S'agissant de la gouvernance au sens propre, c'est-à-dire nationale et territoriale, ainsi que la multidisciplinarité, il ne s'agit pas de mettre en place une énième instance de gouvernance, sans se demander avec qui, pour quoi faire et s'il est question d'une instance strictement politique ou opérationnelle.
Le ministère de l'agriculture bénéficie d'un conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV). Ce conseil, qui a été institué par la loi d'avenir sur l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014, rend des avis au ministre de l'agriculture. Cette instance rassemble les administratifs compétents, la société civile n'y figurant pas, est mobilisée et rend un avis opérationnel, lorsque des décisions rapides doivent être prises en gestion de crise.
Chacun connaît le sujet des bouquetins du Bargy. En France et dans de nombreux pays européens, la brucellose, qui est une zoonose, a été éradiquée car elle bénéficie d'un programme de lutte prévu par la réglementation sanitaire européenne. Aujourd'hui, nous faisons de plus en plus face à des résurgences de zoonoses que nous croyions éradiquées comme la tuberculose et la brucellose, mais dont la faune sauvage constitue le réservoir principal. En ce qui concerne la tuberculose, les anciens cheptels bovins l'ont transmis aux blaireaux, lesquels constituent désormais un réservoir.
Nous devons prendre des décisions sans que notre gouvernance permette suffisamment d'échanger et de décider de façon sereine aux personnes n'ayant pas l'habitude de se parler. Nous avons certainement besoin d'une gouvernance One Health. Il convient de déterminer si l'existant suffit ou non, mais il est nécessaire que les naturalistes, les experts et les écologues puissent rencontrer les experts du sanitaire.
Je suis vétérinaire de formation. On m'a appris à gérer un foyer de brucellose dans un cheptel domestique en procédant à un abattage total. Ces méthodes de gestion de crise sanitaire ne s'adaptent pas à la faune sauvage, ce qui nécessite de les faire évoluer. Lors de la crise du Bargy, avec la transmission de la brucellose par des bouquetins au cheptel via le pâturage, lequel l'a ensuite transmise aux deux enfants de l'éleveur concerné, nous nous sommes trouvés face à des situations de confrontation très dure. Celles-ci perdurent entre deux mondes qui n'ont pas su gérer de façon sereine et constructive un problème nouveau susceptible de se répéter.
Je pense que nous avons besoin d'une gouvernance One Health. Il faut s'interroger sur son caractère national ou territorial et son utilité, tout en conservant l'aspect opérationnel. Cette gouvernance doit nous permettre d'anticiper des crises et, le cas échéant, de rendre des avis éclairés. Dans ce genre de problématique, le manque d'anticipation engendre une perte de temps et d'argent, ainsi que de crédibilité de l'action publique auprès des citoyens.