Je suis honorée de pouvoir apporter mon témoignage à double titre, même si j'ai pris mes fonctions au sein de la direction de la biodiversité voici quatre semaines. Je pourrai peut-être vous proposer un point de vue d'interface entre les missions dédiées à la santé-environnement, que j'occupais jusqu'à très récemment, et mes nouvelles fonctions relatives à la mise en œuvre des politiques en faveur de l'eau et la biodiversité.
Les missions de la direction de l'eau et de la biodiversité concernent la santé-environnement, s'agissant notamment de l'eau puisqu'elle est en charge du suivi et des mesures en faveur de la prévention de toute pollution de l'eau, mais également en termes de biodiversité, en particulier quant à l'approche One Health qui a été largement mise en avant durant la crise de la COVID. Au travers de ces deux approches, la direction de l'eau et de la biodiversité est extrêmement concernée par les sujets de santé-environnement.
La direction de l'eau et de la biodiversité est en charge de la gestion et de la protection des espaces naturels et de l'équilibre des espèces menacées, ainsi que de la qualité de l'eau, du partage équilibré de ses usages, de la gestion durable de la ressource ainsi que de la protection et de la restauration des écosystèmes aquatiques. Cette direction, qui appartient à la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), est tournée vers les territoires, est au service du développement durable et s'appuie sur un réseau d'acteurs qui lui permettent d'avoir cet impact territorial.
Cette direction se décline en trois typologies de réseaux, à savoir :
– les services déconcentrés sur le terrain avec les préfectures, les directions départementales des territoires (DDT), les directions départementales de la protection des populations (DDDP) et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui représentent environ 3 600 ETP ;
– un réseau d'opérateurs et d'établissements publics avec les six agences de l'eau et les onze parcs nationaux ;
– et un réseau partenarial avec l'office français pour la biodiversité, l'établissement public du Marais poitevin, le conservatoire du littoral et l'office national des forêts (ONF). Ce réseau partenarial très développé intègre également les collectivités territoriales, ainsi que de nombreux acteurs économiques et associations, lesquelles constituent des partenaires de premier plan.
En ce qui concerne les sujets de santé-environnement, un certain nombre de plans a été cartographié dans les multiples plans et stratégies afférents, à savoir :
– le plan Écophyto, qui est co-piloté par la direction de l'eau et de la biodiversité avec trois autres directions, qui a des ambitions fortes, en ce qui concerne la réduction des usages et des effets des produits phytopharmaceutiques, et qui a donné lieu à un rapport de la Cour des Comptes en février 2020 ;
– le plan Biodiversité 2018-2024, qui porte une dizaine d'actions en lien direct avec la santé-environnement ;
– le plan Micropolluants, qui est mis en œuvre en application de la directive-cadre sur l'eau et permet de suivre toutes les substances potentiellement polluantes et dangereuses pour l'environnement ou la santé humaine dans le milieu aquatique. Ce plan comporte une quarantaine d'actions qui sont presque toutes mises en œuvre à ce jour. Il a permis, avec un partenariat fort des collectivités et de la recherche, d'identifier des polluants dans les stations d'épuration et de réduire à la source un certain nombre d'émissions via la révision de la réglementation sur les émissions polluantes avec la direction générale de la pêche et de l'aquaculture (DGPA). Il s'agit de l'une des réussites de ce plan qui s'adapte quotidiennement à la connaissance. En lien avec la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, avec laquelle il est très interfacé, a été identifié un certain nombre de substances à suivre dans l'eau. Il s'agit d'une spécificité française puisque la directive-cadre sur l'eau impose le suivi de certaines substances et offre une sorte de subsidiarité aux États membres pour déterminer les substances d'intérêt qu'ils souhaitent rechercher. À ce titre, certains perturbateurs endocriniens font l'objet d'un suivi particulier en France, en application du plan Micropolluants ;
– le plan Nitrates, qui s'inscrit dans un cadre normatif européen. La politique de l'eau diffère de la politique santé-environnement dans la mesure où un cadre européen impose certaines règles. Le plan Écophyto est ainsi rendu obligatoire par les directives de 2009 sur l'usage « durable » des pesticides. C'est une directive de 1991 qui impose les plans Nitrates. Nous en sommes à la révision du dernier plan qui a été lancée dernièrement via une consultation publique. Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, était présente à Saint-Lô, la semaine dernière, à l'occasion du premier débat sur la révision de ce plan nitrates, débat accolé à une première série de concertations sur la politique agricole commune. Ces plans d'action Nitrates concernent également les questions de santé-environnement.
La pollution des eaux superficielles et souterraines par les nitrates constitue un sujet de santé humaine pour l'eau potable et l'environnement. Chacun a à l'esprit la problématique de l'eutrophisation des algues vertes en Bretagne. Il s'agit également d'un problème pour la qualité de l'air, puisque les émissions d'ammoniac, dont l'agriculture est responsable à 90 %, sont à l'origine de particules fines, mais également de gaz à effet de serre.
Au titre de cette directive, la direction de l'eau et de la biodiversité a l'obligation de réviser ces plans tous les quatre ans. Est également prévu un diagnostic préalable devant établir la cartographie des zones vulnérables. Des sites de prélèvement permettent de vérifier la contamination en nitrates des masses d'eau superficielles et souterraines. En fonction de cette contamination, les zones vulnérables concernent plus de 60 % du territoire français. Sur cette base, s'appliquent les plans nationaux d'action Nitrates qui reposent essentiellement sur des actions de prévention des pratiques agricoles permettant d'éviter les fuites, sources de pollutions.
La révision du plan Nitrates s'inscrit dans une démarche de participation citoyenne étroite : la consultation publique du 18 septembre au 6 novembre est ouverte sur une plateforme et s'accompagne de deux débats, l'un a eu lieu à Saint-Lô et l'autre se tiendra dans quelques semaines à Pont-à-Mousson. Cette consultation sera suivie d'une deuxième consultation, au printemps 2021, cette fois sur un projet de plan.
Tous ces plans sont pilotés ou co-pilotés par la direction de l'eau et de la biodiversité.
Le plan de relance consacrera 300 millions d'euros à l'eau et 250 millions d'euros à la biodiversité. Le gouvernement a tenu à marquer l'intérêt qu'il porte à la préservation de la biodiversité et de l'eau dans un contexte où la crise COVID a rappelé notre lien à un environnement sain. Nous redécouvrons le principe formulé par Hippocrate, 500 ans avant Jésus-Christ, selon lequel l'environnement d'un malade est le premier point à analyser. Par conséquent, préserver l'environnement nous permet d'assurer notre avenir. La part consacrée à ce sujet dans le plan de relance va dans ce sens.
S'agissant des perspectives, je citerai la révision de la stratégie nationale pour la biodiversité 2021-2030 qui sera conduite par un comité spécialisé et qui devra prendre en compte la santé-environnement. Le deuxième sujet important est le contrat d'objectifs et de performance de l'OFB, office qui compte 2 700 agents répartis sur l'ensemble des territoires, et qui exercent des missions en termes de police de l'environnement, d'animation de projets et d'amélioration de la recherche et de la connaissance. Il s'agit d'une force de frappe importante en matière d'eau et de biodiversité. Le contrat d'objectifs et de performance de l'OFB sera l'occasion de veiller à la prise en compte de cet enjeu.
Les plans Nitrates et Écophyto demandent de nombreux efforts et des moyens financiers sans forcément aboutir aux résultats souhaités. La mobilisation des acteurs ne peut être considérée comme un point faible. Mais il faut parvenir à la massification de bonnes pratiques dans le domaine agricole. L'un des éléments clés réside dans la révision de la politique agricole commune, laquelle aura un impact fort en ce qui concerne la question des nitrates. Dans ce domaine, bien qu'encourageants, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Toutefois, le changement de modèle agricole et l'entrée dans une véritable transition écologique permettront de diminuer les intrants, ce qui réduira la présence de pesticides et de nitrates.
Nous disposons d'un nombre considérable de données en matière environnementale, lesquelles ne sont pas forcément valorisées, accessibles et interopérables.
Des tables rondes du groupe santé-environnement (GSE) consacrées à l'approche One Health dans la prévention des zoonoses, qui se sont tenues en juillet, il ressort que l'un des facteurs clés pour changer de paradigme réside dans la multidisciplinarité. Il s'agit de pouvoir travailler différemment et « désiloter » les plans et les pratiques de recherche, de surveillance territoriale et de gestion de crise afin de disposer de toutes les compétences nécessaires. Les sciences humaines et sociales, les écologues et les urbanistes sont parfois oubliés. La direction de l'eau et de la biodiversité sera en première ligne pour intégrer ces nouvelles approches, ainsi que la responsabilisation du citoyen. Durant la crise de la COVID, nous avons constaté le comportement des citoyens en ce qui concerne l'utilisation des désinfectants et des biocides à la maison. Les experts des stations d'épuration expliquent que la principale source de médicaments y est domestique.
La santé-environnement constitue un enjeu majeur qui relève d'une responsabilité collective. Chacun doit trouver sa place pour pouvoir jouer un rôle et les citoyens doivent être fortement impliqués.