Intervention de Agnès Maurin

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 17h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Agnès Maurin, directrice de la Ligue contre l'obésité :

Nous sommes très heureuses de pouvoir porter aujourd'hui la parole de 7 millions de nos compatriotes. La Ligue contre l'obésité est une jeune association, fondée en 2014, et agréée par le ministère chargé de la santé depuis deux ans. L'association, qui compte environ 9 000 adhérents bénévoles, fédère à la fois des professionnels de santé et des patients, ainsi que 85 associations de patients sur tout le territoire français.

La maladie de l'obésité, encore mal connue, concerne 15 % de la population française adulte. En 1997, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) l'a classée au nombre des maladies chroniques. Cette maladie concerne les tissus adipeux, considérés comme un organe par les professionnels de santé. Sous l'influence de nombreux facteurs, cet organe recrute plus ou moins d'adipocytes – des cellules graisseuses. À ce sujet, j'aimerais d'ores et déjà battre en brèche une première idée reçue. Il n'est pas nécessaire d'ingérer des calories pour créer de la graisse ! Malheureusement, ce mécanisme peut être engendré par d'autres facteurs : des perturbateurs endocriniens appelés obésogènes, des polluants dans la pollution ambiante, des troubles du sommeil – un sommeil dans un lieu éclairé, un mauvais sommeil ou encore un sommeil trop court. Ces facteurs agissent à la fois sur les gènes, par le biais du développement d'une prédisposition génétique, sur l'épigénome et sur le microbiote intestinal, c'est-à-dire sur notre flore intestinale.

Il est désormais clairement documenté que l'épidémie d'obésité, qui est présente dans le monde entier, est liée au développement actuel de notre modèle sociétal et à notre environnement obésogène. Depuis le début du XXe siècle, les progrès de la médecine ont permis un grand ralentissement des maladies infectieuses. Ces maladies infectieuses, moins présentes et mieux guéries, ont fait place aux maladies chroniques, dont fait partie l'obésité et dont vingt millions de Français sont atteints. Dans les années 1980, 5 % des Français étaient obèses ; en 2012, ce chiffre atteignait 15 %. En France, l'obésité a donc triplé en quarante ans.

La crise sanitaire de la Covid-19 nous questionne quant à nos priorités. Elle révèle à quel point ces maladies chroniques – et notamment l'obésité – fragilisent la vie humaine. Le 12 mars et le 14 octobre derniers, le président de la République a insisté sur l'extrême vulnérabilité des patients souffrant d'obésité, en citant cette pathologie à deux reprises. Il s'accordait ainsi parfaitement aux études françaises et internationales qui montrent, depuis le mois de mars, que les malades de la Covid-19 souffrant également d'obésité présentent une charge virale plus forte, plus longue et donc plus dangereuse. Nous savons aujourd'hui que deux tiers des patients en réanimation souffrent d'obésité, et que l'obésité double la mortalité. L'obésité étant une inflammation chronique des tissus adipeux, elle affaiblit nos défenses immunitaires et permet au virus de mieux circuler. Le chercheur américain M. Jerry Heindel, chef de file de la recherche sur la relation entre l'obésité et l'impact des produits chimiques, a ainsi déclaré récemment à propos des États-Unis : « Nous sommes une nation malsaine : les produits chimiques nous affaiblissent dans notre bataille contre la Covid-19 ».

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