Il est possible de faire des choses simples et, heureusement, certains ont déjà commencé. Je mentionnerai l'initiative de l'Observatoire régional de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes, qui a travaillé avec un bureau d'études public dépendant du ministère de la transition écologique, le CEREMA. Ensemble, ils ont repéré plus de 250 bassins de vie dans cette région et ont compilé toutes les données, bassin de vie par bassin de vie, qu'elles soient environnementales ou épidémiologiques. Ils les ont comparées. Cela a permis, dans chaque bassin de vie, de repérer les priorités d'intervention. Dans la vallée de l'Arve, en lien avec la pollution de l'air par les poids lourds et les cheminées à foyer ouvert, les maladies respiratoires sont très importantes. La situation est différente dans le vieux Lyon, où le saturnisme et les problèmes d'humidité et de pollution de l'air intérieur constituent la priorité. Il suffit d'utiliser les données disponibles et de les mettre en forme. Arrêtons de dire qu'il faut créer une plateforme complexe, interopérable, qui coûtera cher et nécessitera dix ans. Mettons-nous au travail dès à présent. Ce constat nous a conduits à recommander, dans notre rapport, de mettre en place un observatoire national de la santé-environnement, afin d'assurer l'interopérabilité des données et constituer un portail participatif assurant la visibilité des enjeux sanitaires et de leurs impacts territorialisés. Il s'agit d'un point-clé. Comment mener une politique publique sans disposer du moindre indicateur ? Comment faire de la recherche sans accéder aux données ?
Je ferai deux ajouts en ce qui concerne les enjeux. Il est souvent question de la qualité de l'eau. Lorsque j'étais à la Banque Mondiale, nous avons beaucoup travaillé sur l'eau. J'appris que la priorité n'était pas la qualité de l'eau, mais sa quantité. Sans eau, vous ne pouvez pas laver les légumes ou vous laver. Vous êtes dans une absence totale d'hygiène. J'insiste sur ce point, en faisant le lien avec le changement climatique. Je suis un Provençal et je sais que l'eau de Marseille provient en totalité de la Durance. Nous pourrions également parler de Lyon ou Grenoble, où les rivières sont en régime nival, c'est-à-dire qu'en été, l'eau provient de la fonte des neiges. Or Météo France prévoit que dans dix à quinze ans, la neige sera absente au-dessous de 2 500 mètres. Dois-je évoquer la fonte des glaciers ? En clair, la question de la quantité d'eau et de son lien avec la santé est aujourd'hui complètement oubliée.
J'ai en outre évoqué rapidement l'antibiorésistance. J'ai entendu les médecins avec lesquels j'ai travaillé sur le rapport du docteur Jean Carlet de 2015, à propos de l'antibiorésistance. Selon eux, on assiste aujourd'hui à une montée exponentielle de décès dus au fait que les patients ne peuvent plus être traités, car ils sont antibiorésistants. Ces décès sont de l'ordre de 13 000 par an. Peuvent-ils être considérés comme des décès liés à l'environnement ? Pour partie. Au-delà de la surprescription médicale et vétérinaire, j'ai appris des chercheurs et des médecins l'existence de résistances croisées. En utilisant des biocides comme les pesticides ou les bactéricides que vous mettez dans vos toilettes, vous provoquez une réaction du vivant et l'émergence de bactéries résistantes à ces biocides, qui sont aussi antibiorésistantes. Il s'agit d'un problème de santé publique majeur. Sans antibiotiques, comment traiter les infections et les maladies infectieuses ?
Abordons à présent la question de la gouvernance, en commençant par la science.