Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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L'audition débute à neuf heures trente.

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Nous recevons, en première audition de cette matinée, M. Christoph Mocklinghoff et Mme Sylvie Gillet, représentants de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE).

Après avoir auditionné des acteurs institutionnels, des acteurs de la recherche et du monde universitaire, nous souhaitons interroger les acteurs privés afin de connaître la perception qu'ont les entreprises des politiques publiques françaises en matière de santé environnementale.

Madame Sylvie Gillet, vous êtes docteur en sciences politiques et vous avez été enseignante-chercheuse aux universités de Paris I et Paris IX, ainsi qu'à l'IEP de Strasbourg et au conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Après avoir exercé des responsabilités dans le secteur de l'édition, été manager en développement durable au sein du groupe Michelin, vous êtes, depuis septembre 2017, responsable du pôle biodiversité et santé-environnement, et de la communication de l'EPE.

Monsieur Christoph Mocklinghoff, vous êtes diplômé de l'université de Berlin, et avez exercé des responsabilités directoriales dans des entreprises du groupe Suez. Vous êtes actuellement directeur du département risques environnementaux chez le courtier Marsh, et vous présidez la commission santé environnement de l'EPE.

L'EPE regroupe dix-huit entreprises qui ont choisi d'intégrer les enjeux de santé environnementale dans leurs stratégies. Nous vous serions reconnaissants de nous présenter les travaux de la commission santé-environnement, en vue d'identifier les enjeux relatifs à la santé environnementale, et de partager les bonnes pratiques des entreprises ayant opté pour une attitude proactive en ce domaine.

(Mme Sylvie Gillet et M. Christoph Mocklinghoff prêtent successivement serment.)

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Sylvie Gillet, responsable du pôle biodiversité et santé-environnement et responsable de la communication de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE)

Mme la présidente, mesdames et messieurs les députés, merci de nous auditionner. Je souhaite tout d'abord préciser que notre association ne compte pas dix-huit mais cinquante-deux entreprises adhérentes. Ces entreprises sont françaises et internationales, issues de tous les secteurs d'activité.

Notre association a été créée en 1992. Elle est actuellement dirigée par notre déléguée générale, Mme Claire Tutenuit, qui ne pouvait pas être présente ce matin. Elle est présidée par M. Jean-Laurent Bonnafé, PDG de BNP Paribas.

Nous avons accepté votre sollicitation, même si EPE n'a pas vocation à exercer une action de plaidoyer auprès des pouvoirs publics. Nous ne sollicitons jamais de notre propre chef les pouvoirs publics pour commenter les lois existantes. Notre activité principale consiste à améliorer les connaissances des entreprises membres sur les enjeux environnementaux, et particulièrement sur les enjeux de la santé environnementale.

Nous procédons nous aussi par des auditions au sein de cinq commissions, dont l'une concerne la santé environnementale, présidée par Christoph Mocklinghoff. Nous échangeons ainsi à propos des bonnes pratiques des membres, leurs opportunités et leurs difficultés, et nous réfléchissons aux meilleurs mécanismes d'action volontaire. Nous recevons également l'éclairage d'experts. La majorité des acteurs que vous avez auditionnés sont déjà venus présenter leurs activités à l'EPE, et partager leurs connaissances afin d'éclairer l'action des entreprises.

Nous souhaitions particulièrement vous présenter le rapport « Intégration des enjeux de santé environnementale par les entreprises », rapport que nous avons publié il y a tout juste un an, et qui est disponible en libre accès sur le site d'EPE. Ce rapport est le résultat de trois années de travail de la commission santé-environnement. Plus de quarante-cinq intervenants ont été entendus et dix-huit entreprises ont accepté de partager leurs bonnes pratiques.

Ce rapport montre combien les entreprises prennent ces questions au sérieux, même si elles communiquent peu sur le sujet, peut-être par humilité, mais aussi parce que ce sujet est sensible. Les entreprises craignent souvent de trop en dire et préfèrent agir plutôt que communiquer. Nous les y encourageons pourtant et ce rapport vise justement à objectiver les nombreux débats autour de la santé environnementale.

La première partie du rapport recense les quatre facteurs qui doivent inciter les entreprises à intégrer les enjeux de santé environnementale dans leurs stratégies. Le premier est la montée des attentes sociétales sur ce sujet à l'égard des entreprises. Plusieurs enquêtes montrent les préoccupations croissantes des Français, et plus généralement des citoyens européens, concernant la transparence et la traçabilité des produits que les entreprises proposent sur le marché. Les entreprises prennent très au sérieux ces attentes. Elles y sont encouragées par des applications qui expriment la volonté des citoyens de mieux connaître les modes de fabrication des produits et les substances qui y sont intégrées.

Le deuxième facteur tient au fait que les entreprises ne veulent pas risquer une rupture d'approvisionnement. La période que nous traversons depuis plusieurs mois a montré que les chaînes de valeur longues et mondialisées réduisent la possibilité de produire de manière transparente et sûre, et a révélé une interdépendance très forte entre les différents acteurs. Lors de son audition devant vous, M. Christian Zolesi de QAP Conseil a d'ailleurs beaucoup insisté sur ce point.

Le troisième facteur est le fait que la santé environnementale peut être facteur d'innovation et d'opportunité commerciale, ce qui intéresse beaucoup les entreprises.

Enfin, le quatrième facteur est l'évolution du droit sur ces questions. Bien que les contentieux sur ces sujets soient encore rares, la notion d'exposome a largement favorisé l'intégration d'une attitude proactive chez les entreprises.

Dans la deuxième partie du rapport, nous avons souhaité montrer comment les entreprises intègrent les risques en matière de santé environnementale. Comme plusieurs spécialistes, tels que William Dab, vous l'ont expliqué, il convient d'intégrer une cartographie des risques en santé environnementale parmi les risques-management, afin de bien les évaluer et de déterminer le dispositif à mettre en place pour les réduire. Dans notre publication, dix-huit entreprises rendent compte de leur manière d'aller au-delà de la réglementation. L'EPE soutient, en effet, l'action volontaire des entreprises afin de tester et d'étayer les dispositifs sur lesquels la régulation peut porter. Je vous invite sincèrement à parcourir ce rapport et à prendre connaissance des pratiques des grands groupes, que ce soit en matière d'autorisation de mise sur le marché ou de test grandeur nature mené sur toute une ville.

La question de la substitution de substances nocives est également abordée car elle suscite une grande émotion chez les consommateurs. Les Français sont devenus coutumiers des termes scientifiques et connaissent désormais les propriétés du phtalate ou du bisphénol. De ce fait, les trois principaux enjeux pris en compte par les entreprises sont la pollution de l'air, la pollution de l'eau et les perturbateurs endocriniens. Cependant, la substitution d'une substance novice par une autre n'est pas toujours possible ou nécessite du moins une grande anticipation. Certaines industries, comme celle de l'automobile, ont besoin d'une grande anticipation, et cela à l'échelle internationale, pour placer sous observation les substances potentiellement toxiques. Une interdiction de ces substances du jour au lendemain les mettrait en difficulté.

En d'autres termes, les entreprises font preuve de vigilance, étayée par des fondements scientifiques. Notre commission santé-environnement a reçu tous les scientifiques qui œuvrent pour une meilleure compréhension de la problématique de santé environnementale et de la notion de « One planet, one health ». La notion de dose, sous-jacente à l'évolution des connaissances médicales, est désormais dépassée. Les recherches de Barbara Demeneix nous ont beaucoup éclairés sur les expositions croisées et les « effets cocktail ».

Nous souhaitons également souligner que l'action des entreprises est aussi guidée par les objectifs de développement durable fixés par l'ONU, notamment l'objectif numéro 3 qui vise à permettre à tous de vivre en bonne santé. En ce sens, il est intéressant de réfléchir aux moyens d'articuler l'action des entreprises et de favoriser le dialogue entre toutes les parties prenantes, en tenant compte des attentes des citoyens et de la régulation poussée par les pouvoirs publics. En effet, vous seuls êtes un tiers de confiance entre la société civile et les acteurs privés.

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Christoph Mocklinghoff, directeur du département risques environnementaux de Marsh et président de la commission santé-environnement de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE)

Étant membre de l'EPE depuis quinze ans, je peux vous affirmer que l'objet de notre association et son mode de travail ont beaucoup évolué. Nous sommes passés d'un travail de mise à disposition des connaissances sur l'environnement, perçu initialement comme une contrainte, à une attitude de décloisonnement des différentes fonctions au sein de l'entreprise, et de dépassement des principes de concurrence, de façon à trouver de nouvelles solutions.

Il y a une semaine, nous avons reçu les déclarations des entreprises volontaires pour la biodiversité. Jean-Dominique Senard a remercié l'EPE, dont il était le précédent président, pour avoir encouragé son groupe à intégrer ce sujet dans les comités exécutifs depuis deux ans. Je suis très heureux de travailler dans cet esprit et avec cette énergie.

Par ailleurs, Marsh est l'un des principaux courtiers en management du risque à l'échelle mondiale. Nous travaillons avec différentes assurances, notamment dans la santé et le conseil d'entreprise.

J'ai pris la présidence de la commission santé-environnement d'EPE pour amener une nouvelle orientation : prendre en compte les enjeux de santé-environnement dans le développement des nouveaux produits et services. Ce principe simple en théorie est particulièrement novateur, une fois appliqué au process concret du développement. Nous constatons en effet, aujourd'hui, que de nombreux produits commercialisés ne sont pas de bonne qualité. Par conséquent, nous pouvons envisager une évolution globale du marché vers une offre réduite de produits, mais de meilleure qualité et à plus forte valeur ajoutée, car toute entreprise a vocation à réaliser du chiffre d'affaires.

La tendance croissante est donc de compléter le produit par le service, les entreprises devenant de plus en plus globales. En effet, c'est souvent l'usage du produit qui le rend bon ou mauvais pour la santé et l'environnement. De plus, les grandes phases de développement du produit, de la conception à la commercialisation en passant par la fabrication, sont isolées l'une de l'autre, ce pour quoi l'usage final du produit n'est pas toujours celui imaginé lors de sa conception. La responsabilité de l'entreprise n'est donc pas globale, il y a une responsabilité propre à chaque process.

Ce constat nous amène à la dimension géographique de la santé-environnement. Nous venons d'ailleurs d'instituer une commission sur la pollution des océans, car tous les résidus qui ne sont pas traités par les biotechnologies, ni par les collectivités locales à cause du coût de traitement, sont rejetés dans les océans, notre bien collectif. Nous devons dépasser le périmètre français et terrestre et fixer des priorités pour l'environnement dans son ensemble.

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J'entends, avec une grande satisfaction et un certain soulagement, l'intention de nombreuses entreprises d'agir en matière de santé environnementale. Pouvez-vous préciser la typologie des entreprises membres de votre association ? Quels sont les secteurs d'activité les plus représentés ? L'EPE est actuellement présidée par le PDG de BNP Paribas, et vous-même êtes, M. Mocklinghoff, un représentant du secteur des assurances. Vous nous avez également parlé des perturbateurs endocriniens et des inquiétudes qu'ils suscitent.

Nous avons reçu précédemment le représentant d'une union d'entreprises qui ne semblait pas témoigner d'une telle ouverture, quant aux enjeux de santé environnementale. Nous souhaiterions donc savoir quelles entreprises membres de l'EPE se sont réellement mobilisées dans ce domaine, et combien d'entre elles ont officiellement lancé des démarches RSE, au-delà de leur bonne volonté affichée. Pouvez-vous également nous donner quelques exemples de leurs actions ?

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Sylvie Gillet, responsable du pôle biodiversité et santé-environnement et responsable de la communication de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE)

La liste des cinquante-deux entreprises membres est disponible sur le site de l'EPE. Il s'agit essentiellement de grands groupes intervenant dans tous les secteurs. Le secteur financier est effectivement très représenté, ainsi que ceux des assurances et de la chimie. BASF France et Bayer France ont notamment rendu compte de leurs actions en santé environnementale dans le rapport que nous avons cité.

Nous comptons également pour membres des entreprises du transport, tous les grands fournisseurs d'énergie, plusieurs entreprises du luxe – un secteur particulièrement concerné quant à la fabrication des produits cosmétiques – des carriers, les principaux gestionnaires de l'eau et des déchets, et la coopérative agricole InVivo. Enfin, les groupes de communication Vivendi et Publicis nous ont récemment rejoints.

Certaines de ces entreprises sont membres de l'EPE depuis sa création. Le bureau de l'association compte, à ce titre, plusieurs PDG de grands groupes. Néanmoins, les entreprises ne rejoignent pas l'EPE uniquement pour l'image, car l'EPE est peu connue du grand public et n'a pas vocation à le devenir. Les entreprises viennent avant tout participer aux travaux des commissions, qui durent chacune trois heures et effectuent un travail de fond, en vue d'intégrer plus encore les enjeux de santé-environnement dans leurs stratégies et leurs gestions courantes, et d'engager un processus d'émulation.

Je ne peux pas parler au nom de certaines entreprises plus que d'autres. Nous sommes inclusifs et nous voulons « embarquer » une multitude d'acteurs, avec toute leur chaîne de valeur. En effet, il est important de sensibiliser les sous-traitants à l'environnement. Le devoir de vigilance y fait beaucoup, mais pas assez.

Ainsi, toutes les entreprises adhérentes d'EPE font profession d'intégrer les enjeux environnementaux au sein de leurs activités. Il ne peut y avoir aucun passager clandestin car toutes sont engagées dans les travaux et envoient leurs experts participer à nos diverses initiatives, ainsi qu'à la rédaction des rapports.

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Vous nous avez bien exposé la prise de conscience des entreprises, quant aux enjeux économiques et sociétaux. Le monde de l'entreprise a effectivement compris qu'afficher sa sensibilité envers l'environnement et ses investissements dans la recherche était un argument de vente. L'évolution de la société a visiblement poussé les entreprises à s'intéresser à ces sujets, au risque de donner une impression de greenwashing et d'opportunisme socio-économique. Certes, les entreprises doivent, pour survivre, s'adapter aux évolutions du marché et des attentes des consommateurs. Au-delà de tout jugement éthique sur cette prise de conscience, l'enjeu économique est évident.

Vous avez lancé une dynamique et vous accompagnez les entreprises vers une nouvelle exigence économique, mais vous ne nous avez pas expliqué de quelle manière celles-ci passaient aux actes. Discuter en groupe de travail confidentiel est une bonne chose – même si vous vous faites aujourd'hui les porte-parole de ces entreprises – mais nous aimerions savoir quelles actions concrètes sont issues de ces discussions, et lesquelles sont réellement efficaces ? Pour ma part, je n'ai pas l'impression que le secteur cosmétique se soit inquiété jusqu'ici de la présence de nanoparticules dans ses produits. Il s'agirait davantage d'un argument de vente que d'une prise de conscience éthique sur la préservation de la santé des consommateurs.

Concrètement, êtes-vous à l'origine d'un plan d'actions inter-entreprises ?

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Christoph Mocklinghoff, directeur du département risques environnementaux de Marsh et président de la commission santé-environnement de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE)

L'EPE n'a pas l'intention de représenter ses entreprises adhérentes. Elle fonctionne plutôt comme une auberge espagnole que toute entreprise peut rejoindre pour s'inspirer des autres et s'améliorer. Aujourd'hui, la société civile est entrée au sein des entreprises. Les personnes qui occupent les fonctions de direction ont elles aussi envie d'améliorer leurs produits en tant que consommateurs, et elles se battent pour une vision de leur entreprise. Les entreprises membres sont représentées par des sherpas, comme je le suis pour Marsh, et ces sherpas sont des personnes de qualité qui sont en contact direct avec les PDG et ont la capacité d'influencer leurs entreprises, pour les convaincre d'entreprendre de bonnes actions, visibles de tous.

Parmi les actions concrètes, nous pouvons citer la conclusion de partenariats dans les secteurs en difficulté, et des actions plus simples dans le secteur bien portant des assurances. Celles-ci prennent désormais en charge de nouveaux risques liés à la biodiversité, à condition que les entreprises mettent en place des modes de prévention. Les impacts sur la biodiversité sont encore peu connus car tous les impacts polluants ne sont pas mesurés.

Un autre exemple concerne une entreprise agroalimentaire, qui cherche à diminuer l'utilisation des produits phytosanitaires en les utilisant de façon plus responsable, grâce à des photographies satellites des zones cultivables par exemple. L'idée est de passer d'une approche quantitative à une approche qualitative, en ciblant l'épandage des produits phytosanitaires sur les zones qui en ont besoin. De cette manière, nous pouvons diminuer le volume de produits utilisés et éviter l'infiltration du surplus dans les nappes souterraines, et ainsi éviter une contamination plus large de la population. Ces actions ne sont pas spectaculaires, mais apportent de premiers effets positifs.

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Sylvie Gillet, responsable du pôle biodiversité et santé-environnement et responsable de la communication de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE)

Je comprends votre interrogation et votre scepticisme, Mme la présidente, à l'idée que les mots demeurent une simple communication. Or les mots sont opposables. Ce que les entreprises disent s'impose ensuite à elles.

Je vous invite à lire les encadrés rédigés par les entreprises, que nous avons supervisés pour qu'ils soient très pragmatiques. Je pourrais vous présenter ces actions dans le détail, comme je les présente à des étudiants ou à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), mais cela prendrait des heures. Je vous invite donc à lire les encadrés pour comprendre comment la SNCF a réduit sa pollution de l'air et de l'eau ; comment BNP Paribas a pris l'initiative d'un pledge pour bannir le financement des industries du tabac ; comment EDF incite les foyers à la rénovation énergétique des bâtiments, qui a de réels effets sur la santé ; comment Engie a mis en place un processus pour réduire le risque de salmonellose dans les circuits d'eau potable ; comment Renault a identifié très en amont les substances sensibles afin de les éliminer ; comment La Poste a mis en place une offre logistique pour réduire les pollutions atmosphériques et les nuisances sonores ; comment Michelin a réussi à concilier la sécurité de ses salariés et le déploiement d'une politique de santé environnementale ; comment RTE a développé un MOOC sur les risques inhérents aux champs électromagnétiques.

Une controverse ne s'éteint jamais et aujourd'hui, les entreprises ne peuvent plus se vanter de tout bien faire, car la société civile les attend au tournant.

Sanofi et Suez ont, de leurs côtés, mis en place des actions pour réduire les micropolluants. Veolia et Total ont établi des standards de sécurité afin de protéger leurs millions de salariés dans le monde qui sont exposés à des pollutions répétées et croisées. Enfin, Vallourec explique dans son encadré comment l'entreprise est parvenue à substituer les nickels phosphates.

Ces encadrés présentent donc des actions très concrètes et précises. Au sein des commissions, les entreprises présentent des dispositifs concrets qu'elles sont en train de déployer au-delà d'un site pilote, ou sur lesquels elles souhaitent recueillir l'expérience des autres entreprises confrontées aux mêmes problématiques. Les sujets abordés concernent par exemple le passage de l'échelle française à l'échelle internationale, ou les moyens de ne pas pénaliser économiquement les entreprises mieux-disantes d'un point de vue environnemental et sociétal.

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Je vous remercie de ces cas concrets. Au-delà de votre présentation qui vise à valoriser la dynamique lancée par l'EPE, je salue toutes ces démarches entreprises par de grands groupes, depuis que les sujets du développement durable et du réchauffement climatique sont médiatisés.

Cependant, l'enjeu de la biodiversité est une problématique en bout de chaîne, après une longue série d'atteintes à l'environnement et à la santé humaine. Il est tout à l'honneur des entreprises de s'inquiéter du devenir de la biodiversité, mais celle-ci a été dégradée à cause de notre manque collectif de responsabilité quant aux impacts de l'activité humaine sur l'environnement.

Visiblement, la bonne volonté est là, mais les entreprises ont-elles la volonté de créer une charte ou un plan d'actions commun en faveur de la santé environnementale ? Vous nous avez cité uniquement des exemples à l'échelle de chaque entreprise, mais les membres d'EPE cherchent-ils à se coordonner dans une démarche-projet, avec des objectifs quantifiés ? Vous évoquez l'effort du secteur agroalimentaire pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, mais cette action ne répond pas à l'inquiétude des consommateurs sur l'impact potentiellement toxique de ces produits pour leur santé. Pouvez-vous nous donner des exemples d'entreprises qui s'associent pour agir à la source du problème, et pas uniquement pour « limiter la casse » ?

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Sylvie Gillet, responsable du pôle biodiversité et santé-environnement et responsable de la communication de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE)

L'EPE a été à l'initiative, avec d'autres réseaux d'entreprises, des ONG et des scientifiques, d'une démarche d'engagement volontaire sur la biodiversité et le climat. Toutefois, la démarche est plus difficile à engager concernant la santé environnementale. Néanmoins, je voudrais attirer votre attention sur la plateforme PEPPER (plateforme public-privé sur la pré-validation des méthodes d'essai sur les perturbateurs endocriniens), créée par l'institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) à l'issue d'une collaboration entre acteurs publics et privés, unique en Europe, afin de recenser les perturbateurs endocriniens. Plusieurs fédérations y participent, comme la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) pour les produits de luxe, de même que BASF pour le secteur de la chimie.

D'autres initiatives sont lancées concernant les nanomatériaux, pour restaurer le dialogue entre entreprises, scientifiques et associations, qui peinent encore à se faire confiance au sujet de la santé environnementale. Je citerai par exemple le forum NanoRESP.

Pour ce qui est de l'EPE, nous avions lancé la charte de l'expertise privée en 2007. Elle avait été signée par toutes les entreprises membres de l'EPE, dans le but de restaurer les conditions d'un partage des connaissances scientifiques accumulées par les entreprises, car elles sont les plus à même de mener des enquêtes toxicologiques sur la composition de leurs produits. La charte contenait également l'idée d'établir un parrainage entre les experts internes des entreprises et les scientifiques externes, qui valideraient a posteriori les résultats d'enquête.

Néanmoins, vous avez parfaitement raison, Mme la présidente, de souhaiter que les entreprises agissent ensemble.

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Je ne doute pas de votre bonne volonté. Je ne suis pas sceptique, mais je fais plutôt preuve de curiosité objective. Je me fais l'avocat du diable.

Comment les entreprises parviennent-elles à concilier les enjeux économiques, pour leur propre survie, et les enjeux éthiques pour la survie du vivant et en particulier des êtres humains ? Comment parviennent-elles à rendre leur processus de fabrication de produits ou de services compatible avec les enjeux relatifs à la biodiversité et à la santé environnementale ? Jusqu'à présent, ces enjeux semblaient inconciliables. La puissance des lobbies présents dans toutes les instances de concertation donne l'impression d'une fuite en avant, ce qui alimente le scepticisme des consommateurs.

Quelle est votre vision des politiques publiques en matière de santé environnementale, et comment les articuler, le cas échéant, avec les acteurs privés ? En tenez-vous compte dans votre dynamique ? Vous dites que les pouvoirs publics sont les tiers de confiance entre les consommateurs et les entreprises, mais ces politiques publiques sont-elles vraiment visibles ? Avez-vous des propositions pour les améliorer ou les rendre plus visibles ?

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Christoph Mocklinghoff, directeur du département risques environnementaux de Marsh et président de la commission santé-environnement de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE)

Je pense qu'une entreprise peut être créatrice de valeur tout en ayant un impact minime sur l'environnement, dès lors qu'elle prend en compte les enjeux environnementaux, dès la conception du produit. Certes, l'entreprise répond à des enjeux financiers, elle ne doit pas perdre de l'argent pour se maintenir financièrement dans le temps. Cependant, je pense que l'avenir de l'entreprise est l'intégration de services en complément du produit. Par exemple, Michelin bascule progressivement du produit pneu au service global de la mobilité. De cette manière, l'entreprise peut se permettre de fabriquer des produits plus chers et plus durables, et le service final vendu améliore la qualité du produit qui ne se vendrait pas sur l'unique critère du prix.

Les entreprises disposent d'une énorme capacité pour rechercher des solutions à leurs incohérences, mais elles ont besoin du soutien de l'État et de recevoir des objectifs prévisibles de sa part. Elles sont aujourd'hui exposées à des chartes rédigées par des ONG, sans intérêt certain en fin de compte, et elles doivent faire preuve de vigilance sur les modes d'analyse extra-financières, les obligeant à se rémunérer d'une autre façon.

Les entreprises ont besoin d'objectifs prévisibles à l'échelle européenne, le niveau législatif qui œuvre le plus pour la réglementation environnementale. Les politiques publiques doivent davantage protéger les entreprises engagées en faveur de l'environnement dans leurs échanges mondiaux, et surtout être plus incitatives, conformément à l'esprit des créateurs d'entreprise, créateurs de valeurs.

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Sylvie Gillet, responsable du pôle biodiversité et santé-environnement et responsable de la communication de l'association française des Entreprises pour l'Environnement (EPE)

L'EPE n'a pas vocation à mener une activité de lobbying. Les fédérations professionnelles s'en chargent déjà. Toutefois, les entreprises, comme la société civile, ont besoin des pouvoirs publics, car une démarche volontaire de la part des entreprises ne suffit pas dans notre économie mondialisée. Il convient que les plans édictés par les pouvoirs publics soient lisibles et pragmatiques et restaurent la confiance entre les parties prenantes. Ils doivent être mieux pilotés. D'ailleurs, plusieurs audits ont été réalisés sur les précédents plans nationaux santé-environnement (PNSE).

Les entreprises ont besoin d'une régulation à intégrer dans leurs démarches volontaires, car celles-ci permettent de vérifier les dispositifs les plus efficaces, et de nous donner les orientations vers lesquelles nous devons tendre. Par exemple, la plateforme PEPPER, qui réunit à la fois des scientifiques, des organismes publics, des associations et des entreprises, est un exemple d'interdépendance. Il convient de créer davantage de forums et de lieux d'échange, comme l'a fait l'Anses avec son comité des parties prenantes. Tous les acteurs doivent se réunir autour de la table pour échanger.

Enfin, il est également nécessaire de favoriser une démarche de prévention plutôt qu'une démarche curative, jusqu'à présent privilégiée en matière de santé environnementale.

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J'entends votre esprit d'ouverture et votre volonté de collaboration. Connaissez-vous le Groupe Santé Environnementale (GSE) ? En faites-vous partie ? Cette instance extraparlementaire intègre le monde de l'entreprise et réfléchit au contenu des PNSE. Il s'agit d'une instance participative à laquelle je vous invite à prendre part. J'entends le besoin d'une meilleure collaboration et d'une planification plus pragmatique et plus opérationnelle.

Je vous remercie d'avoir accepté de répondre à nos questions. Je vous souhaite bonne chance dans toutes vos initiatives, pour que tous ensemble, acteurs publics et privés, nous parvenions à faire en sorte que la santé environnementale soit mieux défendue, dans l'intérêt de tous, de nos enfants et de nos petits-enfants.

L'audition s'achève à dix heures trente.