Intervention de Philippe Prudhon

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 11h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Philippe Prudhon, directeur des affaires techniques de France Chimie :

France Chimie représente l'ensemble des industriels de la chimie en France, et joue donc un rôle majeur dans la prévention et la réponse aux impacts de nos activités industrielles et de nos produits sur la santé et l'environnement.

Le secteur de la chimie en France regroupe 3 300 entreprises, dont 94 % de petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE), emploie 170 000 salariés, et représente un chiffre d'affaires global de l'ordre de 70 milliards d'euros par an. Avant la crise, notre secteur présentait depuis dix ans une croissance régulière. Pendant la crise, il a fait preuve d'une grande résilience, en approvisionnant le pays en masques et en dispositifs médicaux, et en réorientant ses outils industriels vers la fabrication de gel hydroalcoolique. De nombreuses personnes ont ainsi vu l'intérêt d'avoir des sites industriels en France pour servir nos concitoyens.

Toutefois, nous constatons que la crise sanitaire a durement frappé l'activité de notre pays, qui recule de 15 % alors que la moyenne européenne est à 5 %, et que l'Allemagne annonce un recul de 3 %. Nous devrons compenser cet écart dans les prochains mois, et nous avons toute confiance en notre capacité d'innovation pour relever ce défi. En effet, la chimie est un secteur à forte valeur ajoutée, qui propose à la fois des médicaments, des molécules pour les produits d'hygiène et sanitaires, des matériaux à haute performance pour le bâtiment, l'automobile et l'aviation. La chimie participe également à de nombreuses innovations en faveur de la transition écologique, telles que les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et les batteries des voitures électriques.

Ces innovations sont corrélées, dans un premier ordre, à la maîtrise de l'impact de nos activités et produits sur la santé et l'environnement, et cet engagement est clairement affiché par notre secteur industriel. Il s'agit de gérer les impacts de nos usines et d'encadrer la réglementation et la mise sur le marché de nos produits. Concernant les sites industriels, une réglementation européenne s'applique aux industries chimiques, notamment par le biais de la réduction des émissions industrielles prévue par la directive relative aux émissions industrielles (IED) du 24 novembre 2010. La réglementation française impose également d'utiliser les meilleures technologies disponibles afin de réduire au maximum les émissions dans l'air. Des compléments de réglementation existent concernant les émissions dans l'eau et le traitement des déchets industriels, voire leur recyclage.

Concernant les produits chimiques, notre industrie est soumise à la réglementation la plus stricte et la plus ambitieuse du monde, le règlement Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques (REACH) du Parlement européen et du Conseil, adopté le 18 décembre 2005. Ce règlement vise à évaluer et encadrer la mise sur le marché des produits chimiques, et cet enjeu nous concerne tout particulièrement. Le règlement REACH établit des procédures pour collecter et évaluer les substances. Dans ce cadre, les entreprises collectent un grand nombre de données afin de les transmettre à l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), qui se charge ensuite d'évaluer la conformité de ces substances et de vérifier que les risques relatifs à ces substances sont correctement appréhendés. À ce jour, 23 000 substances ont déjà été enregistrées dans REACH, ce qui en fait la base de données la plus riche au monde concernant les propriétés des substances chimiques. Nous nous félicitons que cette base soit utilisable par tous, car elle est consultable par le grand public sur internet.

Si une substance possède des propriétés intrinsèques potentiellement dangereuses, elle peut toujours être utilisée, mais exclusivement pour ces propriétés-là. Par exemple, un acide est utilisé parce qu'il est corrosif. Néanmoins, l'analyse des risques de ces produits doit être correctement menée. Sinon, la mise sur le marché fera l'objet de restrictions. Ainsi, l'évaluation des agences et la décision des autorités quant à la circulation et la restriction d'une substance en France et en Europe se basent sur ces critères réglementaires, établis au niveau européen. En outre, le système REACH est fondé sur le renversement de la charge de la preuve. Il incombe à l'industriel de fournir suffisamment de données pour prouver l'innocuité de son produit dans le cadre d'une utilisation normale. Il doit également décrire les risques potentiels. REACH inclut également des obligations de traçabilité, mais nous y reviendrons plus tard.

Une autre réglementation importante est le règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances chimiques et des mélanges (CLP), adopté par le Parlement européen le 31 décembre 2008, qui impose de classer toutes les substances chimiques selon la classification qu'elle impose. Il existe également d'autres réglementations plus ciblées pour les jouets, les cosmétiques, les dispositifs médicaux, qui sont des produits en contact direct avec le consommateur. Enfin, il existe une réglementation sur l'exposition potentielle des salariés de la chimie.

Vous voyez ainsi combien le cadre réglementaire européen est riche dans le domaine de la chimie. La Commission européenne en a d'ailleurs fait le constat dans sa nouvelle politique. Les industriels s'inscrivent dans une démarche de progrès, notamment grâce aux outils numériques qui semblent pertinents pour améliorer la traçabilité des substances et la communication en temps réel qu'attendent les consommateurs.

L'industrie de la chimie prend également à bras-le-corps la problématique des perturbateurs endocriniens et des nanomatériaux, ce pour quoi elle a massivement investi dans la plateforme publique-privée sur la pré-validation des méthodes d'essai sur les perturbateurs endocriniens (PEPPER) pour caractériser les perturbateurs endocriniens en vue de les supprimer le plus rapidement possible. Nous n'aurons pas d'état d'âme à substituer les perturbateurs endocriniens avérés. En revanche, nous avons besoin de poursuivre la recherche et de collecter des données supplémentaires sur de nombreuses substances pour décider avec certitude de leur substitution.

Bien que la France déploie une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE), il nous importe que la France porte cette stratégie au niveau européen pour aligner la réglementation de tous les pays européens. Nous avons été très impliqués dans la stratégie nationale, en rédigeant un guide de substitution des perturbateurs endocriniens, et en contribuant à la plateforme PEPPER. La Commission européenne a présenté le 14 octobre 2020 sa stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, avec des enjeux très importants, mais l'on compte déjà de nombreuses avancées au niveau européen. Il reste à s'assurer que les produits importés subissent les mêmes contrôles que ceux fabriqués en Europe, de manière à protéger les consommateurs européens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.