Depuis 2006, la direction générale des relations du travail est devenue direction générale du travail (DGT). Elle élabore les textes portant sur le champ des relations individuelles et collectives et du code du travail ainsi que sur le champ des conditions de travail. Elle anime également les politiques publiques portant sur le champ de la santé au travail.
Elle est aussi l'autorité centrale du système d'inspection du travail au sens de l'article 4 de la convention 81 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Au-delà de l'aspect juridique, elle est aussi le pilote des services déconcentrés dans le champ de l'inspection du travail, ce qui traduit un souci d'effectivité des règles. Ainsi, au nom du Gouvernement, nous concevons des règles avec les partenaires sociaux, sous la surveillance du Parlement, puis nous veillons à leur application effective. L'action de la direction générale du travail comporte donc deux dimensions, à la fois administration qui prépare les textes et autorité centrale de l'inspection du travail.
Le témoignage de l'importance que les pouvoirs publics attachent à la santé au travail est la création du secrétariat d'État aux retraites et à la santé au travail, sous l'autorité de la ministre du travail, mais avec un secrétaire d'État chargé spécifiquement de ces sujets. Actuellement, il travaille à toutes les questions de santé au travail, en particulier en ce qui concerne la crise sanitaire, mais aussi aux suites à donner au rapport de Mme Charlotte Lecocq sur la santé au travail. Une négociation interprofessionnelle est en cours et elle aura des conséquences sur le bilan du plan santé au travail (PST3) et la préparation du PST4.
La politique de santé au travail s'articule autour du PST, créé en 2004 sous l'impulsion de MM. Gérard Larcher et Jean-Louis Borloo, dans un contexte difficile : la condamnation de l'État dans l'affaire de l'amiante. Il s'agissait de donner à l'État des outils pour mieux connaître les risques, en particulier les risques émergents, et mieux caractériser les situations. Le PST1 est né dans ce contexte. Il avait la particularité, qui s'est affirmée avec le temps, d'associer le dialogue social et la concertation avec les partenaires sociaux. Nous y sommes viscéralement attachés.
Le premier plan couvrait la période 2005-2009 et le deuxième la période 2010-2014. Un certain nombre de fondamentaux aussitôt apparus demeurent, comme le dialogue social. Des risques prioritaires ont été identifiés, priorités qui ont perduré avec le temps, par exemple, les risques chimiques, les chutes de hauteur, le risque routier.
Très vite, nous avons également eu une évaluation permanente et eu la volonté d'améliorer la situation par cette programmation. Ainsi, le troisième plan est le résultat d'une évaluation permanente « en marchant » des plans précédents. Par exemple, il a été reproché au premier plan de ne pas être assez opérationnel, « sur le terrain », alors qu'il s'agissait d'un de ses objectifs. Il fallait également améliorer le dialogue social afin de mieux intégrer l'avis des partenaires sociaux. Le PST3 se termine : nous sommes actuellement en phase de bilan de ce dernier et de préparation du PST4.
Le PST a la particularité d'être décliné régionalement. Nous comptons dix-sept plans régionaux santé-travail (PRST), pilotés par des comités régionaux d'orientation des conditions de travail (CROCT) qui associent tous les acteurs de la prévention dans la région. Le PST s'articule donc avec quatorze autres planifications nationales et avec dix-sept plans régionaux. Nous comptons donc plus de 500 actions dans les PST. Il ne s'agit pas simplement d'empiler des actions demeurant sans suite effective : nous avons des actions extrêmement opérationnelles et très concrètes « sur le terrain », d'un niveau de réalisation certes inégal. En tout cas, au niveau local, les partenaires sociaux s'approprient réellement le plan.
Le dialogue social est consubstantiel à la construction du PST. Les partenaires sociaux s'approprient les sujets traités au sein du comité d'orientation des conditions de travail et de son groupe permanent opérationnel (GPO) où nous travaillons sur ses orientations, avec les commissions spécialisées.
Cette année nous préparons le bilan du PST. Nous en avons transmis les premiers éléments aux partenaires sociaux. Nous attendrons la fin des négociations lancées suite aux préconisations du rapport de Mme Charlotte Lecocq. Au premier trimestre 2021, nous devrons présenter le PST4 avec les partenaires sociaux.
Dans le PST3, nous avions trois axes et j'insiste sur le premier axe stratégique : la priorité donnée à la prévention primaire, aux actions réelles de terrain et à la culture de prévention. Le constat partagé par tous les partenaires sociaux est celui d'une appropriation insuffisante, par exemple du risque chimique. Nous ré-insistons régulièrement : prévenir l'exposition aux produits chimiques figure parmi les risques prioritaires que nous ciblons et que nous déclinons de manière très opérationnelle.
Nous avons conservé la prévention des chutes de hauteur. Ce n'est pas un risque émergent, mais un risque très traditionnel. Certes, les nanoparticules ou les risques endocriniens constituent un risque très lourd, mais le triste bilan des chutes de hauteur s'établit à 65 morts, en 2019, selon le décompte de la DGT. C'est inadmissible. Nous avons donc gardé cette priorité forte, en menant plusieurs actions.
Les autres axes sont la prévention des risques psychosociaux (RPS) et la prévention du risque routier, que nous avons gardée depuis 2004. Le risque routier n'est pas un risque environnemental, mais il s'agit d'un risque professionnel majeur.
Parmi les actions relatives aux risques prioritaires, réalisées avec tous nos partenaires, en agissant ensemble et en nous répartissant les actions, nous avons développé des outils d'évaluation des risques chimiques. Avec nos partenaires, en particulier l'institut national de recherche et de sécurité (INRS) et la caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), nous avons mis à disposition des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE) un certain nombre d'outils d'évaluation du risque chimique pour les aider, compte tenu de leurs difficultés à cet égard.
L'autre problème est la substitution aux produits dangereux de produits qui le sont moins, notamment en ce qui concerne les agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). C'est un des principes de prévention des risques inscrit dans le code du travail.
Dans le PST, nous poursuivons également une action visant à développer les équipements de protection contre les phytosanitaires pour les travailleurs agricoles.
Dans le PST3, plusieurs actions recouvrent la problématique de la santé au travail, en lien avec l'environnement. Dans l'axe 2, intitulé « améliorer la qualité de vie au travail », et dans le levier « maintenir les performances économiques de l'entreprise », nous avions affiché, dès la conception du PST, la nécessité d'une collaboration renforcée entre les autorités en charge de la santé au travail et de la santé publique sur le territoire.
Concrètement, cela s'est traduit par l'insistance sur la nécessité de conventions entre les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et les agences régionales de santé (ARS), « sur le terrain ». Disons que nous avons des marges de progrès importantes, quant à cette coopération opérationnelle, réelle, « sur le terrain ». Notons aussi la volonté de participer, de manière croisée, aux instances de nos partenaires de la transition écologique, par exemple aux CROCT et aux comités de coordination des politiques publiques de santé au travail. L'objectif du PST est d'avoir des effets réels, concrets, dans les entreprises, auprès des travailleurs.
Il faut par ailleurs que nous travaillions davantage sur la mesure d'impact, ce qui est le plus difficile. Je vous parlais du problème de la prévention du risque chimique dans l'entreprise. L'INRS a par exemple développé un outil d'évaluation nommé SEIRICH (système d'évaluation et d'information sur les risques chimiques en milieu professionnel) qui compte 21 000 utilisateurs réguliers.
Toujours très concrètement, en ce qui concerne l'amiante, qui relève à la fois du travail, de la santé publique et de l'environnement, nous avions, dans la feuille de route du PST3, l'obligation, pour les maîtres d'ouvrage, de mettre en place un repérage avant travaux, préalablement à toute intervention, afin d'identifier la présence éventuelle d'amiante dans le bâti, dans l'équipement… Cela permet à la fois de protéger la santé des travailleurs, d'éviter la dispersion d'amiante dans l'atmosphère et de faire intervenir, en cas de besoin, des entreprises compétences. Le décret du 27 mars 2019 relatif au repérage de l'amiante avant travaux (RAAT) représente une évolution très importante obtenue dans le cadre du PST3.
Nous souhaitions aussi discuter d'une meilleure vision globale des études épidémiologiques, en santé au travail. Nous avons demandé un état des lieux à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et à ses partenaires sur la poly-exposition en France et à l'international. L'étude a été publiée à la fin de l'année 2018. Selon elle, les travaux les plus avancés dans ce domaine portent sur l'exposition aux substances chimiques qui est en fait le risque le moins connu et le moins maîtrisé dans les entreprises.
S'agissant de l'articulation entre le PST et le plan national santé-environnement (PNSE), la DGT a participé à l'élaboration du PNSE 2015-2019, avec comme prérequis :
– se concentrer sur les actions emblématiques, telles que l'amiante et les CMR ;
– avoir un partenariat et une vigilance renforcés autour de problématiques émergentes, comme celles des nanoparticules et des perturbateurs endocriniens. Pour être traités efficacement, ces sujets nécessitent un partenariat tous azimuts. La DGT ne peut travailler seule, mais peut seulement en tirer des conséquences pour la protection des travailleurs et les obligations des entreprises ;
– ne pas préempter la situation par des orientations trop fortement marquées, afin de garder une marge de négociation avec les partenaires sociaux.
Il faut souligner le décalage d'un an entre le PST et le PNSE, leurs financements ayant également des temporalités différentes. Cela nous oblige à bien articuler notre action, avec nos partenaires, comme la CNAM et l'ensemble des administrations.
Malgré tout, nous avions déjà identifié des convergences très fortes avec le PNSE et avec les autres directions de l'administration. En ce qui concerne la gouvernance, nous tenons des réunions périodiques, entre les cinq directions générales concernées, pour assurer une meilleure coordination.
La négociation interprofessionnelle sur la santé au travail a commencé en juin 2020 et devrait se terminer à la fin de l'année. Nous attendons la fin de cette négociation pour lancer le PST4. Nous avons besoin de bien articuler les réflexions des uns et des autres et surtout de nous concerter avec les partenaires sociaux pour finaliser ce plan qui, pour être efficace, doit être porté par l'ensemble des acteurs.
Dans son rapport, Mme Charlotte Lecocq préconise d'inscrire dans la loi l'obligation d'élaborer un PST. Nous y sommes favorables, avec un consensus général des partenaires sociaux à cet égard. Ce support législatif donné au PST renforcerait sa solidité. Nous souhaitons aussi conserver le pilotage du PST, tout en renforçant les articulations avec tous les acteurs pour le situer dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Si nous sommes bien dans un cadre interinstitutionnel et interministériel, le ministère du travail souhaite pourtant conserver son pilotage, compte tenu des spécificités du PST.
Nous portons également un plan national d'action du système d'inspection du travail, sur le terrain, qui s'articule avec le PST. Nous avons fixé plusieurs priorités fortes, à l'inspection du travail, dans le champ de la santé et de la sécurité : amiante, chutes de hauteur, contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), surveillance des accidents du travail. Les services font remonter toutes les informations dont ils disposent sur les accidents du travail mortels. Fin septembre, nous avons déploré 214 accidents du travail mortels. Nous en avions déplorés 367 en 2019 et 375 en 2018.
Tous les trimestres, les cinq directeurs généraux de la direction générale du travail (DGT), de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), de la direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de la direction générale de la santé (DGS) et de la direction générale de l'alimentation (DGAL) se réunissent et articulent leurs échanges, non seulement pour travailler sur le pilotage de l'ANSES, mais aussi pour traiter toutes les questions communes.