Intervention de Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin, directrice scientifique environnement, agronomie, écologie, sciences du système terre et de l'univers à la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) :

Les programmes prioritaires de recherche sont dotés d'une gouvernance et d'un comité de pilotage, lequel rassemble, autour des services du Premier ministre, les ministères les plus concernés. Ces comités de pilotage se réunissent au minimum une fois par an et bénéficient d'un suivi très régulier. Chaque plan de prévention des risques a ses spécificités. Il ne s'agit toutefois pas d'un programme de développement auquel on assignerait un objectif technologique. Ce ne sont pas non plus des revues de projets au sens où l'on irait vérifier que l'objectif technologique attendu est bien atteint au bout d'un certain nombre d'années. Par essence, ce sont des programmes de recherche, souvent très ambitieuse, parfois très fondamentale, qu'il est impossible de programmer ainsi.

Le PPR « Cultiver et protéger autrement » ne permet pas d'anticiper à court terme les résultats de ces études. L'un des axes majeurs de ce programme est d'étudier le microbiome des plantes afin de trouver des pistes qui permettraient de se passer des pesticides. En schématisant, cela revient à trouver l'Actimel du microbiome du blé ! Ce PPR ne s'inscrit pas dans une logique de continuité comme cela est le cas du programme Écophyto, pour lequel il existe des développements technologiques et des laboratoires partagés. Nous sommes au contraire dans une logique de rupture et faisons le pari de changer de regard. Les sciences qui permettent de se passer de pesticides ne sont pas celles qui permettent d'optimiser l'usage des pesticides. Ce sont des concepts différents. On part sur autre chose et on s'attaque à l'Everest ! Je ne suis pas en mesure d'assigner des jalons à ce type de recherche, mais en revanche, nous avons un comité de pilotage qui se réunit très régulièrement. Cela nous permet de réorienter les choses si besoin. Si l'Everest est trop difficile à attaquer par une face, nous fermons cette voie et envisageons l'ascension différemment.

Nous représentons le ministère la recherche et la voix que je porte est celle des scientifiques. Ce n'est pas le politique qui décide à partir des connaissances. Notre rôle est de l'éclairer avec les meilleures connaissances contemporaines possible et grâce aux enseignements que nous avons pu tirer des historiques. Nous constatons les effets a posteriori. Si l'on n'entend plus les oiseaux au printemps, c'est parce qu'il y a eu du DDT plusieurs saisons auparavant et que sa présence a fragilisé les coquilles. C'est ainsi que l'on tire le fil et que l'on parvient à comprendre. Malheureusement, je n'ai pas d'exemple simple à vous communiquer. Je crois que l'histoire de l'humanité a conduit l'espèce humaine à avoir cette emprise extraordinaire sur l'environnement, ce succès évolutif phénoménal que nulle autre espèce n'a égalé. C'est peut-être sa chance – ou sa tragédie – d'être capable de décrypter les effets de son emprise sur les contributions de la nature.

En revanche, le corpus de connaissances acquis par l'écotoxicologie et par la santé a permis à l'Europe de se doter du règlement REACH. Désormais, pour mettre une nouvelle molécule sur le marché, on doit avoir établi, à l'issue d'une évaluation des risques, son innocuité ou une altération réduite des espèces. Ensuite, politiquement et collégialement, on peut décider d'accepter ce risque et de mettre la substance sur le marché. Le règlement REACH a permis de concrétiser cette approche où nous connaissons le risque et allons vérifier si nous n'avons pas minimisé les effets induits.

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