En amont de la préparation du PNSE4, un travail de préfiguration a été mené par nos collègues de l'INSERM, notamment Robert Barouki, Rémy Slama, Bernard Jégou… Des collègues de l'INRAE y ont été associés, dont moi-même. J'ai participé à ce travail et le document a ensuite été endossé par l'INSERM. À cette occasion, nous avons fait des propositions, par exemple en ce qui concerne les cohortes. Nous agissons donc en amont, par des propositions qui sont ensuite reprises ou non dans le plan.
J'attendais personnellement beaucoup du PNSE3 sur le thème d'actualité, assez novateur, des relations entre biodiversité et santé. Il a malheureusement fallu attendre la toute fin du PNSE3 pour se rendre compte que ce sujet était resté orphelin. Il a alors été confié à la fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB).
La biodiversité est un révélateur de l'état de l'environnement, des pressions que nous exerçons par la déforestation, la pollution… Le lien entre la biodiversité et la santé humaine est de plus en plus souvent évoqué et je pense que la France aurait pu devenir leader sur certains de ces aspects, mais cela n'a pas été le cas. Je ne désigne pas de responsables mais, sur des sujets peu habituels tels que la surveillance sanitaire, la réduction des pollutions…, nous avons raté une occasion, du point de vue de la recherche. Même si cela n'aurait pas empêché l'émergence du coronavirus, nous aurions mieux maîtrisé le sujet et nous nous poserions moins de questions sur le point de savoir si la biodiversité est favorable ou non à la santé et à l'émergence de nouvelles maladies.
La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques ( Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES) a travaillé cet été sur le sujet et le rapport est en cours de relecture. La littérature existe sur cette question. Les contributeurs sont très peu français alors que, y compris par nos territoires d'outre-mer, nous aurions pu nous y intéresser. C'est le regret que me laisse le PNSE3, avec ma vision venant du monde de l'écologie et de la biodiversité.
J'ai évoqué l'exposome qui est une très belle idée. Si demain nous voulions lancer une grande surveillance de la contamination de nos concitoyens par telle ou telle substance connue, sans même parler des substances que nous ne connaissons pas, nous n'avons pas la capacité de faire ces analyses dans nos laboratoires. Nous avons certes des laboratoires très performants, mais nous n'avons pas assez de débit. Nous n'avons pas la capacité de traiter un grand nombre d'échantillons avec de bonnes performances analytiques pour un prix acceptable. Nous ne nous sommes pas dotés d'une infrastructure nationale pour « mettre en musique » l'exposome.
Je fais partie d'un petit groupe de travail INSERM/INRAE qui y travaille. L'Europe a avancé, avec le grand projet européen Human biomonitoring for Europe (HBM4EU). C'est un projet à 50 millions d'euros destiné à la définition des marqueurs à mesurer, à la façon de les mesurer… L'INSERM y est très impliqué mais la traduction au niveau national peine à apparaître.
Il existe un projet d'infrastructure européenne porté par la République tchèque mais la France peine à aligner des laboratoires capables d'entrer dans ce consortium européen alors que nous avons des compétences scientifiques. Je constate un hiatus entre la volonté affichée et les actes pour structurer les outils et se doter des outils dont nous avons besoin.