Intervention de Arnaud Joulin

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 15h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Arnaud Joulin, chargé de mission agroécologie et innovation à la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt du Grand Est :

Je concentrerai mon propos sur les produits phytosanitaires. Le plan est basé sur un objectif de résultats : nous nous sommes fixé un objectif de réduction de 50 % des usages à l'horizon 2025. À partir du moment où nous nous fixons un objectif de ce type, nous devons nous donner les moyens de le mesurer. Trouver quel indicateur serait utilisé pour mesurer cet objectif de réduction a même été le premier élément travaillé dans le cadre d'Écophyto. À cet effet, nous avons saisi l'opportunité de la création de la base nationale de données des ventes (BNDV), qui récupère les données de vente de l'ensemble des produits phytosanitaires. Nous avons souhaité l'utiliser au niveau régional. Dans un premier temps, cela n'a pas été possible car les données de vente étaient agrégées au niveau des sièges des distributeurs et nous obtenions des artefacts de distribution qui posaient de vrais problèmes. Par exemple, pour un grand distributeur opérant sur plusieurs régions, les ventes étaient comptabilisées pour un seul site, de telle sorte que nous étions amenés à enregistrer un excès de ventes dans une région et un déficit dans la région limitrophe. Nous avons pu corriger ce problème de distribution géographique à partir du moment où nous avons intégré la récupération du code postal des vendeurs en 2014, ce qui a rendu possible la réalisation des travaux que je vous ai transmis.

Il n'empêche que la BNDV n'a pas été prévue pour faire cette évaluation et ce suivi. Il s'agit d'un outil fiscal créé pour le recouvrement de la redevance pour pollutions diffuses. Nous l'utilisons pour fabriquer des indicateurs, mais ce n'est pas son objectif premier, et il en résulte qu'il faut travailler la base de données avant de pouvoir en tirer des indicateurs de données. Nous n'utilisons pas tous les éléments de cette base car celle-ci enregistre à la fois des produits dont nous cherchons plutôt à développer l'usage – les produits de biocontrôle à faible impact – ainsi que ceux dont nous souhaitons diminuer l'usage. Il faut donc segmenter pour savoir ce que nous devons rechercher.

Maintenant que nous disposons de ces données, l'enjeu est d'élaborer un outil de pilotage à l'échelle régionale. Il s'agissait au départ d'une étude de faisabilité, conduite dans le Grand Est, notamment en utilisant un indicateur national, le nombre de doses unités (NODU). Nous utilisons le NODU plutôt que l'indicateur agro-environnemental des quantités de substances actives (QSA) car il est plus pertinent pour représenter les utilisations de produits phytosanitaires, qui peuvent représenter entre dix grammes et dix kilos par hectare. Le traitement de comparaison à l'aide des QSA aboutit au mélange de données de nature hétérogène. Nous pouvons constater une augmentation d'utilisation en termes de nombre de traitements et une diminution des quantités car nous avons substitué des produits qui s'utilisent à des très forts grammages par hectare par des produits qui s'utilisent à plus faibles grammages. C'est pour cela que nous avons cherché à promouvoir le NODU, qui nous permet également d'analyser les pratiques des agriculteurs de manière assez fine. Cet indicateur est assez proche d'un indicateur que les agriculteurs connaissent déjà : l'indicateur de fréquence des traitements (IFT). Il nous permet d'avoir une analyse au niveau des substances et de susciter une discussion technique sur ces éléments.

Vous me demandez si nous pouvons obtenir des informations à l'échelle de la parcelle, ce qui est possible en théorie. En raison du « paquet hygiène », tous les agriculteurs doivent enregistrer leurs pratiques phytosanitaires à l'échelle des parcelles. En revanche, ils n'ont pas l'obligation de nous les transmettre, et nous n'y accédons que si nous avons besoin d'y accéder. Les seules données pour lesquelles un accès est prévu, notamment par l'autorité publique, sont les données de banque, que nous pouvons récupérer au niveau de la BNDV.

La spatialisation des usages est une question importante, qui se pose si nous voulons travailler des questions de santé-environnement. Nous essayerons de travailler sur cette question avec l'observatoire régional de santé. Nous avons déjà essayé de produire une carte : cette dernière est à prendre avec précaution car il ne s'agit pas d'une carte d'utilisations mais d'achats de produits, donc sa précision est limitée. Les achats peuvent être faits au sein d'un code postal donné et l'utilisation peut être réalisée sur les codes postaux environnants. Un travail au niveau national est également en cours à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement agronomique (INRAE) afin d'essayer de reconstituer cette localisation des usages à l'échelle de parcelles ou de groupes de parcelles.

Au sujet de la gouvernance, il me semble que, dès lors que nous sommes sur une politique d'objectifs avec une obligation de résultats, il est indispensable de disposer d'un outil de suivi d'évaluation, et donc d'indicateurs correspondants, à l'échelle à laquelle nous déclinons le plan. Sur ce sujet, la direction régionale a toujours été allante quant au partage et au travail de l'information en commun avec les parties prenantes. Ce travail, que je vous ai transmis, a été élaboré dans le cadre d'un groupe indicateur qui réunit les acteurs de l'administration (la DREAL, l'ARS et la DRAAF) mais aussi les coopératives agricoles, la chambre régionale d'agriculture, le négoce agricole et les agences de l'eau. Cela permet d'avoir une vision partagée. Le travail qui en résulte est factuel, car l'intérêt de la BNVD est de s'appuyer sur des données factuelles, qui ne sont pas discutables. Cela nous donne une base de discussion commune, sur laquelle nous pouvons commencer à avancer.

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