée à deux reprises par la commission des toxiques en agriculture, mais l'autorisation d'utiliser la chlordécone dans les Antilles françaises a été accordée en 1972, à titre provisoire, puis renouvelée. Dans le même temps, en 1976, la même substance était interdite aux États-Unis. Dans les Antilles françaises, les dérogations successives qui ont fait échec à l'interdiction ont duré jusqu'en 1993. Nous n'étions pas dans l'ignorance, mais dans les dérogations successives. Je vous laisse faire des parallèles avec d'autres sujets, si vous le souhaitez.

En tout état de cause, les données ne sont pas toujours disponibles. Parmi les risques, certains ne sont pas suspectés. Il n'est donc pas possible d'agir contre eux. Les risques suspectés entrent quant à eux dans le champ du principe de précaution. Il s'agissait en l'occurrence d'un risque avéré, pour lequel le principe de prévention devait s'appliquer. Nous sommes désormais dans le principe de réparation. En réalité, les données sont présentes. Pour cette raison, il est particulièrement important, non pas d'attendre un hypothétique portail disponible dans dix ans, mais de se dépêcher de le mettre en place, de souligner le grand intérêt des portails ponctuels existants ou en cours de création, sous tel ou tel support et d'arriver à trouver un support, porté par le GSE ou d'une autre manière, permettant l'interopérabilité des données et la connaissance publique des données.

Dans le cas de l'amiante, de décision repoussée en décision repoussée, c'est un lanceur d'alerte qui a finalement provoqué le « scandale de l'amiante ». En réalité, entre le moment où le premier tableau de maladie professionnelle a été publié et celui où l'interdiction a été prononcée, près de cinquante ans se sont écoulés. Aucune raison ne justifie que dans notre société, qui est une société de l'information, ces données ne soient pas réellement prises en compte. Nous disposons des outils nécessaires, au moins virtuellement. Il importe de les rassembler et de les mettre en valeur.

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