Intervention de Robert Barouki

Réunion du jeudi 8 octobre 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Robert Barouki, professeur des universités-praticien hospitalier de biochimie à l'université de Paris :

Il faut principalement payer des gens pour effectuer les travaux, payer des post-doctorants, des ingénieurs. Un post-doctorant d'un programme européen coûte 60 000 à 70 000 euros par an au total. Si le programme dure quatre ans, il faut multiplier par quatre. Vous voyez tout de suite la somme atteinte lorsqu'un laboratoire recrute deux post-doctorants. Je précise que, lorsque j'ai indiqué une somme de 6 millions d'euros pour le programme sur les perturbateurs endocriniens, il s'agit du total sur quatre ans alors que le chiffre que j'ai donné pour l'ANSES vaut pour un an.

Cela vous donne une idée du volume total dépensé. L'ANR et l'ANSES sont les plus gros financeurs. Il existe des programmes plus spécifiques. Je ne connais pas les chiffres de l'ADEME. Avant que le programme sur les perturbateurs endocriniens ne passe sous la responsabilité de l'ANSES, il disposait de 1,5 million d'euros environ tous les deux ou trois ans.

Aux États-Unis, un pays dans lequel les problématiques d'environnement et de santé ne sont pas les plus mises en avant par l'administration actuelle, il existe au National Institutes of Health (NIH) – qui est l'équivalent de l'INSERM – une section environnement-santé nommée National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) qui a un budget de 700 millions de dollars par an. Le NIEHS finance en intra-muros et finance aussi des projets extérieurs. Cela s'ajoute aux autres financements existant aux États-Unis, puisqu'un projet de santé-environnement peut être présenté au NIH global et non au NIEHS. À l'échelle française, cela correspondrait à 100 ou 120 millions d'euros.

Les États-Unis ont ainsi une avance importante. Cela leur permet d'avoir le journal le plus prestigieux dans le domaine santé-environnement et leur donne un certain pouvoir. Par ailleurs, leurs activités sont assez coordonnées par le NIEHS. De plus, il existe au NHS deux autres centres, le premier spécialisé dans le domaine santé-travail, le second – indépendant du NHS – travaillant sur les problèmes éco-toxicologiques et non sur la santé humaine.

En France, il faudrait faire le total des financements de l'ANR, de l'ANSES et de ce que nous obtenons des programmes européens. C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup insisté pour que nous dirigions des programmes européens. Cela permet d'avoir plus de budget et d'agréger des collègues français. Dans le programme HERA, nous sommes au total vingt-trois partenaires, parmi lesquels j'ai réussi à mettre quatre ou cinq partenaires français, tels que le CNRS, l'INSERM, l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et l'ANSES. Trois ou quatre institutions françaises participent au programme Oberon sur les perturbateurs endocriniens. C'est bien, mais nous ne pouvons pas non plus être trop nombreux, sinon cela déséquilibrerait le programme.

Nous candidatons en fait à de nombreux programmes européens, mais nous n'en avons que peu. La compétition est très forte. De plus, il existe des réseaux constitués, qui sont très forts, qui ont déjà eu de l'argent européen et qui recandidatent. Ils ont de l'avance, ils peuvent montrer ce qu'ils ont déjà fait. Comme nous n'étions pas très présents il y a dix ans, nous sommes des challengers pratiquement sur tous les programmes. Nous y parvenons parfois, mais pas souvent. Il faut encourager la multiplicité des propositions. Je pense que nos chercheurs ont maintenant plus de volonté d'y aller. Il existait des barrages historiques, les chercheurs trouvaient plus facile de candidater à l'ANR, hésitaient à cause de l'anglais… Cela change. Si je souhaite coordonner un programme européen, j'ai maintenant tout de suite le soutien d'INSERM Transfert qui est une organisation dépendante de l'INSERM, mais privée, dont la mission est d'aider à soumissionner à un programme européen. C'est nécessaire, nous ne pouvons pas le faire seuls car c'est trop compliqué. Le fonctionnement est similaire à l'INRA et au CNRS.

Je ne veux donc surtout pas brosser un paysage trop noir. Avec des efforts, cela marche, mais je suis quand même surpris qu'il n'existe pas de soutien pour la santé environnementale dans le programme d'investissements d'avenir. Le programme a certes donné un financement à des études de cohortes, mais ce sont des cohortes génériques et non spécifiques au domaine de la santé et de l'environnement. Nous demandons depuis longtemps la création d'un programme prioritaire de recherches (PPR) faisant partie du programme des investissements d'avenir et orienté sur le domaine santé-environnement. Ce doit être un PPR, c'est-à-dire un programme très ouvert fonctionnant par appels à projets, organisé par objectifs. Cela peut être un bon moyen de centraliser, au sens de créer un corpus d'appels à projets orientés vers la santé et l'environnement, coordonnés avec l'ANR, l'ANSES…

Nous avons proposé, dans la vision INSERM, un outil de coordination à l'image de ce qui existe dans d'autres PPR ou d'autres thématiques comme l'antibiorésistance. Il existe dans ce domaine une gouvernance de la recherche qui fonctionne bien. Puisque cela existe et que cela fonctionne, il n'est pas utile de réinventer un autre système. L'antibiorésistance est certes un problème fondamental mais, comparativement, le domaine de la santé environnementale est énorme. C'est très bien qu'il existe des PPR sur l'antibiorésistance, sur la sortie des pesticides, mais c'est curieux qu'il n'existe rien sur la santé environnementale, sur l'impact des pesticides, des perturbateurs endocriniens, du bruit… sur la santé. Nous le demandons depuis longtemps, avec le soutien de nos organismes.

Nous pouvons trouver tous les modes de gouvernance possibles, mais si nous ne mettons pas de moyens, cela ne fonctionne pas. Il ne suffit pas de dire « Coordonnez-vous ! ». J'ai cité le programme de biosurveillance européen. Il comporte un nœud français regroupant presque tous les organismes impliqués, soit huit établissements. Nous avons des moyens, pas mal de Français en font partie et nous nous réunissons quatre fois par an. Nous discutons vraiment bien, les jeunes se connaissent maintenant et cela a créé une véritable dynamique. Cela a poussé à créer d'autres projets, notamment à monter une infrastructure française sur l'exposome chimique. Nous avons là aussi besoin de soutien ; le projet est au ministère.

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