Intervention de Sylvie Gillet

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Sylvie Gillet, responsable du pôle biodiversité et santé-environnement et responsable de la communication de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE) :

Mme la présidente, mesdames et messieurs les députés, merci de nous auditionner. Je souhaite tout d'abord préciser que notre association ne compte pas dix-huit mais cinquante-deux entreprises adhérentes. Ces entreprises sont françaises et internationales, issues de tous les secteurs d'activité.

Notre association a été créée en 1992. Elle est actuellement dirigée par notre déléguée générale, Mme Claire Tutenuit, qui ne pouvait pas être présente ce matin. Elle est présidée par M. Jean-Laurent Bonnafé, PDG de BNP Paribas.

Nous avons accepté votre sollicitation, même si EPE n'a pas vocation à exercer une action de plaidoyer auprès des pouvoirs publics. Nous ne sollicitons jamais de notre propre chef les pouvoirs publics pour commenter les lois existantes. Notre activité principale consiste à améliorer les connaissances des entreprises membres sur les enjeux environnementaux, et particulièrement sur les enjeux de la santé environnementale.

Nous procédons nous aussi par des auditions au sein de cinq commissions, dont l'une concerne la santé environnementale, présidée par Christoph Mocklinghoff. Nous échangeons ainsi à propos des bonnes pratiques des membres, leurs opportunités et leurs difficultés, et nous réfléchissons aux meilleurs mécanismes d'action volontaire. Nous recevons également l'éclairage d'experts. La majorité des acteurs que vous avez auditionnés sont déjà venus présenter leurs activités à l'EPE, et partager leurs connaissances afin d'éclairer l'action des entreprises.

Nous souhaitions particulièrement vous présenter le rapport « Intégration des enjeux de santé environnementale par les entreprises », rapport que nous avons publié il y a tout juste un an, et qui est disponible en libre accès sur le site d'EPE. Ce rapport est le résultat de trois années de travail de la commission santé-environnement. Plus de quarante-cinq intervenants ont été entendus et dix-huit entreprises ont accepté de partager leurs bonnes pratiques.

Ce rapport montre combien les entreprises prennent ces questions au sérieux, même si elles communiquent peu sur le sujet, peut-être par humilité, mais aussi parce que ce sujet est sensible. Les entreprises craignent souvent de trop en dire et préfèrent agir plutôt que communiquer. Nous les y encourageons pourtant et ce rapport vise justement à objectiver les nombreux débats autour de la santé environnementale.

La première partie du rapport recense les quatre facteurs qui doivent inciter les entreprises à intégrer les enjeux de santé environnementale dans leurs stratégies. Le premier est la montée des attentes sociétales sur ce sujet à l'égard des entreprises. Plusieurs enquêtes montrent les préoccupations croissantes des Français, et plus généralement des citoyens européens, concernant la transparence et la traçabilité des produits que les entreprises proposent sur le marché. Les entreprises prennent très au sérieux ces attentes. Elles y sont encouragées par des applications qui expriment la volonté des citoyens de mieux connaître les modes de fabrication des produits et les substances qui y sont intégrées.

Le deuxième facteur tient au fait que les entreprises ne veulent pas risquer une rupture d'approvisionnement. La période que nous traversons depuis plusieurs mois a montré que les chaînes de valeur longues et mondialisées réduisent la possibilité de produire de manière transparente et sûre, et a révélé une interdépendance très forte entre les différents acteurs. Lors de son audition devant vous, M. Christian Zolesi de QAP Conseil a d'ailleurs beaucoup insisté sur ce point.

Le troisième facteur est le fait que la santé environnementale peut être facteur d'innovation et d'opportunité commerciale, ce qui intéresse beaucoup les entreprises.

Enfin, le quatrième facteur est l'évolution du droit sur ces questions. Bien que les contentieux sur ces sujets soient encore rares, la notion d'exposome a largement favorisé l'intégration d'une attitude proactive chez les entreprises.

Dans la deuxième partie du rapport, nous avons souhaité montrer comment les entreprises intègrent les risques en matière de santé environnementale. Comme plusieurs spécialistes, tels que William Dab, vous l'ont expliqué, il convient d'intégrer une cartographie des risques en santé environnementale parmi les risques-management, afin de bien les évaluer et de déterminer le dispositif à mettre en place pour les réduire. Dans notre publication, dix-huit entreprises rendent compte de leur manière d'aller au-delà de la réglementation. L'EPE soutient, en effet, l'action volontaire des entreprises afin de tester et d'étayer les dispositifs sur lesquels la régulation peut porter. Je vous invite sincèrement à parcourir ce rapport et à prendre connaissance des pratiques des grands groupes, que ce soit en matière d'autorisation de mise sur le marché ou de test grandeur nature mené sur toute une ville.

La question de la substitution de substances nocives est également abordée car elle suscite une grande émotion chez les consommateurs. Les Français sont devenus coutumiers des termes scientifiques et connaissent désormais les propriétés du phtalate ou du bisphénol. De ce fait, les trois principaux enjeux pris en compte par les entreprises sont la pollution de l'air, la pollution de l'eau et les perturbateurs endocriniens. Cependant, la substitution d'une substance novice par une autre n'est pas toujours possible ou nécessite du moins une grande anticipation. Certaines industries, comme celle de l'automobile, ont besoin d'une grande anticipation, et cela à l'échelle internationale, pour placer sous observation les substances potentiellement toxiques. Une interdiction de ces substances du jour au lendemain les mettrait en difficulté.

En d'autres termes, les entreprises font preuve de vigilance, étayée par des fondements scientifiques. Notre commission santé-environnement a reçu tous les scientifiques qui œuvrent pour une meilleure compréhension de la problématique de santé environnementale et de la notion de « One planet, one health ». La notion de dose, sous-jacente à l'évolution des connaissances médicales, est désormais dépassée. Les recherches de Barbara Demeneix nous ont beaucoup éclairés sur les expositions croisées et les « effets cocktail ».

Nous souhaitons également souligner que l'action des entreprises est aussi guidée par les objectifs de développement durable fixés par l'ONU, notamment l'objectif numéro 3 qui vise à permettre à tous de vivre en bonne santé. En ce sens, il est intéressant de réfléchir aux moyens d'articuler l'action des entreprises et de favoriser le dialogue entre toutes les parties prenantes, en tenant compte des attentes des citoyens et de la régulation poussée par les pouvoirs publics. En effet, vous seuls êtes un tiers de confiance entre la société civile et les acteurs privés.

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