Intervention de Olivier Toma

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Olivier Toma, porte-parole du Comité pour le développement durable en santé :

J'aurais du mal à ne vous donner que deux priorités. C'est un exercice compliqué.

La première priorité, à mon sens, est d'avancer vers la suppression de l'exposition aux perturbateurs endocriniens des enfants, dans le monde de la santé, dans les écoles, les crèches et les maternelles. Nous sommes actuellement en contact avec les perturbateurs endocriniens de quatre manières : dans ce que nous mangeons, dans ce que nous buvons, dans ce que nous mettons sur la peau et dans ce que nous respirons. Cela signifie qu'il faut parler de la qualité de l'air intérieur, de la qualité sanitaire des matériaux de construction, de la problématique des cosmétiques. Celle-ci qui est large, puisqu'elle concerne même les cosmétiques spécifiques pour les mamelons des mamans allaitantes – nous sommes à la limite du complément alimentaire. Dans ces produits qu'un enfant ingère quasiment huit fois par jour se trouvent des allergènes, des perturbateurs endocriniens, de tout !

Je vous ai apporté des documents très intéressants sur des cosmétiques pour fillettes. Ces produits ne sont soumis à aucune autorisation de mise sur le marché. Il existe des gels intimes, des lingettes intimes pour petites filles à partir de deux ans, des déodorants pour garçonnets. Nous en avons fait l'analyse, nous avons décortiqué les compositions. Il faut que nous travaillions à exiger des autorisations de mise sur le marché pour ces produits. Ce n'est pas normal de pouvoir mettre sur les muqueuses d'un enfant de tels produits qui contiennent 6, 7, 8, 9 ou 10 substances suspectées de toxicité. Le ministère chargé de la santé dispose de ces documents, je vous ai apporté tous les courriers que nous lui avons adressés.

L'impact des perturbateurs endocriniens est aussi présent dans l'alimentation des enfants. Comment se fait-il que le plastique à usage unique soit interdit en restauration collective pour les adultes depuis la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) mais que les biberons à usage unique des maternités soient tous en plastique ? L'année dernière, 9 millions de nourrettes, de collerettes et de tétines ont été jetées alors que, il y a quelques années, ces biberons jetables étaient en verre et bénéficiaient de circuits de revalorisation. Les industriels se sont entendus pour passer au plastique, et ce plastique contient des perturbateurs endocriniens qui migrent dans les laits infantiles. Nous avons les éléments de preuve à ce sujet, et nous les avons adressés aux ministères chargés de l'environnement et de la santé et à la DGCCRF il y a déjà deux ans.

Nous respirons également ces perturbateurs endocriniens à cause des matériaux de construction ou de rénovation qui émettent des composés organiques volatils. Pourquoi les faux plafonds français émettent-ils du formaldéhyde ? Pourquoi n'existe-t-il pas d'autorisation de mise sur le marché pour ces produits, qui composent nos crèches, nos écoles, nos maternités ?

L'une des premières priorités doit être de réduire l'exposition des Français aux perturbateurs endocriniens. Ils sont nombreux et identifiés et les règles sont connues. Ce n'est pas la dose qui fait le poison mais la récurrence dans le temps de doses infinitésimales. Pourtant, j'ai des dizaines de courriers de personnes qui expliquent respecter les seuils prévus dans les textes, qui manquent donc le sujet.

Le plus incroyable provient du centre de transfusion sanguine : les poches de recueil de produits sanguins contiennent des phtalates. Pour celui qui reçoit le sang, lorsque cela lui sauve la vie, il est évident que les phtalates sont une question annexe mais cela me gêne plus pour les donneurs de plasma. Je suis donneur de sang et il m'a été proposé de donner du plasma. J'ai accepté, sous réserve que les poches ne soient pas à base de phtalates. Le centre de transfusion sanguine répond que, à chaque fois que quelqu'un donne du plasma et que ses globules lui sont réinjectés, ce donneur reçoit une dose de phtalates. C'est connu. J'ai été reçu par la direction de l'Établissement français du sang qui dit ne pas avoir le choix parce que les industriels n'ont pas de poche sans phtalate. Où sont la recherche et le développement ? C'est cela qu'il faut accélérer avec le plan de relance.

Pour la deuxième priorité, j'ai beaucoup de mal à répondre. C'est peut-être la réduction des résidus de médicaments dans l'eau et l'application de l'indice persistance, bioaccumulation, toxicité (PBT) pour prescrire les médicaments les moins polluants pour la santé humaine et l'environnement, sujet qui appelle une sensibilisation et une formation des professionnels.

Par exemple, la chimiothérapie est interdite en ambulatoire en médecine vétérinaire depuis 2008, par décret, alors que la chimiothérapie en médecine humaine est développée à 80 % en ambulatoire, bientôt à domicile. Il n'existe plus de chimiothérapie hospitalière. Auparavant, lorsque les patients étaient hospitalisés, il était possible de traiter les excrétats qui contiennent des cytotoxiques extrêmement dangereux pour la santé humaine. C'est la raison de l'interdiction en ambulatoire en médecine vétérinaire. Il faudrait donc en théorie récupérer les excrétats à domicile, comme sont récupérés les DASRI à domicile, ce qui n'était pas fait il y a quinze ans. Il faudrait même conseiller aux aidants de se protéger pendant 48 heures en cas de chimiothérapie parce que tous les excrétats, y compris la sueur et les postillons, sont dangereux pour les aidants. L'impact des médicaments sur la santé humaine est un véritable chantier.

Toujours sur la même question, savez-vous qu'il n'existe pas de circuit de traitement des médicaments périmés pour les hôpitaux ? Il existe un éco-organisme, Cyclamed, dont le seul objet est de récupérer les médicaments périmés des ménages. Il suffirait de changer l'objet pour viser les établissements de santé aussi bien que les ménages. De ce fait, les établissements de santé français n'ont pas de filière de traitement et nous ne savons pas où vont leurs médicaments périmés. La plupart du temps, ils vont dans les DASRI, alors que Cyclamed existe et est financé. Il faut étendre ces filières. L'impact du médicament sur l'environnement et sur l'eau fait donc à mon avis partie des priorités.

J'ajoute une troisième priorité sur la problématique des nanoparticules, notamment des nanoparticules de dioxyde de titane. Nous avons la chance d'être dans un pays où elles sont interdites depuis janvier 2020 dans l'alimentation, et c'est une très grande avancée. En revanche, nous retrouvons des nanoparticules de dioxyde de titane dans les cosmétiques, dans les médicaments et dans les matériaux de construction. Cela n'a pas de sens. Pourquoi prescrire à une mère un médicament contenant du dioxyde de titane sous forme nanoparticulaire alors que nous savons que c'est toxique et dangereux ? La problématique des nanoparticules est une urgence ; nous en mettons partout. Je vois par exemple des matériaux de construction avec des allégations mensongères du type « revêtement de sol autonettoyant » parce que, soi-disant il se produirait un effet photocatalytique entre les ultra-violets (UV) et le dioxyde de titane qui tuerait les germes. Montrez-moi où les UV, ici à l'intérieur, tapent sur le revêtement de sol : nulle part ! Des allégations mensongères sont utilisées par les industriels, et il n'existe pas d'autorisation de mise sur le marché de ces matériaux de construction qui peuvent être toxiques lors de l'utilisation, de la pose, de la fabrication, et de l'enlèvement dans quelques années, puisque ces déchets sont considérés comme des déchets amiantés.

Ce sont les trois urgences. J'ajoute deux idées. D'abord, sur l'écoconditionnalité des financements : dans le cadre du plan « Hôpital 2007 », qui date de 2003, l'allocation de 10 milliards d'euros pour la rénovation hospitalière était conditionnée au fait que les établissements suivent la norme Haute qualité environnementale (HQE). Cette écoconditionnalité des subventions n'existe plus aujourd'hui. Pourquoi ne pas privilégier les établissements engagés dans une dynamique à très haute qualité sanitaire, sociale et environnementale pour donner envie d'agir ? C'est un point-clef.

Par ailleurs, les incitations financières à la qualité (IFAQ) qui existent – et c'est très bien, nous le demandions depuis très longtemps – permettent de reconnaître les établissements engagés dans une démarche qualité. Sept thématiques sont prises en compte et nous proposons de créer un huitième thème sur la RSE et la santé environnementale, de sorte que les établissements les plus engagés soient également soutenus financièrement sur ce sujet.

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