Intervention de Alexandre Leonardi

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Alexandre Leonardi, chef du service « prévention des risques et nuisances » de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE) d'Île-de-France :

Une périodicité est établie pour les sites industriels que nous inspectons. Les sites présentant le plus d'enjeux doivent être visités au minimum tous les ans. Certains sites le sont bien plus fréquemment. Des sites ont pu recevoir deux visites ces deux derniers mois ou quatre visites dans l'année. Il s'agit de sites majeurs, en fonction de différentes thématiques. Des sites d'importance juste inférieure seront inspectés au minimum tous les trois ans. Certains sites seront inspectés au minimum tous les sept ans. Enfin, il n'y a pas de périodicité minimale pour certains sites, dits « à déclaration », pour lesquels, par défaut, nous n'intervenons pas de façon systématique, mais nous possédons la compétence pour intervenir et aller inspecter.

En Île-de-France, ces visites périodiques occupent entre un tiers et 50 % de notre volume d'inspection. Dans notre programme annuel d'inspection, une partie est déjà préemptée par les sites que nous n'avons pas visités depuis un an, trois ans ou sept ans. Mais cela représente seulement une partie du programme de travail. Le reste de celui-ci peut être dédié à l'inspection des sites qui ne s'attendaient pas à nous voir si tôt. Nous avons donc cette marge de manœuvre, grandissante car nous avons l'objectif, en Île-de-France comme dans toutes les régions, d'augmenter significativement le nombre d'inspections annuelles. Nous tentons de multiplier par deux les contrôles réalisés par les inspecteurs entre 2018 et 2022. Cet objectif est extrêmement important.

On ne peut donc pas dire que les industriels s'attendent systématiquement à nous voir dans l'année qui vient. Cela étant, nous annonçons la plupart de nos visites. La raison n'est pas de rendre service aux industriels. Les sites étant si complexes, nous avons parfois besoin de demander des documents en amont. Nous pouvons également avoir besoin qu'un responsable « qualité-environnement » soit présent sur le site. Or ces responsables sont parfois mutualisés entre groupes. Si nous partons faire une inspection à deux heures de route et, qu'une fois sur place, nous nous rendons compte qu'il n'y a personne, nous aurons perdu une demi-journée. La majeure partie des visites est donc annoncée. En revanche, nous ne listons pas précisément tout ce que nous allons inspecter. Nous pouvons annoncer quelques grands thèmes sur lesquels nous avons l'intention d'inspecter. Nous pouvons aussi demander simplement à l'exploitant de se préparer à notre venue. Les pratiques peuvent être assez différentes selon les inspecteurs. Mais généralement, lorsque nous prévenons de ces inspections, les éléments que nous souhaitons contrôler ne peuvent pas être corrigés en un clin d'œil. L'exploitant ne pourrait pas remettre son installation en ordre juste avant la visite.

Nous effectuons aussi des inspections inopinées. Nous faisons ce choix lorsque nous pensons qu'il est préférable de ne pas prévenir si nous voulons avoir une chance de voir ce que nous venons observer. Nous pouvons également faire ce choix en cas de suspicion d'infraction commise par l'exploitant.

À ces inspections inopinées s'ajoutent ce que nous appelons les contrôles inopinés. Les deux sont quelque peu différents. Les contrôles inopinés sont simplement des prélèvements réalisés par un laboratoire sur les rejets dans l'air, dans l'eau ou dans les tours aéroréfrigérantes.

En conclusion, une bonne moitié de notre action intervient sur des sites qui ne sont pas soumis à la périodicité que vous connaissez bien maintenant.

S'agissant des sanctions, je ne suis pas du tout d'accord avec l'assertion selon laquelle certains industriels paieraient pour ne pas se mettre en conformité. Comment se passe une inspection lorsque nous détectons une non-conformité ? Si nous avons un doute, nous pouvons laisser un certain délai à l'exploitant pour justifier qu'il est en conformité avec la réglementation. Dès lors qu'une non-conformité est établie, l'inspection des installations classées peut proposer une mise en demeure qui est signée par le préfet de département.

Cette mise en demeure laisse à l'exploitant un délai raisonnable pour se mettre en conformité avec la réglementation. Ce délai est fonction de la gravité de l'infraction. Nous aurons envie d'être plus stricts en cas d'infraction grave, mais le délai est aussi fonction de la faisabilité des corrections à apporter. Si nous demandons à l'exploitant de modifier entièrement son installation en deux jours, la justice administrative cassera vraisemblablement notre injonction pour illégalité à demander quelque chose de manifestement impossible à réaliser.

Si les atteintes à l'environnement sont graves, nous avons la possibilité de prononcer des mesures conservatoires pour arrêter immédiatement les effets délétères à l'environnement ou aux personnes ou pour prévenir les risques. Nous faisons usage de cette disposition également.

Une fois que la mise en demeure est échue, nous retournons sur le site et nous réalisons une nouvelle inspection. Nous allons évidemment vérifier spécifiquement le point de mise en demeure, même si, éventuellement, nous vérifierons d'autres points par la même occasion. À partir de là, nous pouvons dérouler un arsenal de sanctions.

Ces sanctions peuvent être une astreinte, c'est-à-dire le paiement d'une somme journalière ou hebdomadaire jusqu'au rétablissement de la conformité. Elles peuvent également être une amende ou une consignation, c'est-à-dire que nous faisons bloquer l'argent sur le compte de l'entreprise jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité. Ces sanctions peuvent aller jusqu'aux travaux d'office : une fois que nous avons bloqué l'argent, nous pouvons faire réaliser les travaux par quelqu'un, à la place de l'entreprise si elle refuse de se mettre en conformité. Autant dire que ce sont des sanctions plutôt rares, car lourdes à mettre en œuvre. Nous souhaitons ne pas avoir besoin d'en arriver là, cette possibilité nous est néanmoins offerte. Nous pouvons aller jusqu'à la suspension d'activité de l'installation classée. En tout cas, il n'y a pas, sur le plan administratif, de dispositif de transaction administrative, si je puis dire, qui permettrait d'échanger le fait que nous « fermerions les yeux » contre le paiement d'une petite amende. Une telle possibilité n'existe pas en droit administratif.

Le droit pénal ne nous concerne pas. Les infractions à l'environnement peuvent éventuellement constituer des délits. Ces délits doivent être signalés au procureur. Il appartient ensuite à ce dernier de mener l'instruction de ces délits, en fonction de ses propres directives ministérielles, procédure dans laquelle nous intervenons assez peu, sauf à être consultés.

Cette procédure peut permettre des sanctions plus lourdes et prend généralement un peu plus de temps. On adaptera le choix de ces procédures. Les sanctions administratives seront privilégiées pour des industriels que nous connaissons, qui ont « pignon sur rue » et ont l'intention de continuer à fonctionner. Les sanctions pénales seront privilégiées pour des installations illégales qui relèvent vraiment de la délinquance, du banditisme ou des trafics illégaux. Ces installations seront généralement mieux traitées par le volet pénal.

En ce qui concerne la gouvernance, j'ai mentionné les difficultés, vues de la DRIEE, d'un plan santé-environnement dans lequel les collectivités territoriales pourraient être davantage impliquées. Comment renforcer l'implication de ces collectivités ? On peut imaginer une gradation d'options.

Une première option consisterait dans l'implication systématique des collectivités territoriales, soit par l'obligation du co-portage de la politique, soit au travers de la réunion périodique d'une assemblée qui impliquerait ces collectivités de façon obligatoire et systématique. Il me revient moins de traduire ces options en moyens juridiques précis. D'autres régions auront l'occasion de vous faire part de leur perception. Les régions où le PRSE est le plus dynamique sont celles dont le conseil régional s'implique le plus.

De la même façon, des changements intéressant l'implication d'autres collectivités (EPCI, métropoles, etc.) pourraient aller jusqu'au transfert de compétences à certaines d'entre elles. Mais il s'agirait alors de chantiers beaucoup plus importants.

L'autre sujet en matière de gouvernance concerne le fait qu'actuellement, les PRSE sont périodiques, car ils découlent de la déclinaison du PNSE. Cela a des avantages en obligeant les acteurs à se réunir, à discuter et à réfléchir aux actions qu'ils veulent mener. Cela oblige aussi à faire des bilans à mi-parcours, nécessaires même s'ils ne sont pas toujours très confortables. Cela oblige également à faire un bilan final et à relancer la dynamique après quatre ans. L'inconvénient tient au fait que ce pilotage occupe une partie substantielle du temps des chargés de mission gérant le PRSE.

Une autre option pourrait consister dans des feuilles de route continues, comme on le fait pour d'autres politiques publiques. Ces feuilles de route seraient entretenues et mises à jour régulièrement. On y « nettoierait » les actions qui n'ont plus lieu d'être, on en ajouterait de nouvelles. C'est une autre option qui me paraît tout aussi envisageable.

Je précise que je me suis exprimé à titre personnel, n'engageant que moi.

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