Intervention de Robert Barouki

Réunion du jeudi 8 octobre 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Robert Barouki, professeur des universités-praticien hospitalier de biochimie à l'université de Paris :

Je suis un fervent soutien d'une démarche interdisciplinaire. Toutefois, les disciplines deviennent de plus en plus complexes et approfondies. Une personne ne peut donc pas être à la fois un généticien de très haute volée et un grand spécialiste de l'influence de l'environnement. Chacun doit garder sa compétence disciplinaire de base et même l'approfondir car la biologie est devenue vraiment compliquée.

En revanche, il est important d'avoir une ouverture, un minimum de formation générale, pour travailler en bonne intelligence avec d'autres disciplines. Notre système français, qui historiquement spécialisait très rapidement les étudiants, n'a effectivement pas très bien fonctionné sur ce point.

Il se trouve que j'ai grandi au Liban et la première université dans laquelle je suis entré est une université américaine. Le système américain du college dans lequel un étudiant choisit des majeures et des mineures est très ouvert. Même en s'orientant vers les mathématiques ou la médecine, il est possible de prendre par exemple une mineure de philosophie et cela ouvre l'esprit. Ce système n'est pas évident à organiser et ce sera d'autant plus difficile que l'université est pauvre, mais il est très bien.

Sur ce plan, notre système français évolue dans la bonne direction. En médecine et dans les professions de santé en général, il devient possible d'avoir une orientation « médecine » tout en gardant une mineure dans un autre domaine en cas d'échec ou, pour les étudiants des autres domaines, d'avoir une mineure « santé » qui leur permet de revenir éventuellement un jour vers la médecine. De telles réformes vont dans le bon sens.

Ensuite, comment un jeune chercheur obligé de creuser son sillon dans sa propre discipline peut-il garder les yeux et les oreilles ouverts sur un autre domaine ? Cela peut être encouragé par des appels à projets.

Toutefois, lorsque je dirigeais une commission à l'ANR, j'ai vu des gens présenter un projet qu'ils disaient multidisciplinaire, mais multidisciplinaire ne signifie pas interdisciplinaire ou transdisciplinaire. Cela signifie qu'un toxicologue humain se trouve à côté d'un écotoxicologue spécialisé sur les poissons, qu'ils font chacun son projet et que l'ensemble devient multidisciplinaire. Non, il faut que le projet démontre que la multidisciplinarité entraîne une valeur ajoutée finale. Il existe beaucoup plus de projets qui mettent côte à côte des chercheurs de différentes disciplines que de projets qui profitent réellement de l'interdisciplinarité. La question est finalement de savoir comment le chercheur qui travaille sur le poisson aidera celui qui s'intéresse à l'homme à mieux avancer.

Il ne faut pas non plus exiger une interdisciplinarité en oubliant que certaines disciplines doivent continuer leur travail. Elle doit simplement être encouragée par les appels à projets.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.