Intervention de Rémy Slama

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 11h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Rémy Slama, directeur de l'institut thématique Santé publique de l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) :

Il s'agit d'une vaste question. S'agissant de la COVID, le degré d'accord entre les scientifiques ne peut être jugé au niveau des plateaux de télévision. Le premier réflexe des nombreux chercheurs de l'INSERM travaillant sur la COVID consiste à générer des connaissances. Ceux qui se rendent sur les plateaux de télévision sont peut-être ceux qui en ont le temps. Nombre de nos chercheurs n'avaient pas le temps de répondre et ont préféré attendre de pouvoir disposer de connaissances avant de se rendre sur les plateaux de télévision. Les médias ont une certaine habitude à créer des discussions plus tendues en invitant deux personnes de points de vue opposés, ce qui surreprésente certaines opinions minoritaires.

De ce que j'ai pu constater de la gestion de cette crise, mon opinion est que nous avons assisté à des discussions extrêmement intenses et, pour les champs de santé publique que je connais, à une très forte convergence de vues entre les chercheurs de l'INSERM, les agences comme Santé publique France, nos partenaires de l'institut Pasteur, etc.

Je peux concevoir que ce qui circule dans les médias ou sur les réseaux sociaux donne une impression différente, mais en lisant les publications scientifiques, vous pourrez constater moins de désaccords que ce qui peut être ressenti, ce qui interroge sur les moyens de diffusion des connaissances et du temps que les chercheurs sont censés passer. Diffuser étant presque un métier à part entière, je peux tout à fait concevoir que les chercheurs puissent en faire davantage et que les organismes de recherche mettent davantage de moyens sur cette communication.

Je ne connais pas l'ensemble de la littérature sur le glyphosate, mais un effort est fourni par les revues scientifiques, notamment les plus sérieuses. Les Américains sont très avancés et nous publions souvent dans des revues américaines. Chaque personne qui publie doit indiquer ses sources de financement. Les agences accordent plus ou moins de poids à un travail selon l'origine du financement, ce qui ne signifie pas que les travaux émanant de l'industriel qui produit la substance en question ne sont pas considérés, mais un moindre poids leur est potentiellement attribué au profit des travaux indépendants.

Il se peut que je sois un peu trop optimiste en affirmant que les lois et les évolutions récentes conduisent à une diminution des conflits d'intérêts. Le fait que les scientifiques ne soient pas d'accord est lié à la façon dont nous générons nos connaissances en partant du doute pour parvenir à la certitude. L'exploration de l'ensemble des hypothèses alternatives permet de se rapprocher de la certitude. Il s'agit de la réfutation poppérienne. Cette discussion a normalement lieu dans l'arène scientifique et pas forcément sur les plateaux de télévision.

Sur ces questions extrêmement vastes qui font l'objet de centaines de publications, il appartient aux agences sanitaires, qui en ont les moyens, d'établir la synthèse des connaissances. Au niveau national, il faut s'appuyer sur l'Anses et l'INSERM avec nos expertises collectives et le centre international de recherche sur le cancer, lequel s'est prononcé sur le glyphosate. Les chercheurs discutent, débattent et génèrent des connaissances, lesquelles sont synthétisées par les agences. Nous espérons que ces dernières s'accorderont pour que le message parvienne clairement aux décideurs. La France est dotée d'excellentes agences. Tel est le message que j'incite à écouter.

S'agissant des politiques de santé environnementale, le cœur et l'architecture sont fournis par ces textes de loi. Le plan national santé environnement (PNSE) apparaît comme l'outil officiel et nos chercheurs contribuent à son élaboration. En considérant chaque mesure ou action individuelle qui y est énoncée, de nombreux éléments pertinents peuvent être identifiés, comme la réduction des cancers attribuables à l'amiante et aux effets de la pollution atmosphérique. Toutefois, l'examen du plan dans sa globalité montre un manque de vision structurante dans la mesure où il s'agit davantage d'une logique de micro-management que d'une grande stratégie structurée, ainsi qu'un faible effet d'entraînement.

Concernant la recherche, nous contribuons à ce plan, ce qui ne détermine pas largement notre action en l'absence de financements afférents. Les financements de l'INSERM paient les salaires, mais ne permettent généralement pas de faire de la recherche. Nous nous tournons donc vers les organismes financeurs, ce qui nous conduit à examiner le programme de l'ANR, de l'Anses ou de l'Union européenne et détermine les sujets sur lesquels nous travaillons. Tant que le PNSE ne sera pas associé à des sources de financement, il sera moins structurant que souhaité pour la recherche, ce qui n'est pas forcément problématique si les décisions de l'ANR et de la Commission européenne, qui financent cette recherche de manière extrêmement forte, sont pertinentes.

Les politiques publiques doivent consister à identifier les substances les plus préoccupantes et à en informer les citoyens. Des efforts sont fournis au niveau de la surveillance avec l'enquête de l'alimentation totale de l'INSERM, mais il n'est pas toujours facile d'identifier toutes les composantes de notre alimentation. Aucune obligation d'étiquetage n'est faite en dehors du champ des cosmétiques. Par ailleurs, il convient de faire en sorte que les niveaux maxima autorisés protègent la santé, ce qui est structuré par les principes figurant dans la loi.

Au-delà du PNSE, souhaitez-vous évoquer d'autres plans, programmes, actions ou politiques de santé environnementale spécifiques ?

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