Intervention de Rémy Slama

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 11h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Rémy Slama, directeur de l'institut thématique Santé publique de l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) :

Je laisserai de côté la question de l'information des citoyens s'il s'agit d'un plan censé structurer l'action publique et guider la recherche. J'insisterai sur la bonne façon de parvenir à cet objectif. L'information est cruciale, mais pourrait être dispensée dans d'autres cadres.

J'essaie d'esquisser une vision globale et structurante. Voici plus de 2 000 ans, Hippocrate invitait à examiner le contenu de l'air et de l'eau pour réfléchir à la santé des populations. Schématiquement, il peut être considéré que certains dangers ne sont pas du tout identifiés et que d'autres le sont. Des moyens sont nécessaires pour identifier les substances et les comportements émergents. Grâce à la loi REACH, nous connaissons les substances nouvellement commercialisées. Nous pouvons établir des baromètres et des études sur des comportements nouveaux pour identifier les problèmes ayant une influence sur la santé. Sur la base d'un programme ambitieux de criblage toxicologique, nous pouvons parvenir à identifier, parmi les substances commercialisées qui ont généralement été testées par l'industriel avec, parfois, des contraintes de test insuffisantes, les nouvelles substances et les nouveaux comportements qui posent problème, ce qui permet de lancer certains signaux d'alerte.

Lorsque le danger est identifié, il est crucial de disposer de programmes de biosurveillance forts. À ce titre, ESTEBAN de Santé publique France est exemplaire. L'Anses dispose d'un programme de surveillance de l'alimentation qui couvre des centaines de substances et est remarquable dans sa démarche méthodologique. Ce type d'approche est onéreux et doit être poursuivi sur le long terme. Si le danger est identifié, ces systèmes de surveillance permettent de qualifier les substances dont le niveau pose potentiellement problème.

Nous disposons de relations dose-réponse qui nous permettent de convertir ces niveaux d'exposition en nombre de cas de pathologies attribuables. Nous pouvons faire part aux décideurs du nombre de cas de problèmes métaboliques ou autres rencontrés avec le bisphénol A, le DDT et les retardateurs de flammes polybromés, ce qui leur permet de choisir l'axe de l'action. La recherche peut alors, sous réserve que lui soient attribués les moyens de faire de la recherche interventionnelle, comparer différentes mesures de gestion face à un problème donné et guider les décideurs.

Ce système n'est pas très éloigné de ce qui existe dans notre pays sans être écrit de manière explicite ni soutenu à tous les niveaux. Avec le concept d'exposome qui nous incite à considérer un grand nombre de substances, si nous disposons de ces plateformes permettant d'effectuer un criblage haut débit à partir de modèles cellulaires, voire animaux, et de cohortes fortement soutenues avec des biobanques permettant de confirmer chez l'humain les signaux qui sont générés chez l'animal, nous commençons à avoir une couverture globale et suffisamment générale des problèmes pour que les signaux émergents recouvrent réellement les problèmes majeurs. Le fardeau de maladies aide à hiérarchiser ces facteurs environnementaux en fonction de leur impact attendu ou suspecté. Santé publique France s'efforce d'opérationnaliser cette problématique à l'échelle de notre pays.

Pour toutes ces raisons, dans le rapport sur la préfiguration recherche du PNSE4, l'INSERM a formulé une proposition qui s'appuie sur ce concept et ce paradigme de l'exposome et de logique de criblage des expositions, d'identification des substances les plus préoccupantes, de surveillance des substances dans l'environnement, de caractérisation des effets chez l'humain et du risque avec cette approche du fardeau de maladies.

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