Lorsqu'un tel décalage est perçu, le projet n'a pas été compris. Concrètement, par exemple, vous avez parlé des conflits entre les agriculteurs et leurs voisins, autour notamment des zones de non-traitement. Il a été expliqué au début qu'il fallait, lors de l'utilisation de produits de santé végétale, une zone de retrait de 150 ou 200 mètres par rapport aux habitations. Nous aurions été collectivement plus intelligents en discutant de ces zones de non-traitement entre agriculteurs et collectivités. Ces zones sont aujourd'hui à cinq ou dix mètres, avec des chartes entre agriculteurs et départements. Nous aurions dû réfléchir au projet que nous mettrions en place entre agriculteurs, riverains et collectivités si un jour l'Anses se prononçait sur la question.
Nous nous sommes en fait heurtés à un conflit de voisinage. Ce conflit de voisinage a encore été aggravé par le fait que chacun connaît aujourd'hui l'existence de zones de non-traitement et les agriculteurs sont de ce fait encore plus stigmatisés en raison de leurs pratiques. Ils utilisent pourtant des produits ayant des autorisations de mise sur le marché (AMM) reconnues, validées par l'Anses, qui sont remises en cause par une réglementation française. Nous réfléchissons aujourd'hui à transformer ces zones de non-traitement en zones de développement de la biodiversité, en lien avec les apiculteurs, les chasseurs et les collectivités, pour protéger nos riverains mais répondre aussi à un enjeu de protection de la santé environnementale tout en développant la biodiversité.
Les agriculteurs ont été quasiment accusés alors que, par exemple, mon appareil à traiter est composé de buses antidérive. Lorsque j'interviens très tôt le matin avec une hygrométrie à 90 %, je sais que la dérive de mes produits de santé végétale ne dépasse pas 15 à 20 centimètres. Il était question au début de nous interdire de cultiver à moins de 150 mètres des habitations alors que nous perdons 60 000 hectares de foncier agricole tous les ans du fait de l'urbanisation et de l'extension du macadam.
Il nous manque en fait des espaces de dialogue dans lesquels agriculteurs et citoyens puissent réfléchir à un projet. Le décalage entre ce qui est négocié dans les ministères et ce qui est perçu provient du fait que nos agriculteurs ont le sentiment d'être montrés du doigt alors qu'ils utilisent des produits autorisés. Il faut expliquer tout ceci aux citoyens mais il faut aussi que l'État nous aide à accompagner ces transitions.