Intervention de Olivier Toma

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Olivier Toma, porte-parole du Comité pour le développement durable en santé :

Sur le sujet de la culture, je pense que nous ne sommes en fait pas dans le monde de la santé mais dans le monde de la maladie. Le système, tel qu'il existe aujourd'hui, est basé sur le fait que plus il existe de malades, plus tout le monde gagne de l'argent. C'est très direct mais c'est terrible. En fait, qui a intérêt à agir ? Ce sont les lobbys organisés. Nous avons donc un problème de culture parce que nous ne sommes pas dans une culture de l'anticipation et de la prévention dès le premier âge. Par exemple, dans certaines régions dans les Outre-mer, nous sommes à 30 % de population diabétique. Où est la culture de l'éducation à la nutrition ? En voyant ce que mangent les enfants dans certaines régions, nous pouvons être très inquiets sur leur état de santé dans les années à venir.

Nous avons, voilà dix ans, fait une expérimentation à l'échelle d'une ville, à Béziers. Nous avons dépisté, avec l'hôpital, l'assurance-maladie et la maternité privée, l'amblyopie, qui est une myopie d'un œil chez les nouveau-nés. Elle se détecte à neuf mois et non à la naissance comme la surdité. Nous avions lu dans la presse que 14 enfants sur 1 000 naissaient amblyopes dans le monde et nous avons fait un test à l'échelle de la ville. Nous avons trouvé exactement ce chiffre à Béziers. Sur 3 000 naissances, une trentaine d'enfants étaient amblyopes. Le dépistage de l'amblyopie coûte 30 euros et n'est pas organisé dans le pays. Cela signifie que, si nous investissions 30 euros par naissance à neuf mois, à multiplier par 700 000 naissances par an, nous dépisterions 14 enfants sur 1 000, ce qui leur éviterait d'avoir toute leur vie des problèmes de lunettes. Lorsqu'un enfant n'a pas été dépisté, il ne sait pas lire en CP, il a des troubles de l'équilibre et cela enclenche quantité de problématiques dans sa vie. J'ai été reçu par le ministre chargé de la santé pour présenter ces résultats, avec le directeur de la sécurité sociale et le directeur général de l'offre de soins. Nous avions proposé de rendre systématique ce dépistage de l'amblyopie à neuf mois. La réponse a été : qu'est-ce que cela nous rapporte à court terme pour les présidentielles ? J'ai prêté serment et j'insiste là-dessus. C'est la réponse qui nous a été faite à l'époque. Dix ans plus tard, le dépistage de l'amblyopie n'existe toujours pas et, chaque année, 14 enfants sur 1 000 naissent amblyopes et auront des lunettes toute leur vie. Pourquoi n'avons-nous pas cette culture ? Je ne peux pas vous répondre. Ce n'est pas dans la politique française de santé.

Je passe à la sensibilisation et à la formation. Les professionnels français de santé ne sont pas formés à la santé environnementale, à la RSE et au développement durable, ni en formation initiale ni en formation continue. Cela fait plus de quinze ans que nous en parlons et que, là non plus, nous n'avons pas d'interlocuteur, quels que soient les partis politiques au pouvoir. Aujourd'hui, si une femme enceinte ou une jeune mère veut avoir des informations sur ce qu'elle peut manger, boire, mettre sur sa peau ou sur la façon d'alimenter son nouveau-né, elle ne s'adresse pas à son gynécologue, son pédiatre ou sa sage-femme. Elle s'informe sur Google ou Yuka. Lors d'audits ou d'accompagnements, à la question « Êtes-vous formé pour vendre des produits sans perturbateurs endocriniens ? », certains pharmaciens me répondent « Oui, nous avons téléchargé Yuka pour nos collaborateurs. » C'est aujourd'hui la réponse en France, alors que nous ne savons pas qui est derrière Yuka et que ce n'est pas cohérent, car les applications de ce type ne prennent pas en compte la nature du contenant et du contenu. Nous avons des problèmes à cause des contenants, et c'est la raison pour laquelle nous retrouvons dans des laits infantiles des nanoparticules, des phtalates et des benzènes qui sont présents dans les contenants.

Nous avons donc un problème de formation majeur. Nous ne pouvons pas en vouloir aux professionnels de santé de ne pas être formés. Certains établissements ont décidé de mettre en place des plans de formation, mais cela dépend des gérants. C'est lié à la volonté d'un homme ou d'une femme qui a conscience du problème. Notons qu'ils n'ont pas toujours le budget pour le faire. Chacun fait comme il peut, et c'est dommage. Il suffirait, encore une fois, que ces actions soient structurées et pilotées pour que les résultats soient très rapides.

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