Intervention de Arnaud Joulin

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 15h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Arnaud Joulin, chargé de mission agroécologie et innovation à la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt du Grand Est :

Pour répondre à votre question, Madame la Présidente, nous revenons à la question des déterminants. Comment inciter les agriculteurs à changer de pratiques ? Il faut créer un marché répondant à l'objectif de réduction des usages et des risques liés à l'utilisation de produits phytosanitaires, la difficulté consistant à créer une nouvelle niche de produits qui répondent à ces préoccupations. La loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim) a introduit certaines obligations réglementaires, à travers l'incorporation de produits issus de l'agriculture biologique ou de systèmes de production durables.

La politique agricole commune (PAC) est également un déterminant majeur de ces évolutions : quels outils la PAC fournira-t-elle dans cette visée ? La stratégie « De la fourche à la fourchette » publiée le 20 mai 2020 par la Commission européenne reprend, dans ces grandes lignes, les objectifs du plan Écophyto et une partie des objectifs de la loi Égalim, et elle est donc cohérente avec nos textes. La question est de savoir si, à l'issue des négociations autour de la PAC, il y aura des outils disponibles pour articuler ces éléments de manière forte et volontariste, sachant que toutes les études internationales intégrant la question du changement climatique à l'horizon 2050 soulignent qu'il nous faut changer notre système alimentaire.

Au niveau régional, la situation doit s'analyser en tenant compte des particularités locales. Dans le Grand Est, il y a d'une part la production des fourrages pour l'important troupeau bovin laitier, situé notamment en Lorraine et dans la zone intermédiaire. Par ailleurs, il existe également des zones de production de grandes cultures presque spécifiques dans la Champagne crayeuse et dans l'Alsace. Ni les contraintes ni les enjeux ne sont pas les mêmes – et je ne parle même pas des régions viticoles.

Vous me demandez quel levier activer au niveau national – il est surtout question de réussir à créer un déclic. Au niveau national, il faut avoir un objectif fort et le tenir dans le temps. J'ai suivi pendant plus de vingt ans les différentes politiques de réduction ou d'action ministérielle et interministérielle sur les produits phytosanitaires : nous avons eu tendance à osciller entre des périodes volontaristes et des périodes d'inertie. Écophyto, qui a traversé trois majorités et s'inscrit dans la durée, s'est retrouvé dans cette position, avec une période flottante où nous ne savions pas vraiment quelles étaient les consignes et les volontés de conduite de ce plan.

Il est également important de porter le message d'Écophyto au niveau national, car on en entend peu parler, d'autres sujets ayant focalisé davantage l'attention. L'approche d'Écophyto présente l'intérêt d'être globale, mais elle mériterait d'être toilettée. D'autres questions, concernant notamment le changement climatique et la santé environnementale, ont en effet acquis une plus grande importance depuis le lancement du plan, et méritent d'être mieux articulées et traitées dans le plan. L'important est d'avoir une approche stable dans le temps : les changements au niveau des filières et des exploitations ne peuvent pas se produire du jour au lendemain. Un agriculteur n'investira pas le tiers de son exploitation dans une nouvelle culture d'un seul coup : il commencera, au contraire, par une petite parcelle, et si cela fonctionne, il poursuivra sur une autre. Il y a un temps d'adaptation et d'acculturation pour apprendre les pratiques. Il faut également que les filières se structurent. Nous avons besoin d'un effort et d'un soutien continu.

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