L'audition débute à quinze heures quinze.
Nous recevons M. Laurent Vilbœuf, directeur général du travail par intérim, et M. Frédéric Tézé, sous-directeur des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail.
La direction générale du travail prépare, anime et coordonne la politique du travail afin d'améliorer les relations collectives et individuelles et les conditions de travail dans les entreprises. Son rôle est important dans la coordination du contrôle du respect des dispositions relatives aux conditions de travail. Au sein de la direction générale, la sous-direction des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail s'attache à tout ce qui a trait aux conditions de travail, à la prévention et la protection contre les risques professionnels.
La direction générale du travail assume le pilotage du troisième plan santé au travail 2016-2020 ainsi que tout ce qui a trait au choix des priorités, à la gouvernance et à la co-construction d'un tel plan de même qu'à ses modalités d'évaluation. Cela peut être riche d'enseignements pour nous dans la perspective du plan santé-environnement à venir.
(MM. Laurent Vilbœuf et Frédéric Tézé prêtent serment.)
Depuis 2006, la direction générale des relations du travail est devenue direction générale du travail (DGT). Elle élabore les textes portant sur le champ des relations individuelles et collectives et du code du travail ainsi que sur le champ des conditions de travail. Elle anime également les politiques publiques portant sur le champ de la santé au travail.
Elle est aussi l'autorité centrale du système d'inspection du travail au sens de l'article 4 de la convention 81 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Au-delà de l'aspect juridique, elle est aussi le pilote des services déconcentrés dans le champ de l'inspection du travail, ce qui traduit un souci d'effectivité des règles. Ainsi, au nom du Gouvernement, nous concevons des règles avec les partenaires sociaux, sous la surveillance du Parlement, puis nous veillons à leur application effective. L'action de la direction générale du travail comporte donc deux dimensions, à la fois administration qui prépare les textes et autorité centrale de l'inspection du travail.
Le témoignage de l'importance que les pouvoirs publics attachent à la santé au travail est la création du secrétariat d'État aux retraites et à la santé au travail, sous l'autorité de la ministre du travail, mais avec un secrétaire d'État chargé spécifiquement de ces sujets. Actuellement, il travaille à toutes les questions de santé au travail, en particulier en ce qui concerne la crise sanitaire, mais aussi aux suites à donner au rapport de Mme Charlotte Lecocq sur la santé au travail. Une négociation interprofessionnelle est en cours et elle aura des conséquences sur le bilan du plan santé au travail (PST3) et la préparation du PST4.
La politique de santé au travail s'articule autour du PST, créé en 2004 sous l'impulsion de MM. Gérard Larcher et Jean-Louis Borloo, dans un contexte difficile : la condamnation de l'État dans l'affaire de l'amiante. Il s'agissait de donner à l'État des outils pour mieux connaître les risques, en particulier les risques émergents, et mieux caractériser les situations. Le PST1 est né dans ce contexte. Il avait la particularité, qui s'est affirmée avec le temps, d'associer le dialogue social et la concertation avec les partenaires sociaux. Nous y sommes viscéralement attachés.
Le premier plan couvrait la période 2005-2009 et le deuxième la période 2010-2014. Un certain nombre de fondamentaux aussitôt apparus demeurent, comme le dialogue social. Des risques prioritaires ont été identifiés, priorités qui ont perduré avec le temps, par exemple, les risques chimiques, les chutes de hauteur, le risque routier.
Très vite, nous avons également eu une évaluation permanente et eu la volonté d'améliorer la situation par cette programmation. Ainsi, le troisième plan est le résultat d'une évaluation permanente « en marchant » des plans précédents. Par exemple, il a été reproché au premier plan de ne pas être assez opérationnel, « sur le terrain », alors qu'il s'agissait d'un de ses objectifs. Il fallait également améliorer le dialogue social afin de mieux intégrer l'avis des partenaires sociaux. Le PST3 se termine : nous sommes actuellement en phase de bilan de ce dernier et de préparation du PST4.
Le PST a la particularité d'être décliné régionalement. Nous comptons dix-sept plans régionaux santé-travail (PRST), pilotés par des comités régionaux d'orientation des conditions de travail (CROCT) qui associent tous les acteurs de la prévention dans la région. Le PST s'articule donc avec quatorze autres planifications nationales et avec dix-sept plans régionaux. Nous comptons donc plus de 500 actions dans les PST. Il ne s'agit pas simplement d'empiler des actions demeurant sans suite effective : nous avons des actions extrêmement opérationnelles et très concrètes « sur le terrain », d'un niveau de réalisation certes inégal. En tout cas, au niveau local, les partenaires sociaux s'approprient réellement le plan.
Le dialogue social est consubstantiel à la construction du PST. Les partenaires sociaux s'approprient les sujets traités au sein du comité d'orientation des conditions de travail et de son groupe permanent opérationnel (GPO) où nous travaillons sur ses orientations, avec les commissions spécialisées.
Cette année nous préparons le bilan du PST. Nous en avons transmis les premiers éléments aux partenaires sociaux. Nous attendrons la fin des négociations lancées suite aux préconisations du rapport de Mme Charlotte Lecocq. Au premier trimestre 2021, nous devrons présenter le PST4 avec les partenaires sociaux.
Dans le PST3, nous avions trois axes et j'insiste sur le premier axe stratégique : la priorité donnée à la prévention primaire, aux actions réelles de terrain et à la culture de prévention. Le constat partagé par tous les partenaires sociaux est celui d'une appropriation insuffisante, par exemple du risque chimique. Nous ré-insistons régulièrement : prévenir l'exposition aux produits chimiques figure parmi les risques prioritaires que nous ciblons et que nous déclinons de manière très opérationnelle.
Nous avons conservé la prévention des chutes de hauteur. Ce n'est pas un risque émergent, mais un risque très traditionnel. Certes, les nanoparticules ou les risques endocriniens constituent un risque très lourd, mais le triste bilan des chutes de hauteur s'établit à 65 morts, en 2019, selon le décompte de la DGT. C'est inadmissible. Nous avons donc gardé cette priorité forte, en menant plusieurs actions.
Les autres axes sont la prévention des risques psychosociaux (RPS) et la prévention du risque routier, que nous avons gardée depuis 2004. Le risque routier n'est pas un risque environnemental, mais il s'agit d'un risque professionnel majeur.
Parmi les actions relatives aux risques prioritaires, réalisées avec tous nos partenaires, en agissant ensemble et en nous répartissant les actions, nous avons développé des outils d'évaluation des risques chimiques. Avec nos partenaires, en particulier l'institut national de recherche et de sécurité (INRS) et la caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), nous avons mis à disposition des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE) un certain nombre d'outils d'évaluation du risque chimique pour les aider, compte tenu de leurs difficultés à cet égard.
L'autre problème est la substitution aux produits dangereux de produits qui le sont moins, notamment en ce qui concerne les agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). C'est un des principes de prévention des risques inscrit dans le code du travail.
Dans le PST, nous poursuivons également une action visant à développer les équipements de protection contre les phytosanitaires pour les travailleurs agricoles.
Dans le PST3, plusieurs actions recouvrent la problématique de la santé au travail, en lien avec l'environnement. Dans l'axe 2, intitulé « améliorer la qualité de vie au travail », et dans le levier « maintenir les performances économiques de l'entreprise », nous avions affiché, dès la conception du PST, la nécessité d'une collaboration renforcée entre les autorités en charge de la santé au travail et de la santé publique sur le territoire.
Concrètement, cela s'est traduit par l'insistance sur la nécessité de conventions entre les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et les agences régionales de santé (ARS), « sur le terrain ». Disons que nous avons des marges de progrès importantes, quant à cette coopération opérationnelle, réelle, « sur le terrain ». Notons aussi la volonté de participer, de manière croisée, aux instances de nos partenaires de la transition écologique, par exemple aux CROCT et aux comités de coordination des politiques publiques de santé au travail. L'objectif du PST est d'avoir des effets réels, concrets, dans les entreprises, auprès des travailleurs.
Il faut par ailleurs que nous travaillions davantage sur la mesure d'impact, ce qui est le plus difficile. Je vous parlais du problème de la prévention du risque chimique dans l'entreprise. L'INRS a par exemple développé un outil d'évaluation nommé SEIRICH (système d'évaluation et d'information sur les risques chimiques en milieu professionnel) qui compte 21 000 utilisateurs réguliers.
Toujours très concrètement, en ce qui concerne l'amiante, qui relève à la fois du travail, de la santé publique et de l'environnement, nous avions, dans la feuille de route du PST3, l'obligation, pour les maîtres d'ouvrage, de mettre en place un repérage avant travaux, préalablement à toute intervention, afin d'identifier la présence éventuelle d'amiante dans le bâti, dans l'équipement… Cela permet à la fois de protéger la santé des travailleurs, d'éviter la dispersion d'amiante dans l'atmosphère et de faire intervenir, en cas de besoin, des entreprises compétences. Le décret du 27 mars 2019 relatif au repérage de l'amiante avant travaux (RAAT) représente une évolution très importante obtenue dans le cadre du PST3.
Nous souhaitions aussi discuter d'une meilleure vision globale des études épidémiologiques, en santé au travail. Nous avons demandé un état des lieux à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et à ses partenaires sur la poly-exposition en France et à l'international. L'étude a été publiée à la fin de l'année 2018. Selon elle, les travaux les plus avancés dans ce domaine portent sur l'exposition aux substances chimiques qui est en fait le risque le moins connu et le moins maîtrisé dans les entreprises.
S'agissant de l'articulation entre le PST et le plan national santé-environnement (PNSE), la DGT a participé à l'élaboration du PNSE 2015-2019, avec comme prérequis :
– se concentrer sur les actions emblématiques, telles que l'amiante et les CMR ;
– avoir un partenariat et une vigilance renforcés autour de problématiques émergentes, comme celles des nanoparticules et des perturbateurs endocriniens. Pour être traités efficacement, ces sujets nécessitent un partenariat tous azimuts. La DGT ne peut travailler seule, mais peut seulement en tirer des conséquences pour la protection des travailleurs et les obligations des entreprises ;
– ne pas préempter la situation par des orientations trop fortement marquées, afin de garder une marge de négociation avec les partenaires sociaux.
Il faut souligner le décalage d'un an entre le PST et le PNSE, leurs financements ayant également des temporalités différentes. Cela nous oblige à bien articuler notre action, avec nos partenaires, comme la CNAM et l'ensemble des administrations.
Malgré tout, nous avions déjà identifié des convergences très fortes avec le PNSE et avec les autres directions de l'administration. En ce qui concerne la gouvernance, nous tenons des réunions périodiques, entre les cinq directions générales concernées, pour assurer une meilleure coordination.
La négociation interprofessionnelle sur la santé au travail a commencé en juin 2020 et devrait se terminer à la fin de l'année. Nous attendons la fin de cette négociation pour lancer le PST4. Nous avons besoin de bien articuler les réflexions des uns et des autres et surtout de nous concerter avec les partenaires sociaux pour finaliser ce plan qui, pour être efficace, doit être porté par l'ensemble des acteurs.
Dans son rapport, Mme Charlotte Lecocq préconise d'inscrire dans la loi l'obligation d'élaborer un PST. Nous y sommes favorables, avec un consensus général des partenaires sociaux à cet égard. Ce support législatif donné au PST renforcerait sa solidité. Nous souhaitons aussi conserver le pilotage du PST, tout en renforçant les articulations avec tous les acteurs pour le situer dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Si nous sommes bien dans un cadre interinstitutionnel et interministériel, le ministère du travail souhaite pourtant conserver son pilotage, compte tenu des spécificités du PST.
Nous portons également un plan national d'action du système d'inspection du travail, sur le terrain, qui s'articule avec le PST. Nous avons fixé plusieurs priorités fortes, à l'inspection du travail, dans le champ de la santé et de la sécurité : amiante, chutes de hauteur, contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), surveillance des accidents du travail. Les services font remonter toutes les informations dont ils disposent sur les accidents du travail mortels. Fin septembre, nous avons déploré 214 accidents du travail mortels. Nous en avions déplorés 367 en 2019 et 375 en 2018.
Tous les trimestres, les cinq directeurs généraux de la direction générale du travail (DGT), de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), de la direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de la direction générale de la santé (DGS) et de la direction générale de l'alimentation (DGAL) se réunissent et articulent leurs échanges, non seulement pour travailler sur le pilotage de l'ANSES, mais aussi pour traiter toutes les questions communes.
Nous avons bien entendu qu'une dynamique était lancée, notamment avec les négociations interprofessionnelles sur l'amélioration de la qualité de vie au travail. Même si vous avez déjà partiellement répondu, je voudrais savoir plus précisément comment vous expliquez la sévérité des critiques des rapports d'évaluation du PNSE3.
Vous dites avoir relancé une dynamique. Est-ce récent ? Cela date-t-il d'avant les rapports d'inspection sur le PNSE3 ? Comment pensez-vous pouvoir améliorer cette collaboration ? Les réunions des cinq directeurs généraux dont vous nous parlez sont-elles récentes ? Si elles existaient auparavant, pourquoi n'ont-elles pas été suffisamment opérationnelles puisque les inspecteurs étaient assez critiques sur l'efficacité de la gouvernance interministérielle ?
Vous avez évoqué quelques pistes d'amélioration. Dans quel sens verriez-vous l'amélioration de la gouvernance, au-delà de ce que vous avez d'ores et déjà lancé ?
Cette réunion des cinq directeurs généraux est en fait une réunion de pilotage de l'ANSES, mais elle sert aussi à identifier et traiter les questions d'actualité, par exemple, les perturbateurs endocriniens ou le radon. En plus du pilotage de l'ANSES, nous évoquons des sujets très concrets, des questions d'actualité qui se posent avec force. Nous nous accordons pour saisir conjointement l'ANSES sur tel ou tel sujet puisqu'elle est notre expert pour qualifier les questions d'actualité.
Par ailleurs, nous travaillons ensemble, de manière permanente, entre les réunions. J'évoquais par exemple les installations classées pour la protection de l'environnement. C'est un sujet délicat et d'actualité. En 2018, quatre explosions se sont produites dans de telles installations. Nous avons relancé un plan de contrôle des services de l'inspection du travail sur ces installations, notamment celles classées Seveso seuil haut et seuil bas, avec un cadencement précis des obligations. Les trois points de contrôle sont :
– vérifier que la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est bien mise en place ;
– vérifier que les entreprises extérieures interviennent dans des conditions satisfaisantes, car il s‘agit d'un facteur de risque par méconnaissance du milieu ;
– étudier le risque d'explosion ou le risque chimique.
Cette action a lieu en complément de celle des services des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Nous avons donc travaillé de manière très étroite avec la DGPR, à la fois pour coordonner les contrôles, de façon opérationnelle, mais aussi pour bâtir, de façon complémentaire, les outils de contrôle.
Je pourrais donner d'autres exemples au quotidien, comme les vagues de chaleur où nous agissons sous le pilotage général de la DGS. Les vagues de chaleur sont un problème de santé environnementale. Santé publique France avait identifié dix victimes en 2019 et huit en 2018. Nous travaillons avec Santé publique France et la DGS sur les mesures de prévention et leur diffusion.
Quelles sont les marges de progrès ? Améliorer les indicateurs de performance et de suivi du PST et du PNSE qui, il faut le dire, constituent actuellement une faiblesse. Il faudrait fixer dès l'origine des indicateurs pour mesurer l'impact de nos actions.
C'est très compliqué car nous travaillons avec de nombreux partenaires qui ont leur propre programmation, comme la CNAM qui a sa propre convention d'objectifs et de gestion (COG), sa propre temporalité, ses propres financements et ses propres indicateurs. Il faut réussir à conjuguer et calibrer tout cela. L'un des objectifs du PST4 est d'ailleurs de fournir quelques indicateurs pour assurer un meilleur suivi.
Nous avons tout de même renforcé le pilotage, avec tous nos partenaires et sur le terrain. C'était une de nos faiblesses. Nous avons notamment créé, pour suivre l'avancée des plans régionaux santé-travail, un outil de suivi qui recense l'ensemble des actions et mesure leur progression. Cela nous permet de savoir ce qui a été fait dans chaque région.
La bonne gouvernance de l'ANSES a été reconnue par la Cour des comptes dans son rapport sur le fonctionnement de cette agence, alors qu'elle s'interrogeait sur la lourdeur résultant de l'existence de cinq tutelles. Elle a finalement reconnu une certaine pertinence à cette organisation, même si cela peut être un peu compliqué, d'autant plus qu'il s'agit d'une tutelle tournante. Chaque année, l'une des directions prend la tête de la tutelle. Cela crée un réseau particulièrement positif, aussi bien au niveau des services que des directeurs généraux.
En termes d'animation, l'ancien directeur général du travail, M. Yves Struillou, avait souhaité organiser une rencontre tous les quatre à six mois, au moins au niveau des directeurs généraux de la DGS et la DGPR, compte tenu des sujets communs qui pouvaient surgir. L'animation de terrain est donc bien réelle. Le point positif est que les équipes, notamment celles de la DGT, de la DGS et de la DGPR, sont habituées à travailler ensemble, puisque nous avons des problématiques communes, même si nous pouvons avoir des points de divergence. Un certain nombre de textes qui doivent être soumis aux partenaires sociaux dans le conseil d'orientation des conditions de travail peuvent concerner aussi bien la santé que l'environnement.
De manière emblématique, l'amiante est une politique qui a plutôt réussi depuis une dizaine d'années. Nous avons réussi à mettre en place, grâce à un plan interministériel, une politique qui se veut cohérente et, au moins sur le papier, notre réglementation est la plus exigeante en Europe.
Pourquoi le bilan de l'animation de ces différents plans est-il mitigé ? Ces plans sont peut-être initialement trop ambitieux et contiennent beaucoup d'actions. Pour le PST par exemple, nous avions 52 mesures et nous avons sans doute été trop optimistes en 2016. Le plan avait été bâti par consensus avec les partenaires sociaux. Le plan 2020 pourra probablement reprendre très largement les préconisations qui avaient été émises en 2016, puisque les risques que nous rencontrons nécessitent un traitement sur plusieurs dizaines d'années. Nous nous acheminons donc, pour le PST4, vers un plan plus resserré et plus pragmatique.
Enfin se pose une question de moyens. Au niveau central, la direction générale du travail consacre deux équivalents temps plein, deux attachés, à l'animation de ce plan, sachant qu'il concerne toutes les régions et que, dans l'absolu, 507 actions sont à suivre au titre du PST3.
Je suis à l'initiative de cette commission d'enquête et je précise que nous auditionnerons toutes les instances institutionnelles ainsi que des acteurs privés, des associations ou des organisations non gouvernementales (ONG) pour alimenter au mieux notre rapport, de façon concrète.
En vous écoutant, nous comprenons bien que tout est évidemment lié. Quelle est votre participation à la mise en œuvre du PNSE3 ? Avez-vous été pilote, partenaire ? Avez-vous atteint vos objectifs ?
Nous avons participé à l'élaboration du PNSE3 et notre valeur ajoutée a porté sur quelques actions emblématiques pour lesquelles nous avons travaillé avec nos collègues de la DGPR, en mobilisant nos propres réseaux, notre expertise et en travaillant, lors de l'élaboration des textes, en lien avec l'ensemble des administrations concernées, en particulier sur l'amiante avec la DGPR, la direction de l'hospitalisation, de l'autonomie et de la performance (DHAP) et la DGS.
En ce qui concerne le pilotage, nous nous concentrons principalement sur notre PST mais, comme les autres administrations, nous participons aux actions du PNSE.
Nous avons participé sur deux aspects principaux : les perturbateurs endocriniens et les nanomatériaux.
Les nanomatériaux constituent un sujet assez délicat. Il aurait déjà fallu, initialement, se mettre d'accord sur la définition d'une nanoparticule ou d'un nanomatériau. Par ailleurs, comme pour tout ce qui concerne le risque chimique, nous nous inscrivons dans une très forte dimension européenne. Les travaux français sont également guidés par les définitions existantes au plan européen sur le risque chimique.
J'approuve Mme la rapporteure en ce qui concerne la nature des auditions à conduire.
J'aimerais comprendre comment vous identifiez, gérez et traitez les sujets émergents. Comment s'organiser pour qu'un sujet puisse émerger ? Quels sont les signaux ? Quelle est la démarche suivie ?
Par ailleurs, comment travaillons-nous en France sur ces sujets par rapport aux directives européennes, entre directives-mères et directives-filles ? Comment ces directives sont-elles transcrites en droit français ? Comment s'articule la gouvernance avec les demandes européennes ?
Quelles sont les pistes d'amélioration de cette gouvernance dans les domaines de l'environnement et du travail ? Identifiez-vous un ou deux axes majeurs qui pourraient être suivis selon vous ?
La DGT ne peut pas être une tour d'ivoire, surtout face à des risques importants et complexes. Une partie importante de notre activité se fait en lien avec les partenaires sociaux et les préventeurs. Nous avons donc ce que nous appelons le conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) qui a une double fonction d'orientation et de consultation.
La consultation sert en particulier lorsque nous devons prendre un texte d'application d'une directive européenne. Nous travaillons alors en compétence liée et cette consultation est extrêmement riche car les partenaires sociaux font remonter un certain nombre d'interrogations et peuvent aussi jouer un rôle de lanceurs d'alerte en quelque sorte. Nous collaborons également avec des préventeurs comme l'INRS, l'ANSES qui sont des détecteurs de signaux d'alerte.
Le COCT a un rôle d'orientation assez consensuel puisqu'il n'est pas question de voter un texte. La responsabilité des partenaires sociaux n'est pas la même mais, si ces derniers veulent s'emparer d'un sujet pour appeler sur lui l'attention de l'administration, ils sont bien dans leur rôle.
En ce qui concerne les directives européennes, les directives-filles peuvent concerner, par exemple, le risque chimique, le risque biologique, le risque-machine, avec, actuellement, une réactualisation de certaines directives datant d'une trentaine d'années sur des sujets pour lesquels la connaissance scientifique a évolué.
Parmi les pistes d'amélioration, un signal fort tient à la création, au ministère du travail, du secrétariat d'État consacré à la santé au travail. Par ailleurs, nous nous sommes tous emparés, collectivement, de ce sujet, y compris vous-mêmes. En trois ans, huit rapports ont porté sur le domaine de la santé au travail, au sens large. Ces rapports sont extrêmement riches et il reste à savoir comment les utiliser pour les concrétiser au quotidien.
L'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) a été créée en 2004 pour gérer la question des sujets émergents. Elle est devenue ANSES et nous nous appuyons beaucoup sur elle. Nous avons une convention avec elle, nous lui passons des commandes, si possible concertées pour éviter que l'agence ne se disperse trop. Que ce soit pour les problématiques de champ électromagnétique, de basses fréquences, de technologies nouvelles, de nanomatériaux, nous nous appuyons sur l'ANSES, qui a été créée, à l'origine, à cette fin. Grâce au conventionnement, au fait que nous sommes représentés au conseil d'administration, nous pilotons son fonctionnement et nous nous appuyons sur son expertise. C'est indispensable pour nous donner des orientations, avant de passer au prisme des partenaires sociaux.
Un axe d'amélioration porterait sans doute sur la façon de mieux anticiper et de mieux articuler les différentes programmations. L'une de nos difficultés provient du décalage temporel entre les différents intervenants – CNAM, PNSE… – qui ont leurs propres objectifs. Nous rencontrons donc une difficulté liée, à la fois, à la richesse et à la complexité de la planification. D'ores et déjà, nous essayons de travailler en imbriquant et en nous partageant bien les actions, mais une amélioration serait bienvenue.
Une deuxième piste de progrès serait d'identifier, dès l'origine, quelques indicateurs simples, sans pour autant créer des « usines à gaz ».
Quel est le lien entre perturbateurs endocriniens et santé au travail ? Vous y intéressez-vous parce que les médecins du travail, par exemple, ont diagnostiqué chez les personnes concernées une incidence ?
Les personnes qui travaillent dans le domaine de l'environnement – collecte ou traitement des ordures ménagères, déchetteries – ont-elles plus de risques d'accident de travail que la moyenne ? Je sais en particulier que les ripeurs avaient un risque très élevé, un risque physique lié à la collecte elle-même.
La France est un des seuls pays à posséder une stratégie nationale relative aux perturbateurs endocriniens. Votre question est tout à fait pertinente : en quoi cela concerne-t-il les gens au travail ? Tout simplement parce qu'une telle exposition, au travail, peut entraîner des conséquences graves sur la reproduction et les autres aspects de cette exposition. Cela concerne les travailleurs, compte tenu de l'exposition aux risques professionnels. C'est dans ce cadre que, en copilotage avec la DGPR et la DGS, nous travaillons à la substitution pour éviter les risques liés à cette exposition. Nous travaillons à des valeurs limites d'exposition professionnelle ou des indicateurs biologiques d'exposition pour les travailleurs.
Nous avons effectivement constaté plusieurs graves accidents du travail, dont certains ayant entraîné la mort, dans des centres de collecte et de traitement des déchets, mais nous n'avons pas une action renforcée sur le sujet, par exemple de la part de l'inspection du travail. En revanche, pour chaque accident grave, nous menons une enquête approfondie et nous en analysons les causes.
Nous avons eu des alertes sur l'utilisation du bisphénol A au quotidien. Dès lors que nous avons une alerte, nous nous devons d'être réactifs dans toute la mesure du possible. Nous nous sommes rendu compte que certains métiers pouvaient être particulièrement exposés à ces perturbateurs endocriniens, notamment les métiers de l'imprimerie, du fait de l'utilisation de certains plastiques et de certaines résines. Nous sommes donc, soit dans le préventif, soit dans le réactif, mais, lorsque nous avons un signalement, nous devons évidemment réagir.
En ce qui concerne les accidents mortels, nous ne constatons pas, dans les remontées qui nous sont faites, de spécificités liées aux métiers du ramassage des déchets.
Dans la région des Pays de la Loire par exemple, des données ont été collectées dans 73 établissements du secteur du nettoyage et ont permis d'identifier environ quinze substances suspectées d'être des perturbateurs endocriniens. Il faut ensuite traiter toutes ces données, ce qui nécessite l'assistance de l'ANSES.
En Auvergne-Rhône-Alpes existe un groupe de travail « perturbateurs endocriniens » qui regroupe la DIRECCTE, la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et la Mutualité sociale agricole (MSA). Il a élaboré différents documents d'information et une liste indicative de perturbateurs endocriniens.
Nous essayons de ne pas nous cantonner à la veille et à l'étude épidémiologique, mais aussi, de prévenir ces risques, « sur le terrain ».
En ce qui concerne la gestion des risques et les indicateurs, vous arrive-t-il, dans votre travail avec les autres directions, de diligenter des études prospectives ? Ou bien ne travaillez-vous que sur des études rétrospectives ? L'étape suivante serait de lancer une étude prospective, en double aveugle, avec des méthodologies statistiques, pour aller plus loin. Le faites-vous ou pensez-vous qu'il s'agit d'une piste d'amélioration ?
Quels sont votre regard et votre retour sur le rôle de la médecine du travail lors de la crise du Covid-19 ? Que pensez-vous de l'information en entreprise, de l'isolement… ? Pour être franc, je trouve que nous n'avons pas ressenti une implication énorme de la médecine du travail, mais je voudrais connaître votre appréciation. Quelles actions la médecine du travail compte-t-elle mener demain, en aval de la crise ?
Réfléchissez-vous sur le télétravail, qui monte en puissance ? Avez-vous identifié des risques particuliers, notamment de désocialisation, qui y seraient liés ou des nouveaux risques qui ne manqueront pas de surgir ?
Enfin, pouvez-vous donner des précisions sur les risques chimiques ?
S'agissant des études prospectives, l'Afsset puis l'ANSES ont justement pour rôle d'éclairer le chemin pour que l'État prenne de bonnes décisions. Je rappelle que l'État a été condamné en 2004 pour défaut de politique de prévention et de contrôle en matière d'amiante, justement parce que nous n'avions pas une vision suffisamment claire. La création de l'ANSES a été décidée précisément pour nous éclairer.
Nous finançons des études et des actions de l'ANSES à hauteur de 903 000 euros. Par exemple, en commun avec les autres directions, nous lui avons demandé une étude sur l'amélioration de la prise en compte de la poly-exposition. C'est un sujet difficile, qui rappelle la notion d'exposome en matière d'environnement, mais en étudiant tout ce qu'il se passe tout au long de la vie. À quelle période de travail doit-on par exemple rattacher l'exposition au risque chimique ? Est-ce chez ce coiffeur ou au contraire dans telle entreprise ? Nous avons besoin d'avoir une vision plus claire.
Nous avons aussi besoin d'études prospectives sur la question de la substitution. Nous demandons à l'ANSES de réaliser ces études et nous devons aussi coordonner toutes les actions de recherche menées dans les différents organismes.
S'agissant du rôle de la médecine du travail, nous avons, dès la mi-mars, régulé et transmis une instruction de la DGT aux DIRECCTE afin d'informer les services de santé au travail (SST), par exemple sur le recours à l'activité partielle. Nous avons dû rappeler un certain nombre de points, dont le fait que les services de santé au travail étaient des acteurs majeurs lors de cette crise. Après cette première régulation, qui a géré quelques situations locales ponctuellement non satisfaisantes, les services de santé au travail ont véritablement joué leur rôle. Nous avons édicté plusieurs instructions, notamment pour définir le rôle des médecins du travail, en particulier pour leur permettre de prescrire des arrêts de travail jusqu'au 31 août.
Il reste une question structurelle, déjà posée par le rapport de Mme Charlotte Lecocq, sur l'organisation de la prévention et l'organisation des services de santé au travail. Les partenaires sociaux se sont emparés de ce thème, avec beaucoup de vigilance et de force.
Les services de santé au travail ont donc été de véritables partenaires « sur le terrain », lors de cette crise, après une première régulation, et sont toujours des partenaires très importants, notamment sur le sujet des vagues de chaleur, des canicules.
En ce qui concerne le télétravail, nous pouvons nous appuyer sur un acteur dont nous n'avons pas parlé jusqu'à présent, qui est pourtant très important, l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Son personnel est peu nombreux – environ 80 équivalents temps plein – mais l'Anact a une grande valeur ajoutée par la capitalisation et le transfert des expériences innovantes, notamment pour les PME et TPE. C'est l'Anact que nous missionnons pour nous faire remonter les expériences innovantes de prévention et d'amélioration des conditions du télétravail. Nous savons que celui-ci présente effectivement des risques de désocialisation, des risques physiques…
Sur le risque chimique, pourriez-vous préciser la question ?
En matière de risque chimique, quels sont pour vous les principaux risques et les priorités ?
En ce qui concerne le risque chimique, nous sommes dans un système à deux vitesses. Les grandes entreprises ont les moyens internes de faire face à leurs obligations. Le problème concerne surtout les petites entreprises, parce que la réglementation est complexe, exigeante et qu'il s'agit d'un risque un peu sournois, parfois invisible. Il est plus facile pour un employeur de poser son échafaudage selon les normes, pour éviter les chutes de hauteur, que d'évaluer correctement le risque chimique et de prendre les mesures adéquates.
Dans les négociations en cours avec les partenaires sociaux, notre priorité serait de nous assurer que, concrètement, la réglementation est respectée. Dans le cadre du PST, nous nous rendons compte que la situation ne s'améliore pas vraiment ou difficilement. Le problème fondamental est de faire une bonne évaluation des risques et nous savons que, quelle que soit l'activité, seule la moitié environ des entreprises procèdent à l'évaluation de leurs risques. Il faut de plus se poser les bonnes questions. Il s'agit donc d'aider les TPE et PME à répondre à ces préalables, puis de les accompagner dans la déclinaison de leurs obligations au quotidien. Ces priorités sont largement partagées par les partenaires sociaux et les acteurs de la vie de tous les jours.
Pour ce qui est de la prospective, nous nous étions dotés collectivement, à la demande du Premier ministre, d'un plan interministériel amiante, dont un des axes d'action consiste à soutenir et promouvoir les actions de recherche et développement. Une enveloppe de 20 millions d'euros avait été dédiée à des expérimentations en la matière.
Vous nous avez parlé du PRST de la région des Pays de la Loire. Serait-il intéressant pour nous d'auditionner d'autres régions sur le sujet, par exemple parce qu'elles ont des démarches remarquables ?
Auriez-vous par ailleurs des pistes d'amélioration pour la gestion des crises ?
Enfin, quels sont selon vous les axes d'amélioration pour être encore plus efficaces dans nos rapports avec les institutions européennes ?
Nous avons identifié plusieurs PRST ayant des actions très intéressantes : Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes. Ces régions innovent vraiment et font un bon travail partenarial.
Il est important que les institutions apprennent à travailler ensemble de manière permanente, sans que ce soit lié à des relations entre les personnes, au niveau national également. Dans ces trois régions, nous constatons une vraie synergie, un vrai travail de collaboration sur des projets précis.
Nous essayons par définition d'être réactifs à une crise lorsqu'elle éclate. Cela ne fonctionne pas si mal, sous l'égide du préfet, pour les services de l'État, par l'intermédiaire des commissions opérationnelles de crise. Par exemple, pour l'accident de Lubrizol qui a donné lieu à de nombreux rapports, par vos soins et par l'inspection générale entre autres, tous les services se sont mobilisés tout de suite. Les résultats ont certes été inégaux mais notre responsable départemental et la DIRECCTE ont été immédiatement mobilisés. Ils ont dû demander à être associés à toutes les démarches. L'inspection du travail a été présente dès le lendemain, notamment pour vérifier les conditions d'intervention des intervenants, discrètement, sans gêner les processus, sans se mettre en danger et sans mettre en danger les autres. Nous sommes rapidement intervenus, sur l'amiante en particulier, puisque, lorsque le toit a explosé, des débris d'amiante ont été répandus un peu partout. Nous avons très rapidement élaboré un plan de retrait pour permettre au processus de prévention de se dérouler.
Dans une gestion de crise, il faut que les relations soient prévues. Ce n'est pas encore le cas partout, mais chacun doit savoir ce qu'il doit faire, un peu comme dans les plans de continuité d'activité.
Nous faisons certes des plans de sécurité, pour la sécurité nucléaire, pour les inondations… mais il reste certainement des marges de progrès. Il faudrait que quelqu'un actualise en permanence ces plans de gestion de crise, dans chaque institution. Le problème est que, lorsque l'accident ou la crise survient, il se peut que les responsables soient partis, que les réflexes soient perdus. Il faut mieux capitaliser sur cette question. Frédéric Tézé le sait bien puisqu'il organise régulièrement à la DGT des réunions de prévention des accidents nucléaires, mais les réflexes se perdent dans le quotidien. Il faut donc mieux capitaliser, modéliser.
Dans le cas de Lubrizol, les services du Premier ministre ont pris les choses en main et ont coordonné les administrations centrales. La DGT a été présente à toutes les réunions de crise et a agi en soutien de la DIRECCTE sur toutes les questions de santé et de sécurité, pour le retrait de l'amiante et pour le maintien de l'activité partielle de l'entreprise.
Je souligne que, grâce aux relations institutionnelles que nous avons en particulier avec l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), nous avons pu mettre les services de l'Ineris en appui de la DIRECCTE.
Quel est le rôle des services de santé au travail dans le dispositif que vous venez de nous présenter ? Vous parliez de la difficulté d'appropriation par les entreprises. Comment cela peut-il descendre sur le terrain ?
Le médecin du travail a un rôle de conseil au chef d'entreprise et de préservation de la santé des travailleurs. Il est « sur le terrain », connaît les postes de travail, ce qui fait sa valeur ajoutée par rapport à la médecine de ville. À partir de son expertise et de sa connaissance des postes de travail, il est le conseil du chef d'entreprise, notamment pour son évaluation des risques, indépendamment de la visite médicale ou même de la surveillance renforcée dans certains cas. Son expertise et son approche globale de la santé au travail lui donnent un rôle majeur.
Il peut s'appuyer aussi sur nos services, en particulier sur le médecin inspecteur du travail, mais sa compétence médicale, renforcée par la pluridisciplinarité des services de médecine au travail, permet l'approche au plus près du terrain. Le médecin de l'inspection du travail intervient en contrôle, identifie les situations pathologiques ou des situations anormales et peut conseiller, mais celui qui est le plus adapté aux champs de la santé au travail est le médecin du travail.
La dernière question portait sur l'Europe. Les risques professionnels rencontrés sont très hétérogènes, les situations complexes et il faut trouver un accord à 28, ou à 27 maintenant. Une des grandes réussites est d'avoir pu arrimer des pays qui se sont intégrés à l'Europe à des périodes différentes, avec des cultures différentes. Nous avons l'Europe « historique », l'Europe du Nord qui est plutôt bonne élève en matière de santé et sécurité au travail, l'Europe latine et l'Europe de l'ex-bloc de l'Est qui s'est arrimée plus tard.
Trouver un équilibre et un consensus acceptable par tous n'est pas simple. Le délai est long et, entre le moment où nous nous emparons d'un sujet, la décision et sa transposition dans les États membres, il s'écoule plusieurs années. C'est la rançon d'une applicabilité des décisions également. Nous voyons bien, notamment en ce qui concerne le risque chimique et le risque biologique, qu'il est difficile de s'approprier les sujets sans être un spécialiste.
L'Union européenne fait tout de même preuve d'un fort volontarisme en ce qui concerne certaines problématiques, ce qui oblige les États membres à transposer pour ne pas entrer dans une procédure contentieuse. Il me semble que, en comparant la situation en Europe sur la santé et sécurité au travail en 1990 et trente ans plus tard, nous pourrions mesurer des progrès, même si c'est une matière extrêmement complexe.
Vous avez parlé des difficultés des TPE et PME. Quels sont les axes d'amélioration ? Devrions-nous nous intéresser à un sujet plus précis ?
En ce qui concerne la gestion de crise, nous avons constaté, à plusieurs reprises, que le domaine des conditions de travail n'est pas toujours suffisamment mis en évidence. Face aux enjeux considérables de santé publique et d'environnement, le champ du travail est parfois un peu mis de côté dans les cellules de crise. Il devrait y être mieux identifié, même si l'inspection du travail n'est pas sous l'autorité du préfet. Il faut mieux intégrer les problématiques de conditions de travail des intervenants en urgence, des salariés. Nous intégrerons cette question dans le PST4.
La question des TPE est pour nous une question majeure. Nous avons certes dans les grandes entreprises et les grands groupes d'autres problématiques, notamment celles des entreprises extérieures intervenantes, du travail dit précaire, avec des travailleurs qui ne sont pas dans le premier cercle et des modes opératoires dangereux. Toutefois, les TPE et les PME sont notre cible majeure. Dans le PST4 et dans le plan national d'action de l'inspection du travail, nous essayons de les atteindre le plus possible. Vu le nombre de TPE et PME ainsi que la relativement faible implantation des instituts régionaux du travail (IRT), nous avons besoin d'atteindre davantage ces entreprises et il faut que nous trouvions, dans nos planifications, le moyen de nous adresser systématiquement à elles.
Par exemple, dans le plan national d'action du système d'inspection du travail, nous avons, dès 2018, souhaité « mettre le paquet » sur les TPE et PME et, comme nous n'avons matériellement pas les moyens de toutes les visiter, nous avons organisé des informations, des formations, des concertations et des contrôles. Par exemple, nous avons organisé 110 actions collectives en 2018, sur l'ensemble du territoire, en métropole et en outre-mer, pour les coiffeurs, les garages, les petites entreprises du bâtiment, les couvreurs, l'amiante… de manière à identifier les problèmes, créer des outils de communication, nous concerter avec les partenaires sociaux du secteur, annoncer que nous regarderons tels aspects, lancer une période de contrôle, sans dire bien sûr où nous irons, pour que ce soit efficace et en tirer des conclusions. L'impact dépasse largement les entreprises contrôlées par « effet de souffle ».
Dans le PST, il faut alléger au maximum le dispositif, par exemple, sur l'évaluation des risques, de façon à le rendre opérationnel. La pire des choses est de faire une évaluation qui donne lieu à un document unique d'évaluation des risques qui reste dans un tiroir et ne sera jamais actualisé. Cela ne sert à rien. Il faut démultiplier, faire en sorte que les gens s'approprient la question par des outils simples, que les principaux risques soient identifiés et que nous travaillions vraiment dessus. C'est l'un des enjeux très clairement identifiés dans le rapport de Mme Charlotte Lecocq, outre l'intelligibilité de la réglementation.
Selon vous, que faudrait-il améliorer en matière de gouvernance pour accroître l'efficacité de la politique en santé-environnement ?
Que faudrait-il améliorer en matière de prévention ?
La coordination à tous les niveaux des administrations centrales existe déjà et elle peut être encore renforcée pour avoir une meilleure coordination avec la DGS, la DGPR. Nous travaillons ensemble de manière très opérationnelle et j'ai par exemple eu la DGPR au téléphone, la semaine dernière, puisque nous préparons un transfert de compétences sur les mines.
Le principal axe de progrès se situe dans les services déconcentrés, pour faire la différence entre ce que pense Paris et « la vraie vie ». Il existe des initiatives locales remarquables, les PRST sont parfois d'une richesse extraordinaire. La question est de savoir comment créer des liens afin que les administrations déconcentrées soient plus symbiotiques. Nous avions, il y a une vingtaine d'années, des pôles de compétences, notamment en ce qui concerne le plomb ou l'amiante, afin que les services travaillent ensemble. Sans forcément susciter des évolutions administratives lourdes, il faudrait réfléchir à la façon de mieux travailler ensemble sur des problématiques identifiées, de manière plus structurée, et non en fonction du talent ou de l'imagination des acteurs locaux. Le PRST est un bon outil pour cela.
Dans les grandes régions, il faut que le PRST irrigue les départements, les territoires. C'est l'enjeu de l'opérationnalité dans les services déconcentrés et de l'opérationnalité du PRST.
Ce fut extrêmement intéressant et les pistes d'amélioration se précisent. Nous sentons que vous êtes très investis dans cette dynamique d'amélioration et nous vous remercions.
L'audition s'achève à seize heures trente-cinq.